Beyond Good & Evil - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par Nicolas, le 01/03/2004 (« On » me l'avait présenté comme une sorte d'ersatz de la série des Zelda mais transposée sur PC, « on » ne s'était pas trompé. Ce qui n'était pas pour me déplaire, il faut bien se l'avouer. Surtout que le jeu, dans le cadre du Festival Imagina de Monaco, s'est vu décerner les deux récompenses prestigieuses que sont les prix du meilleur scénariste (pour Jacques Exertier et Michel Ancel) et celui du meilleur jeu de l'année ; ce qui annonçait, cela ajouté aux différentes rumeurs et autres informations divulguées avant la sortie du jeu, d'excellentes prédispositions pour le nouveau concept issu de l'imagination du père de Rayman (Michel Ancel). A l'instar de la prestigieuse référence citée dans les premières lignes, Beyond Good and Evil s'inscrit dans un style balancé entre action et aventure, sans pour autant s'en réduire à ces deux thèmes. Il apparaîtra en effet, et ce assez rapidement, que le jeu croise les genres et diversifie son gameplay pour mieux captiver le joueur, une caractéristique qui fut sans nul doute un poids conséquent dans l'obtention de son prix de jeu de l'année.
Et tout commence sur cette bonne vieille planète Hyllis, où la reporter Jade et son oncle Pey'j (un croisement entre un cochon et un être humain) coulent des jours paisibles dans leur phare aménagé, en compagnie d'une ribambelle d'orphelins et de Waf, un énorme clébard paresseux et espiègle. Une paix toute relative puisque la surface du globe est régulièrement attaquée par les Dom'z, de vilains extraterrestres belliqueux qui à chaque tentative parviennent à capturer quelques habitants d'Hyllis. La situation serait nettement plus dramatique s'il n'y avait pas les Sections Alpha, les défenseurs de l'ordre sur la planète, et les boucliers d'énergie empêchant les Dom'z de pénétrer les endroits civilisés. Encore faut-il avoir l'argent nécessaire pour payer ses factures d'électricité, ce que Jade constatera à ses dépends. Il devient urgent de trouver de quoi rétablir le courant du phare. Jade accepte alors de rencontrer Monsieur Castellana, un éminent milliardaire, et part sur ses ordres photographier un couple de petits monstres sur l'Ilot Noir...
Premier contact, l'écran titre, d'une rare plasticité, accompagné de quelques notes de pianos douces et plaisantes. Un prélude au déluge sonore qui couvrira tout le jeu, assurément, mais j'y reviendrai plus tard. Intéressons tout d'abord à la partie technique du jeu, qui dans ses aspects graphiques est tout bonnement époustouflante. Ce n'est pas véritablement la modélisation ou l'animation des personnages, ni même l'apparence générale du jeu qui me pousse à dire cela, bien que très réussies, mais le soin apporté aux différents effets visuels, et surtout ces passages en hovercraft passé sur la surface d'une eau magnifiquement rendue (les reflets sont incroyables). Il faudra bien entendu posséder une machine conséquente pour profiter pleinement du maximum de détails, et l'on retombe dans la configuration maintenant classique du 1.5 Ghz, ses 256 de ram (512 me paraît nettement préférable), et sa carte vidéo d'au moins 64 Mo.
En audio, on alterne simplement entre l'excellent et le tout bonnement somptueux. Les doublages français, dans un premier temps, ont fait l'objet d'une attention particulière qui tranche avec la fameuse idée générale selon laquelle les jeux VF sont fréquemment mal lotis de ce côté là. La Bande Originale, dans un second temps, se montre brillante dans la plupart de ses aspects, en pesant ses mots. Les moments dramatiques, en l'occurrence, gagnent en intensité par la superbe des mélodies du jeu, élargissant la dimension humaine des aventures de Jade et de son évolution. Du grand art.
Le système de jeu est quant à lui plus difficile à décrire, mais la comparaison avec Zelda s'impose d'elle-même, jusque dans les petits coeurs représentant l'énergie des personnages et les sons associés, ainsi que les petits mélodies jouées lorsque le joueur résout une énigme.
Le jeu, à la troisième personne, utilise le clavier pour les commandes motrices, comme avancer, reculer, se baisser, et assimilés ; et la souris pour le visuel (orienter le regard et la direction de Jade) et les actions (bouton de droite pour les acrobaties, bouton de gauche pour frapper/appuyer/grimper/etc.).
Premier aspect du jeu: action. Lorsque qu'un élément hostile entre dans le champ de vision de Jade, elle se munit de son bâton extensible et frappe la racaille avec fougue et violence. Le clavier indique la direction, une pression sur la touche gauche de la souris y frappe, l'appui répété entraînant la réalisation d'une combinaison de coups bien mal accueillis par les adversaires. La touche droite, quant à elle, permet d'effectuer un pas de côté et d'ainsi esquiver une attaque qui serait, elle, potentiellement mal accueillie par l'héroïne.
