Mini-rétrospective sur les consoles de salon Nintendo

/ Dossier - écrit par Nicolas, le 23/11/2012

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Dans quelques jours, Nintendo mettra sur le marché sa nouvelle console de salon désormais connue sous le nom de « Wii U ». Outre ses capacités techniques revues à la hausse, celle-ci met à disposition du joueur une manette très inhabituelle composée d’un écran tactile permettant d’interagir avec le jeu ou de l’afficher directement sur son pad. Le monde du jeu vidéo est actuellement circonspect, malgré un line up solide composé de sorties constructeurs (NintendoLand, New Super Mario Bros Wii U, etc.) et de productions tierces emblématiques (Batman Arkham City, Mass Effect 3, le très attendu Zombi U, etc.). Difficile de voir l’avenir de cette console, de savoir si les éditeurs sauront mettre ses spécificités au premier plan, et si les gamers vont enfin se réconcilier avec Nintendo. Mais il est beaucoup plus facile d’écrire une rétrospective courte sur trente ans d’occupation des salons. On oublie les consoles portables, les Game & Watch, les accessoires bizarres, pour revenir à la console qui a tout lancé : la Famicom (ou NES).


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Au début des années 80, avec pour but d’ouvrir au sein de son entreprise un nouveau marché (s’affranchir des salles d’arcade pour jouer bien au chaud chez soi), le président de Nintendo de l’époque Hirochi Yamauchi commande à son département de recherche & Développement une console de jeu bon marché capable d’accueillir une nouvelle génération de jeux vidéo. Si le prix escompté est largement dépassé (on passe d’un objectif de 10.000 yens à près de 15.000), l’entreprise est un franc succès : la console embarque un processeur 8 bits (de photocopieuse, ou presque) Ricoh cadencé à moins de 2 Mhz, une mémoire vive de 2 Ko, et permet d’afficher une image en 256X240. Oui, c’est parfaitement ridicule aujourd’hui, mais il s’agit d’une révolution technique qui va profondément modifier le paysage du jeu vidéo. Nintendo s’affranchit même des joysticks pour proposer une manette assez semblable à ses Game & Watch, avec une croix directionnelle. Sortie un 15 juillet 1983 au japon, la console se vend à plus de 500.00 exemplaires en quelques mois, ce qui représente un succès phénoménal. A tel point que la production de la machine continuera jusqu’en octobre 2003. A l’heure qu’il est, son succès est estimé à plus de 60 millions de Famicom vendues à travers le monde.


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Nintendo profite alors de son règne sans partage pendant quelques années, jusqu’à ce que Hudson Soft et NEC s’allient pour concevoir la PC Engine. Nous sommes alors en 1987, et la nouvelle console propose des spécifications techniques supérieures à la Famicom, bien que demeurant dans l’ère 8 bits. De plus, Sega prévoit de sortir fin 1988 sa console 16 Bits et risque d’arracher des parts de marché. En hâte, Hirochi annonce que ses équipes travaillent sur un nouveau modèle de console de salon, qui sera présenté pour la première fois en 1988. On y fait grand étalage des spécifications techniques : un processeur 16 bits cadencé jusqu’à 3.79 Mhz, 128 Ko de mémoire vive, et un joli processeur Sony pour le son. Nintendo continue d’innover en proposant une manette très ergonomique et dotée de deux boutons latéraux, devenus désormais des standards de l’industrie. Sur le long terme, ce sont les jeux qui feront la différence malgré une concurrence acharnée de SEGA, et la Super-Nintendo sera écoulée (depuis sa sortie en 1990) en fin de vie à quelques 50 millions d’unités (contre 40 pour sa concurrente directe). Nintendo tentera de faire de sa console une machine évolutive, notamment en mettant sur pied un périphérique de lecteur CD-Rom en partenariat avec Sony. Mais alors que l’objet allait être annoncé au CES de Las Vegas (1989), Hiroshi découvre les petits caractères du contrat et trahit Sony en rompant toutes communications. Nintendo annonce alors au CES s’être allié avec Phillips pour la création de son périphérique. La vengeance de Sony sera terrible : tout le travail amassé sur le lecteur CD-ROM servira à la conception de la Playstation, et sera le coup d’envoi à l’implantation massive de la firme japonaise dans le secteur du jeu vidéo. Ce qui sera le plus grand handicap de la prochaine console de Nintendo.
Pour aller plus loin : Dix jeux marquants de la Super Nintendo


