4/10Lost : Via Domus - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 04/04/2008
Notre verdict : 4/10 - Lost in translation (Fiche technique)

Tags : lost domus jeux configuration test xbox video

Via Domus s’avère être un jeu d’action aventure destiné à ceux qui mangent Lost, parlent Lost, pensent Lost, rêvent Lost toute la sainte journée. Bref ! Aux aficionados ultimes. Les autres, ne vous embarquez pas dans cette galère. Ou attendez le vol suivant.

## MENUS CHRONIQUE KRINEIN ##
# NOMBREUX SPOILERS A L’HORIZON #

A : Si vous n’êtes pas familiers des trois premières saisons de Lost et désirez le devenir dans un proche avenir, vous ne comprendrez rien à ce qui va suivre !

B : Si vous êtes familiers des trois premières saisons de Lost et désirez savoir si Via Domus est susceptible de contenir une seule petite réponse à vos innombrables questions, vous allez perdre votre temps…

C : Si vous vous foutez royalement de la série Lost comme de l’an pèbre mais que vous n’avez rien d’autre à faire que de zoner sur ce fil, alors bon vol mais faites gaffe à l’atterrissage…

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Ce n’est plus un scoop : l’adaptation vidéoludique d’une série TV trouve rarement une raison d’être autre que celle de satisfaire la groupie qui sommeille en chacun de nous. Quelquefois l’objectif fait mouche, inspire le respect, décuple l'adoration et gonfle même les rangs des déjà trop nombreux fanatiques du Culte. Ca, c’est quand tout va bien. Car en réalité, l’initiative de transposer une référence quelconque en jeu vidéo laisse souvent de marbre, entraîne la déception, voire déclenche la haine du passionné complet. Les transpositions médiocre de 24 heures, superflue de Desperate Housewives ou mal pansée de Urgences ont par exemple difficilement touché le public ciblé. Probablement trop motivées par l’envie de surfer sur le succès d’une franchise ? Per qualche dollaro in più, aurait soufflé à notre oreille Sergio Leone ? Par manque d’idées ? 42 ? Mouais… Malgré une remarquable conscience esthétique de la part du développeur Ubisoft Montréal, s’il fallait classer Lost : Via Domus dans l’une ou l’autre de ses plus ou moins bonnes réussites, sans hésiter, la désillusion prendrait l’ascendant sur tout le reste. Mais avant de déchanter, parlons un peu des grandes forces du titre.

“You all everybody ! You all everybody ! You aaaAAaaAll everybodyyyyy ! Ouais ! You all everybody ! You all everybody ! (…)”
-- Charlie (entre deux rails de poudre de noix de coco)

La première  : son ambiance visuelle et sonore, calquée avec finesse sur ce qui fait le cachet de Lost. Même si les intérieurs penchent vers le morne, les graphismes environnementaux tout en 3D sont de bonne facture, avec une faune détaillée, des textures précises. Les effets de lumières sont également harmonieux. La modélisation des personnages n'est pas mal du tout pour certains. Kate et Locke frisent l’avatar parfait. Quelques-uns ont subit d’étranges liftings (Michael et Sayid). D’autres n’ont pas eu cette chance et doivent se contenter d’une lointaine ressemblance (Jack et Charlie), voire pire : se coltiner un faciès de fin de douzième round (Desmond). A noter que sur la trentaine de personnages récurrents de la série – toutes saisons confondues, seule une petite douzaine apparaît dans Via Domus. Le reste du casting est passé à la trappe (Locke blague inside). Du coup, avec un tel manque de figuration, en plus de leur étroitesse, les lieux à visiter sont quasi désertiques et offrent très peu d’interactions. La promenade tourne courte et devient rapidement ennuyeuse. Evidemment, les fans trouveront du plaisir à se balader dans ces décors familiers, à échanger quelques mots avec leurs idoles cathodiques. Peut-être que certains péteront même un câble, ne verront plus les limites entre virtuel et réalité, espérant obtenir d’eux un autographe personnalisé, voire plus si affinités ? Oui. Je m’égare dans l’improbable. Via Domus n’atteint pas un degré de réalisme aussi palpable. Mais quand même…

“Paroles de Castor Senior ! Si mon camarade Christopher Reeve avait fait partie des survivants du vol 815, je lui aurai volontiers proposé une longue et vivifiante randonnée pédestre dans l’île”
-- Locke (après avoir bu un pack de bières made in Dharma)

