F.E.A.R. - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 21/03/2006 (Tags : fear layers test peur conditioning conditionnement ambiance
Un titre à l'atmosphère par moment unique qui vaut vraiment le coup d'oeil pour celui qui aime se défouler à la première personne tout en étant accro aux nouvelles sensations.
First Encounter Assault Recon : tels sont les termes qui se dissimulent derrière F.E.A.R., unité d'élites américaine chargée de neutraliser tout événement paranormal périlleux pour l'équilibre du monde. Ca tombe bien puisque vous faites parti de cette unité spéciale. Votre mission : Heu... Etre parachuté dans des endroits terre-à-terre qui n'ont pas de rapport les uns avec les autres, dégommer de mystérieux terroristes à l'origine improbable et, accessoirement, tenter de remonter jusqu'à la source de cette manigance teintée de bizarreries. On ne peut faire plus original comme postulat de départ...
Une fois encore dans un jeu de ce genre, les concepteurs semblent n'avoir utilisé que des parpaings made in Legoland pour réaliser les différents niveaux, certes ultra réalistes grâce aux belles textures (et aux effets de lumières), mais décidément très angulaires et peu surprenants : locaux industriels faits de caisses et d'étagères, immeubles délabrés, bureaux en cours d'aménagement ou high-tech, bâtiments scientifiques, immenses parkings sous-terrain, égouts, des bureaux, quelques ascenseurs, encore des bureaux... Le déracinement est loin d'être de mise et de trop longues promenades dans tous ces intérieurs déshumanisés - où il ne se passe rien périodiquement... mais il paraît que c'est fait pour "instaurer une ambiance" - ont fini par me faire bayer aux corneilles plus que d'alimenter mon envie de peur. De plus, les passages obligés sont omniprésents et pratiquement aucune alternative de déplacements n'est disponible... où alors je n'ai pas bien cherché. En fait, face aux nombreuses portes bloquées, aux murets de planches et aux grillages infranchissables, le terrain est tellement bien balisé que mes stratégies d'attaques se sont résumées la plupart du temps à faire dans le rentre-dedans par petites touches sournoises.
Tout le monde semble être d'accord pour flatter l'intelligence artificielle poussée du jeu. En effet, les adversaires repèrent la lumière de votre lampe torche (dotée de ces fameuses piles défectueuses qui se vident en 1 minute et se rechargent toute seule en 30 secondes...), se cachent derrière les tables, vous tirent dessus à l'aveuglette ou initialisent un tir de couverture pendant que d'autres se déplacent vers vous, sautant par-dessus les obstacles. Ca bougent en permanence et les vauriens n'hésitent pas à chercher la prise en tenaille (lorsque le décor le permet, cela devient très intéressant... ce qui est rare) ou se replier au pas de course si vous faites preuve d'agressivité. Cependant, qui aurait l'idée de gueuler aux tympans de son partenaire : « Pedro, balances-lui une grenade pour le déloger de sa cachette ... » et l'autre de lui hurler à se rompre les cordes vocales : « Oké Miguel... Attention : chaud devant ! », hein ? J'exagère à peine, mais la discrétion n'est pas l'apanage de tous ces sourds d'oreilles qui, plutôt que de communiquer en silence comme de vrais pros, ont la maladresse de clairement indiquer ce qu'ils s'apprêtent à faire... histoire de faire monter la pression... ou pour vous faciliter les choses ?
Le joueur ne peut porter que trois des dix armes du jeu, du double revolver au sniper, en passant par le fusil à pompe ou le lance-missiles. Comme les différents types d'adversaires ont chacun leur sensibilité respective, il est ingénieux de découvrir l'outil idéal qui les fera pleurer à grosses larmes. L'arsenal des plus classiques est complété par des grenades et des mines (quasi-inutiles), d'innombrables medikit et renforcement d'armure éparpillés à foison, ce qui ne devrez pas poser de problèmes aux plus timides, habitués à jouer en dessous des modes difficiles. D'autre part, si vous êtes conjointement nerveux de la gâchette et gaspilleur de cartouches, il est possible de pratiquer le full-contact (coup de poing et pied) ou le tacle par derrière. Sympathique mais incommode en temps réel.
Un composant vient s'ajouter à votre paquetage : le fameux « Bullet Time », gadget en vogue depuis Matrix, et qui avait fait l'une de ses premières apparitions sous l'appellation de « distorsion temporelle » dans le doomlike Requiem : Avenging Angel (1999). Une pression sur la touche appropriée et le temps marche au ralenti, permettant de surprendre la cible, d'esquiver les rafales de balles et de mieux viser les opposants sur lesquels les dégâts sont localisés. Bien exploité, ce gadget devient une arme (trop) redoutable qui peut être optimisé de manière permanente, au même titre que votre capital vie, grâce aux articles spéciaux parfois dissimulés dans l'aire de jeu. Et même si la jauge de temps s'épuise (+/-) vite (suivant la puissance de l'arme que vous avez en main), le délai est suffisamment long pour permettre un dépoussiérage convenable du camp adverse. Une fois que l'on a compris le principe, les affrontements deviennent non seulement répétitifs, mais malheureusement enfantins.
A la lecture de toutes mes observations, on pourrait se demander si F.E.A.R. apporte réellement un intérêt quelconque dans le petit monde du fps (First-Person Shooter) ? En fait, la linéarité de l'histoire ou des décors permet à l'équipe de Monolith de calibrer avec pertinence les manifestations paranormales qui ponctuent et font l'originalité du jeu. Et confronter à cette particularité, c'est manifeste, F.E.A.R. ne chaparde pas son appellation. La lumière d'ampoules qui scintille à votre passage... des rats qui accourent dans votre sens comme effrayés par une présence... la silhouette traînante d'un être vivant qui passe furtivement derrière une porte.... des murmures... un téléphone portable qui sonne inlassablement du côté d'une énorme tache de sang maculant le faux plafond d'un bureau... une petite fille sinistre tout droit sortie d'un film de Nakata. Alors que Doom 3 jouait à fond la carte de l'effet de surprise bourrin en faisant sortir des recoins sombres de son environnement - et de manière systématique - ses méchantes créatures, F.E.A.R. instaure à plusieurs reprises une ambiance plus subtile et immersive, glisse des petites séquences inquiétantes et variées en utilisant à merveille les différents éléments de son décor. Sur ce point, la mise en scène est une belle réussite qui, grâce aux sporadiques frissons éprouvés lors de ces scènes, m'a donné envie d'aller au bout de l'exploration. Et fort heureusement, le soubresaut perdure jusqu'aux derniers plans joués, à la fois percutants et stressants à souhaits !
Le final en apothéose arrive néanmoins bien trop vite. Et comme la qualité du scénario ne se révèle que dans les derniers moments de l'aventure, on ressort avec la désagréable impression d'avoir passé les ¾ du temps à déambuler sans objectif précis, dans l'incohérence qui plus est. Cela dit, les développeurs du jeu sont les grands manitous du genre depuis leur diptyque Blood ou la saga No One Lives Forever, sans oublier le percutant second opus d'Aliens vs Predator, autre référence en matière de fps horrifique. Avec F.E.A.R., il signe un titre à l'atmosphère par moment unique qui vaut vraiment le coup d'oeil pour celui qui aime se défouler à la première personne tout en étant accro aux nouvelles sensations. Sans compter les chouettes compositions musicales et la grande beauté du jeu - malgré tous ses intérieurs basiques, ne serait-ce que par la qualité de ses effets spéciaux et ses multiples particules généreuses au potentiel immersif non négligeable (si toutefois votre pc possède une configuration très musclée, cela va sans dire...).