Deuxième aspect : aventure. La plus grosse partie. Le jeu se constitue, outre son scénario principal, de deux fils rouges. D'abord son travail de photographie, chaque cliché d'une espèce animale d'Hyllis non répertoriée rapportera un certain paquet de crédits à Jade. Et un fois une pellicule (huit photos) finie, l'employeur vous remettra une perle, un élément du deuxième fil conducteur de l'aventure. Ces perles, au nombre de 88, sont la seule monnaie acceptée par le garage Mamago, l'unique moyen donc d'obtenir de nouvelle pièces vitales pour l'hovercraft. L'obtention de la totalité des perles n'est néanmoins pas nécessaire, mais demandera à quelques reprises une sérieuse chasse au trésor et constituera pour les plus motivés un défi à relever. En occultant ces deux spécificités, le scénario vous prend par la main et vous emmène de lieu en lieu sans possibilité de briser la linéarité de l'ensemble. La plupart du temps, il s'agira de s'infiltrer dans une sorte grotte/donjon/base truffée d'énigmes (du genre comment ouvrir telle ou telle porte), et d'arriver au bout afin d'y boucler un reportage nécessaire aux desseins du réseau IRIS, les rebelles hostiles à la section Alphas (apparemment aussi très vilains, mais chuuuuuuuuut !). Les possibilités physiques de Jade sont elles aussi dûment encadrées. Si la progression ne voit pas l'utilité de grimper sur telle ou telle caisse, le joueur ne pourra pas le faire. Parfois frustrant.
Troisième aspect : coopération. Un des noyaux centraux du jeu. La majeure partie du temps, Jade sera accompagnée d'un acolyte (Pey'j puis Double-H), qui l'assistera bien sûr lors des combats, mais servira également à faciliter la progression de la reporter. Par exemple, appuyer sur le bouton d'ascenseur, défoncer une grille, etc. En outre, en combat, il peut effectuer une attaque au sol projetant l'ennemi en l'air, pour que Jade puisse avoir le loisir, et au ralenti s'il vous plaît, de l'envoyer paître contre un obstacle et du même coup libérer la voie.
Quatrième aspect : infiltration. A l'instar d'un Metal Gear Solid ou d'un Splinter Cell, Jade devra parfois se faufiler à la barbe des gardes et raser les murs pour sa propre sécurité. En présence ennemie, elle peut ainsi se plaquer au mur pour mieux se dissimuler et observer les alentours. Les gardes se tiennent généralement à une seule attitude et passent toujours par les mêmes endroits, et un peu de réflexion primaire est alors suffisant pour passer ces « difficultés » peu contraignantes. Reconnaissons aussi que l'intelligence artificielle, quoique suffisante, n'est pas toujours exemplaire.
Cinquième aspect : véhicules. En premier lieu, seulement l'hovercraft qui vous offrira d'excellents moments à flâner sur une eau magnifiquement réfléchissante, dans de très vivants décors urbains, mais il vous arrivera aussi de vous mettre sur la ligne de départ pour des courses plutôt speedées (mais pas très ardues, hélas) ou d'effectuer des courses poursuites très étudiées et par ce fait bien plus intéressantes. Dans les dernières heures de jeu, Jade pourra récupérer le Béluga, un vaisseau spatial piloté grosso modo comme l'hovercraft, qui lui permettra d'accéder à des endroits inatteignables sans. Ces deux véhicules sont bien sûr équipés de moyens de défense et pourront faire l'objet de luttes acharnées dans les airs ou sur les mers.
Sixième aspect : tout le reste. Petits jeux sympathiques mais anecdotiques (par exemple, un jeu de palets), séquences de fuites explosives, quelques éléments de gestion (les containers de coeurs notamment, ou AP, peuvent être attribués au choix à Jade ou au binôme, avec possibilité de changer à tout moment), les utilisations auxiliaires de l'appareil photo (pour prendre en photo une carte du niveau, ou tout simplement archiver des clichés de lieux dans l'album photos pour penser à y revenir plus tard), etc.
Deux défauts, et pas des moindres. Le premier, le plus déplorable, le placement de caméra. Ou la lutte de l'homme contre la souris, d'où le livre Des Souris et des Hommes (ouh qu'elle est moche, cette blague). On a parfois l'impression de contrôler quelques chose, et dans d'autres moments beaucoup moins, surtout dans les endroits exigus. On se demande alors vraiment pourquoi ce fichu angle de vue choisit de regarder de face le personnage alors qu'on louerait le bon dieu si elle se cantonnait à se coller à la chevelure de la donzelle. En hovercraft, c'est parfois pire, mais cela ne nuit pas énormément au jeu, bien heureusement.
Deuxième défaut, la durée de vie. Un joueur moyen mettra environ dix heures à voir le bout de la campagne principale, sans réellement rencontrer de grandes difficultés. Les combats, en l'occurrence, n'en présentent aucune, pas même le boss final qui ne réclame qu'un peu de rigueur et de dextérité ; et les énigmes ne ralentissent pas grand chose non plus, mises à part une ou deux subtilités facilement franchissables avec un peu d'attention. Surtout que votre partenaire ne manquera pas de vous mettre sur la voie. Les quêtes annexes peuvent bien représenter quelques heures supplémentaires, mais certainement pas des masses. Et oui, Hyllis c'est une ville, quelques îles, et pas grand chose de plus.
Vous savez tout. Beyond Good and Evil concilie avec une maestria incontestable un certain nombre de styles de jeu, et promet d'excellents moments passés la souris à la main. Le scénario, quoique relativement peu original, et les différentes quêtes annexes (notamment la chasse aux animaux l'appareil photo à la main) tiennent en haleine à tel point qu'on ne voit pas le temps passer en compagnie de la jolie Jade. Ou peut-être est-ce dû au fait de la maigre durée de vie du jeu, qui peut se boucler en une dizaine d'heures tellement les énigmes et les difficultés rencontrées plafonnent à bas niveau ? Techniquement, en tout cas, la performance serait impressionnante si un méchant problème d'angle de caméra ne venait pointer son nez. Bonne adresse, en dépit de ses défauts.