Fidèle à l’esprit du feuilleton télévisé, Via Domus lui emprunte tous ses tics de mises en scène. C’est ce qui fonde l’autre intérêt du titre. Chaque nouveau chapitre (en fait pensé comme un épisode de 45 minutes) est structuré de la même façon. Le fameux previously on Lost est suivi d’un mini prologue d’accroche, lui-même coupé en plein vol par le célèbre générique titre épuré. Sympa. Ou pas. Etant donné que l’on peut mourir souvent dans le jeu, qu’il est impossible d’enregistrer sa progression en dehors des points de sauvegardes automatiques et qu’on ne peut zapper ni le résumé, ni les cinématiques d’intro, revoir plusieurs fois de suite ce genre d’entame peut exasperer celui qui supporte mal qu’une flopée de pages publicitaires viennent charcuter son feuilleton. Patience est donc préconisée. La trame principale distillée au fil des sept épisodes, quant à elle, est entrecoupée de flash-backs qui ont bien évidemment la fonction de révéler petit à petit la personnalité de Elliot, et son implication dans le projet Dharma. A ce propos, les ingrédients crossovers et cliffhanger si chers aux scénaristes de Lost ne sont pas absents de la panoplie de Via Domus. Ce mimétisme est salutaire et colle au genre à la perfection. L’interaction en plus. Cela dit, et sans dévoiler le mystère que dissimule la mémoire défaillante d’Elliot (voir plus bas), l’aventure participe dans son ensemble à renforcer la mythologie Lostienne, à savoir : celle de l’improbable tiré par les cheveux jusqu’à la racine par un ours polaire en pleine jungle tropicale. Au final, pas de révélations bouleversantes à tirer de ce périple, ni d’explications particulières quant aux sinuosités des trois premières saisons. Seule certitude en ligne de mire : la confirmation que les rescapés du vol 815 ont tous un lien de parenté et ne sont pas tombés sur l’île mystérieuse par hasard. Bon. Et sinon ?

“Jack est tellement confiant, a tellement réponse à tout, est tellement un héros ! (…) Et en même temps, Sawyer est tellement sexy, a tellement la rebelle attitude et si habile pour trouver de jolis sobriquets ! (…) Oui mais Jack il a un beau tatouage ! (…) Et Sawyer, de belles lunettes ! (…) Et la droiture de Jack… Et le regard ténébreux de Sawyer… Oh Jack… Ah Sawyer… Oh Sawyer… Ah Jack…”
-- Kate (libre dans sa tête)

Personnage inédit de cette nouvelle aventure (découpée en sept parties, et se situant dans le contexte vaporeux des trois premières saisons de Lost), Elliot serait apparemment l’un des survivants du vol Oceanic 815. L’utilisation ici du conditionnel n’est pas un luxe. En effet, en se réveillant au beau milieu de la jungle, le bonhomme ne se souvient plus de rien. Hanté par la présence fantomatique d’une jeune femme, c’est à vous de l’aider à retrouver son identité… Bonjour l’originalité, non ? D’emblée, cette ficèle scénaristique ne vous évoque-t-elle pas celle endurée par Jack, en début de saison 1 ? Bah oui. Mais je rassure les deux ou trois qui ont le courage de lire cette chronique : les correspondances flagrantes s’envolent plus tard… pour se fracasser la figure quelques mètres plus loin. Mais j’anticipe. Ainsi, pour assister notre amnésique de service, plusieurs phases sont mises à disposition. L’exploration pépère dans les principaux décors de la série (site du crash, campement de fortune, station Cygne, toilettes publiques derrière les fougères, Rocher Noir, locaux des Autres…) sera l’occasion de discuter avec les principaux héros de Lost. Discuter est sans doute un grand verbe puisque les quelques personnages que l’on croise sont avares de mots. Les échanges évitent le petit bonheur de l’exclusivité et campent mollement sur des lignes de textes déjà connues du spectateur. Pour combler le caractère asocial et l’attitude m’as-tu-vu des protagonistes, il vous reste la cueillette de ressources partout dans l’île : noix de coco, bouteilles d’eau, conserves... Bien utile pour troquer et acquérir des denrées indispensables à l’aventure : torches pour explorer les grottes ; pistolet et munitions pour se défendre contre les Autres ; divers fusibles pour jouer les électriciens... A ce sujet, hormis les quelques jeux de suites logiques proposés par les ordinateurs Dharma, les seules véritables énigmes disponibles sont celles dites des panneaux électriques. D’une facilité déconcertante, ces inépuisables séquences consistent à utiliser trois sortes de fusibles pour acheminer l’électricité et doser le bon voltage. Stimulant.

