Des jeux sexistes ? Coupons leur les c…rédits

/ Actualité - écrit par Guillom, le 04/11/2015

Le sexisme dans le jeu vidéo, parmi ses créateurs et ses joueurs, c’est un vrai problème. Et si la solution venait du pognon … Deux députées proposent de conditionner l’attribution du Crédit d’Impôts Jeu Vidéo « au respect de l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les stéréotypes de genre ». Une bonne idée ?

Il est souvent reproché à l’industrie du jeu vidéo de véhiculer des clichés sexistes. Bon, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tout un domaine (ce n’est pas le seul)… Mais avouez que bon nombre de titres n’hésitent pas à surjouer du côté « pucelle en détresse » de telle princesse, de l’aspect hypersexué de tel personnage féminin, quand la pratique ne consiste pas à déshabiller une jeune femme virtuelle sous prétexte que sa peau fait photosynthèse (prends ça dans la gueule, Kojima).

Alors oui, certains jeux vidéo sont sexistes. Peut-on alors estimer que les développeurs le sont consciemment ? Et que dire de quelques joueurs, qui ont exprimé parfois haut et fort leur misogynie à l’occasion de diverses affaires ? Mais c’est un autre débat. Toujours est-il que la lutte s’organise contre pareilles pratiques. Ce n’est pas neuf : associations, joueurs et joueuses sont nombreux à prendre position contre le sexisme dans notre activité ludique préférée. Il est maintenant temps que le politique se saisisse à son tour de la problématique (pour faire autre chose que simplement fustiger, au choix, la violence, l’abrutissement des masses, le blasphème, l’hérésie, l’attaque contre la famille traditionnelle…).

Le sexisme, maladie infantile du jeu vidéo

Deux parlementaires françaises se sont lancées dans la bataille. La première, Catherine Coutelle députée socialiste de la Vienne, mi octobre, la seconde, Edith Gueugneau, députée socialiste (encore) de Saône-et-Loire, aujourd'hui. Que demandent les deux élues ? Dans des questions au gouvernement, elles réclament qu’une réflexion soit menée sur les conditions d’attribution du CIJV (Crédit d’Impôts Jeu Vidéo), en y intégrant la signalisation de contenu sexiste.


Le personnage stéréotypé est celui au centre de l'image

Pour résumer, le CIJV est une subvention prenant la forme d’une réduction des charges fiscales accordée aux entreprises dépensant un minimum de 100 000 euros dans le développement d’un jeu. Studios et éditeurs peuvent alors obtenir un pourcentage (jusqu’à 20%) des sommes engagées dans le développement dudit titre. Sont toutefois exclus les PEGI 18, soit les jeux comportant des séquences à caractère pornographique ou de très grande violence. Violence gratuite, encouragée, disproportionnée, trop réaliste, accentuée, telles sont les critères d’inéligibilité.

Quid des contenus sexistes, s’interrogent les deux députées. « Alors que les conditions d'éligibilité au CIJV prévoient que ces jeux devront répondre à un barème visant à apprécier la contextualisation de la violence, la loi ne prévoit pas, à ce jour, de dispositions similaires permettant de signaler la présence de contenu sexiste dans un jeu vidéo » notent-elles dans leurs questions à la Ministre de la Culture. Quand bien même, les gouvernements successifs se sont engagés dans la « promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes », y compris dans les médias.

Le nerf de la guerre

Le jeu vidéo est un média, c’est un fait. Mais rien n’est fait pour y endiguer la propagation de représentations, sinon sexistes, stéréotypés des genres. Nos deux élues demandent donc deux choses. Primo, à lire entre les lignes, le signalement, par un picto à l’instar des classifications PEGI, du « contenu sexiste de certains jeux vidéo, régulièrement dénoncé par des joueuses qui, loin des clichés, représentent en France près d'un-e joueur-se sur deux ».


"Je ne suis pas une représentation sexiste de la femme"

Secundo, le conditionnement des aides publiques de l’Etat au secteur du jeu vidéo « au respect de l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les stéréotypes de genre ». En d’autres termes, si un jeu est jugé sexiste, pas de CIJV. L’argument financier étant très apprécié de l’exécutif, notamment dans la lutte contre le piratage d’œuvres culturelles, il pourrait faire mouche auprès de Fleur Pellerin. Subsistent cependant deux points plus nuancés. Qui peut (et devrait) juger d’un caractère sexiste d’un contenu ? L’audiovisuel a le CSA, le jeu vidéo n’a personne : il sera donc nécessaire de mettre sur pied une autorité administrative indépendante, réunissant des représentants d’associations, de l’industrie du jeu vidéo et, pourquoi pas, des joueurs et des joueuses. Autre souci, une telle mesure sera-t-elle efficace ? Taper au portefeuille, cela fonctionne pour les petits studios, les indés et consorts, mais ils ne sont cependant pas les premiers bénéficiaires du CIJV. On peut toutefois espérer que cette politique incite les principaux concernés à revoir leur jugement et à corriger le tir. On peut espérer…