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La firme prend conscience qu’elle a une concurrence et que celle-ci peut ébranler son hégémonie. C’est donc dès 1993 que l’on entend parler du Project Reality, qui deviendra tour à tour Ultra 64 (pour 64 bits) puis Nintendo 64. Nintendo souhaite mettre KO ses adversaires en s’associant avec Silicon Graphics, le constructeur d’ordinateurs de haute performance dédiés à l’infographie et à la 3D. Les caractéristiques annoncées sont impressionnantes mais seront revues à la baisse d’ici la sortie, probablement pour éviter un prix trop élevé, tout du moins pour la version console – l’architecture ultra 64 sera utilisée en sus pour la création de machines d’arcade, notamment celle de Killer Instinct. Pendant le développement, Nintendo confirme le port cartouche, pour des raisons de temps d’accès et de coûts technologiques. Problème, la Playstation sort en 1994 et se positionne immédiatement comme le produit multimédia moderne. La console, dotée d’un lecteur de CD-ROM et donc d’une capacité de stockage élevée, attire les développeurs déçus par l’adoption du format cartouche de la Nintendo 64, comme Square Soft. Malgré quelques idées lumineuses (comme les quatre ports manettes en façade, la manette révolutionnaire) qui marqueront son temps, la Nintendo 64 a déjà perdu la bataille lorsqu’elle sort en 1996. 32 millions d’unités à travers le monde seront vendues, contre plus de 100 millions chez Sony.


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Mais l’on ne parle pas encore d’échec, il faudra attendre la GameCube pour en arriver là. Pourtant, lors de la présentation de 1999, les spécificités techniques dévoilées augurent du meilleur, nous sommes encore dans une époque où Nintendo rivalisent d’égal à égal avec la concurrence sur le plan technique. Mais très vite, les problèmes s’accumulent. D’abord, le format des jeux adopté sera le mini-DVD (plus difficile à pirater), lequel ne permet même pas de stocker 2 Go de données. Ses deux principaux concurrents, Microsoft et Sony, ont adopté pour leurs nouvelles machines (respectivement la Xbox et la Playstation 2) des DVD traditionnels double-couche, soit presque 9 Go de données à disposition – sans compter la possibilité de lire des films. Mais surtout, l’apparence même de la console fait immédiatement penser à un produit destiné aux enfants, alors que les consoles de la même génération ont penché pour un design plus high-tech, plus facile à incorporer dans un salon moderne. Même constat pour la manette, qui malgré une ergonomie sans faille ressemble beaucoup à un jouet éducatif. Malgré d’excellents titres, la console ne s’écoulera qu’à 21 millions d’exemplaires depuis sa sortie en 2011, devancé par Microsoft et ses 24 millions de machines, écrasé par Sony et ses 150 millions d’unités. Quant à Sega, suite aux échecs successifs de la Saturn (8 millions) et de la Dreamcast (10 millions), le constructeur abandonne la guerre des consoles pour se concentrer sur les jeux.


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Mais Nintendo ne compte pas encore se déclarer vaincu. La firme va mettre en chantier un projet ambitieux qui va profondément changer le jeu vidéo tel que nous le connaissons, pour le meilleur et pour le pire. Avec la Revolution, ancien nom de la Wii, Nintendo corrige certains défauts de la GameCube : le design est sobre, élégant, et la console suffisamment petite pour s’insérer à peu près n’importe où. De plus, Nintendo se décide enfin à adopter le format DVD et offre donc aux développeurs davantage de capacité de stockage. Bien sûr, la concurrence a une grosse longueur d’avance sur la question et pense déjà à adopter des formats plus denses, comme le Blu-ray ou feu le HD-DVD, pour profiter de la haute résolution. Pour cause, Nintendo a abandonné l’idée de rivaliser sur le plan technique et préfère changer les manières de jouer et viser un public plus large. La Wii est donc capable de reconnaître les mouvements effectués par sa manette, qui ressemble à une télécommande. Toute la famille peut désormais être rassemblé autour de l’écran et profiter de jeux vidéo simples et bon enfant. Le concept même a un revers : il ne peut pas, ou tout du moins pas facilement, proposer des jeux similaires à ceux des autres consoles. La puissance technique est un frein, les spécificités de reconnaissance de mouvements de la Wii en est un autre. De par son créneau familial, la console se vend très bien : 100 millions d’exemplaires depuis 2006, contre 60 millions pour la Playstation 3 de Sony et la Xbox 360 de Microsoft. Mais beaucoup d’entre elles ne seront que peu utilisées, les « gamers » ne se retrouvant pas dans la console de Nintendo. La firme peut néanmoins se vanter d’avoir ouvert un nouveau marché, si bien que ses deux concurrentes vont lui emboiter le pas, en innovant (le système Kinect de Microsoft) ou pas (le PS Move de Sony).

Dans le même ordre d’idée, la Wii U ne concurrencera pas la prochaine génération de console sur le plan technique, Nintendo ne faisant que s’aligner sur les performances actuelles de la PS3 et de la Xbox 360. Mais tout comme la Wii, elle amène une nouvelle façon de jouer et d’interagir, tout en gardant une attractivité pour les gamers, même si elle ne sera probablement que temporaire. Le pari : réussir à attirer les développeurs sur sa console et ne plus se reposer entièrement sur ses licences porteuses que sont Mario et Zelda.