“Walt ? C’est mon fils ! Ma bataille ! Le fruit de mes entrailles, quoi ! D’ailleurs, il est où ? (…) Waaaalt ? WALT ??? WAAAAAAAAALT ??? Putain ! Je vais tout casser !!! WAAAah YOooOOoU KEN !!!”

-- Michael (survivant de l’enfer, souvent croise le fer, dernier héritier du Hokuto à viande)

Entre deux sites à explorer, virées d’orientation et courses-poursuites sont des activités incontournables de la journée d’un survivant. Assez tendues du slip, ces séquences d’action se résument à trouver le bon sentier à travers jungle en évitant de se faire enfumer par le Monstre ou dégommer par d’Autres sentinelles. A première vue, se faire courser par l’étrange système de sécurité a son petit effet, d’autant que la réalisation visuelle et sonore de ces passages est émotionnellement une réussite (du moins, en comparaison avec les scènes de Lost). Mais passé la découverte, la manière systématique dont est orchestré ce jeu du chat et de la souris devient plus énervant que flippant. Idem pour les séances d’orientation qui pâtissent d’un balisage tapageur, dans des décors trop exigus pour se paumer. Quant aux excursions spéléologiques censées instaurer une ambiance flippante avec ses chauves-souris et ses bruits bizarres, elles sont beaucoup trop linéaires et brèves pour nous faire mouiller le pantalon. Au chapitre des autres occupations phares de l’île, chaque épisode est l’occasion de plonger dans les méandres de la mémoire de Elliot. Afin de cristalliser celle-ci et remonter jusqu’à la source d’un souvenir, votre personnage doit fixer sur pellicule un ensemble d’éléments présent dans le flash-back. En mode subjectif, il faut cadrer, zoomer et shooter au bon moment pour ainsi débloquer la séquence. Elliot peut alors partir à la pêche aux indices (trois par épisodes), lesquels, mis bout à bout, révèleront ses actes passés. Là encore, la difficulté est inexistante puisqu’un modèle (déchiré, certes) du cliché à prendre est exposé en début de souvenir. La chasse aux indices, pour sa part, est totalement enfantine. Il suffit de se balader un peu dans le décor riquiqui pour trouver ces grosses et voyantes madeleines d’Elliot. En une expression élégante : les doigts dans le nez.

“4 poissons grillés, 8 noix de coco, 15 bananes, 16 conserves de ravioli, 23 bouteilles d’eau, 42 pots de beurre de cacahuètes… Hum, avec tout ça, j’ai de quoi me faire un bon petit casse-croûte de derrière les fagots héhé !”
-- Hurley (matin, midi et soir)

 

Que retenir de l’expérience Via Domus ? Son apparence globalement somptueuse ? Ah c’est vrai que c’est beau ! Sa corrélation maîtrisée avec l’univers de Lost ? Ca aussi c’est bien vu, tiens ! Son ambiance musicale immersive ? Ah ouais, on s’y croirait. Les artworks à débloquer en shootant différents éléments en cours de partie ? Bon… un peu light tout de même. La sensation d’être aux côtés des Disparus, de partager leur solitude, leur crainte, leur colère et leur moment de joie ? Heu, ouais… Le sentiment de faire partie de l’aventure ? Ben, euh… D’être complètement largué aussi un peu beaucoup ? Oui, voilà, exactement ! Mais est-ce suffisant ? Pour celui qui rêve d’un parc d’attraction axé autour de Lost, avec décors luxuriants et héros robotisés, sans doute. Mais faut vraiment pas être difficile. Car en dehors de ces considérations, le titre d'Ubisoft ne comporte pas assez de qualité pour marquer les esprits. Le mien, en tout cas. Le doublage français s’est fait sans panache par les mêmes voix tricolores de l’original télévisé. La durée de vie du jeu est minimale : à peine 5 ou 6 heures ! Les raccourcis et autres ellipses narratologiques employés pour survoler les trois premières saisons rendent l’ensemble encore plus complexe et incompréhensible. Pas de révélations. Très peu d’exclusivités. Quasiment pas, à vrai dire. L’histoire "originale" d’Elliot n’est même pas captivante. Le cliffhanger final, dans la lignée de la franchise : casse-pieds. Via Domus s’avère être en conséquence un jeu d’action aventure destiné à ceux qui mangent Lost, parlent Lost, pensent Lost, rêvent Lost toute la sainte journée. Bref ! Aux aficionados ultimes. Les autres, ne vous embarquez pas dans cette galère. Ou attendez le vol suivant.