Mémoires de joueur #2 : les sauvegardes

/ Article - écrit par Nicolas, le 16/11/2011

En ce moment, je joue sur le deuxième épisode d’Assassin’s Creed, jeu d’action tout à fait honorable qui a le mérite d’améliorer un peu la recette originelle mise en place par Ubisoft avec Altaïr. A partir de celui-ci, il y a une multitude de sujets que je pourrais aborder dans cet article, mais j’ai eu soudainement envie de discuter d’un fondement du ludisme virtuel moderne : la sauvegarde. Car oui, il y a une époque pas si lointaine où des acharnés comme moi pouvait laisser Jurassic Park sur SNES sur pause pendant toute une après-midi pour accompagner papa et maman à la plage et revenir sans avoir perdu sa progression. C’était pas très écolo, mais c’était quand même du temps de gagné.


Super Mario Bros : combien il me reste de vies ?
De l’ère 8 bits jusqu’à très récemment, on distingue trois façons de faire :
- La première est celle du hardcore, le vrai ! Celui qui se retape tout le niveau depuis le début à chaque fois au risque de ne pas progresser d'un poil de millimètre. Les Super Mario Bros de la NES, par exemple, étaient de ce type et obligeaient le joueur à re-parcourir de grandes portions du jeu à chaque start game. Il était facile de se décourager devant un titre à la difficulté rebutante, mais le résultat était là avec un peu de persévérance : le joueur devenait plus fort à chaque partie et finissait par devenir compétent sur la majorité des jeux du même type.
- La seconde passe par le stockage de la progression sur un mécanisme technique, tel une pile au lithium (Zelda), une disquette (les jeux PC des années 80), un disque dur (les jeux PC des années 90 et au-delà, les consoles next gen), ou une carte mémoire (à partir de l’époque 32 bits). C’est la voie « royale », celle qui permet de sauver sa progression ou de reprendre une partie un peu avant une défaite ou une perte tragique.
- La dernière est un peu une rencontre des deux, il s’agit du code dispensé par des jeux comme Metroid (NES) ou Megaman (NES également). Le code est généré par le programme et permet de retrouver un point de sa progression, sans pour autant que toutes les données personnelles du joueur soient sauvegardées. L’autre utilité, c’est que les joueurs peuvent s’échanger les codes entre eux pour s’entre-aider.


Assassin's Creed II : sauvegarde automatique
avant noyade.
Aujourd’hui, le système est beaucoup plus généralisé et même assez transparent dans ses mécanismes. Les jeux sur cartouches doivent encore avoir recours à la pile de sauvegarde, mais dans la plupart des cas le fonctionnement est devenu automatique – si l’on excepte les RPG, souvent obligés d’interfacer la demande de sauvegarde. Sur PC et sur console récente, nous traversons une période basée sur les « checkpoints » où le programme va sauvegarder la progression du joueur automatiquement à certains endroits – une fonctionnalité déjà présente sur certains FPS depuis les années 90. Si je reprends mon exemple d’Assassin’s Creed II, je peux tout à fait interrompre ma partie brutalement au moment où un contact (au hasard, Tok) m’appelle sur Skype pour le dérouiller à Starcraft II. Et je n’aurais probablement pas à refaire grand-chose, et même si ça trouve, rien du tout. La tendance veut que les sauvegardes n’appartiennent même plus au joueur, stockées sur un serveur distant – ce qui permet, lorsque l’on change de PC par exemple, de retrouver son joyeux bordel sans se préoccuper des backups en amont.


Le cristal de sauvegarde :
vision réconfortante
On peut voir tout ce système comme une assistance au joueur, qui devient sécurisé par la présence de sauvegardes automatiques : des jeux moins frustrants, moins stressants, et moins difficiles, forcément. Mais il est également une évolution non négligeable pour tout ce qui est confort de jeu et une certaine aubaine pour le joueur occasionnel. Plus besoin de se planifier des sessions de plusieurs heures ou de perdre sa progression pour aller se coucher – déjà qu’il est très tard -, non, nous sommes dans une ère où le joueur peut contrôler son temps de jeu et limiter son investissement personnel. Nous perdons néanmoins dans l’affaire le retour sur cet investissement : il est aisé de profiter d’une faiblesse passagère de l’IA ou tout simplement d’un bug pour passer une difficulté et ne pas être obligé de s’y re-confronter. Peut-on dire dans ce cas que l’on a vaincu le jeu, alors que vingt ans plus tôt on vous aurait contraint de refaire le même passage jusqu’à ce que vous y arriviez ?

Si l‘on dresse un bilan de tout ceci, on peut dire que la globalité des jeux d’antan étaient plus courts mais disposaient d’une durée de vie conséquente si l’on ne se frustrait pas de l’absence de sauvegarde ; et paradoxalement, les jeux d’aujourd’hui sont plus longs mais paraissent plus rapide à finir grâce aux nombreuses sauvegardes. Quant aux jeux « bac à sable », type GTA ou certains RPG modernes (Final Fantasy, Dragon Age, etc.), impossible de les imaginer sans sauvegarde, les deux concepts sont étroitement liés.

Que vous reste-t-il de la période sans sauvegarde ? Gardez-vous précieusement sur votre disque dur une vieille sauvegarde de Dune II en pensant vous y remettre un jour ?