5/10Ni.Bi.Ru. : Sur la piste des dieux Mayas - Test PC

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 23/04/2009
Notre verdict : 5/10 - Qu'importe l’ivresse, pourvu qu’on ait le flacon? (Fiche technique)

Tags : jeux windows eur aventure video achat dieux

Ni.Bi.Ru annonçait par son intrigue mystérieuse une aventure palpitante et aussi efficace que celle du prédécesseur de chez Unknown Identity, The Black Mirror. Hélas, le titre déçoit largement les attentes de l'amateur de point'n'click.

Le studio de développement d'origine tchèque, portant le nom mystérieux d'Unknown Identity, et intégré depuis 2004 à la société Future Games, nous avait déjà livré en 2003 un jeu d'aventure relativement bien accueilli, The Black Mirror.

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En mars 2005, nous voilà en présence de leur nouveau né, dans l'étroite lignée du point'n'click précédemment cité, avec un certain Ni.Bi.Ru. Derrière ce nom étrange à la sonorité musicale, se cache un projet de recherche datant de la seconde guerre mondiale, et reliant une légende Maya à un secret bien mystérieux (enfin, lorsque l'on est habitué aux jeux d'aventure et à leurs éternelles quêtes ancestrales, le mystère est assez transparent, avouons-le). Le bûcheur préposé aux tâches laborieuses n'est autre que le jeune archéologue Martin Holan, que nous incarnons tout au long du jeu. Envoyé par son oncle, chercheur et passionné lui aussi par la civilisation Maya, en République Tchèque puis en France à la recherche d'indices précieux permettant d'élucider le mystère Ni.Bi.Ru, le jouvenceau est loin de soupçonner les inquiétantes et parfois morbides découvertes qui l'attendent.

Malgré une intrigue de départ plutôt attrayante, soyons clairs tout de suite, Ni.Bi.Ru est malheureusement loin de tenir ses promesses dans son déroulement. D'une part, et c'est assez fâcheux, on est en droit de se demander, pendant la première prise en main, si les développeurs ne désiraient pas tout simplement transformer leur joueur en vulgaire marionnette totalement dépourvue du moindre esprit d'initiative. Il est toujours de mauvais ton d'évoquer un film interactif pour qualifier un jeu d'aventure. Or dans notre cas, difficile d'échapper à cette (douloureuse) idée, tant la jouabilité frôle de près le dirigisme, voire la dictature intellectuelle (la force du mot est à la hauteur de ma déception). Dans la majeure partie du jeu, d'un point de vue purement pratique, il s'agit bien d'un point'n'click très traditionnel, avec balayage (parfois frénétique !) de souris sur l'écran, ramassage et combinaison d'objets divers et variés, et dialogues plus ou moins nombreux (et palpitants) permettant d'avancer dans notre quête. Néanmoins, et à l'instar de la plupart des jeux du genre, Ni.Bi.Ru diffère légèrement sur un point : pour obtenir certains objets, effectuer certaines actions ou débloquer certains dialogues, il faut impérativement respecter un ordre drastique, auquel cas on reste bloqué comme un damné avec des objets qu'on ne peut pas prendre ou qui ne veulent pas se combiner, des personnages désespérément muets (voire incliquables), ou des actions pourtant évidentes en suspens. En effet, la plupart des zones cliquables sont bel et bien changeantes et éphémères : si un voisin dans la vraie vie a le malheur de vous distraire pendant votre jeu et que vous ratez une description de lieu ou d'objet, ou un dialogue, impossible de faire répéter Martin, la zone cliquable a disparu. Autant vous dire qu'il vaut mieux s'enfermer chez soi à double tour et débrancher le téléphone pour jouer tranquillement (sic). Par ailleurs, le mode de combinaison d'objets est lui aussi extrêmement rigide (mais fait gagner du temps, diront certains) et laisse peu de place à l'expérimentation fantaisiste : seuls les objets qui peuvent interagir entre eux ou sur un élément de décor sont alors en surbrillance clignotante, inutile donc d'espérer entendre le protagoniste vous asséner un petit : « non, ça ne marchera pas » ou « n'importe quoi » en voulant associer un téléphone et une boîte d'allumettes.


Hormis l'ennuyeuse linéarité du scénario et de ses embranchements, si l'on s'attarde sur l'intérêt et la difficulté des actions à opérer, notons aussi qu'elles sont bien souvent laborieuses et répétitives. En effet, elle se cantonnent parfois à d'incessants va-et-vient entre deux tableaux pour obtenir des objets qu'on aurait pu prendre une première et unique fois si - et seulement si ! - ils avaient été cliquables immédiatement. Certaines tâches sont d'ailleurs tellement passionnantes à réaliser (un petit arrachage de cheveux s'impose une fois qu'on a déjà exécuté plusieurs fois un geste identique) qu'on les soupçonne de servir uniquement à rallonger la durée de vie du jeu.  Quand on remarque que Martin ne peut en plus se déplacer qu'en marchant, on a désespérément l'impression de jouer aux playmobils. Un (très) léger rehaussement du taux d'adrénaline se fait sentir lors de certaines actions minutées, mais souvent tellement enfantines que la probabilité d'échec est bien faible. En cas d'échec, justement, le personnage peut être amené à mourir, mais le jeu reprend alors automatiquement à l'énigme concernée, réduisant légèrement la difficulté du challenge.

Les réels moments de réflexion sont, comme nous l'avons dit, plutôt rares, mais ils existent (même si leur intérêt est assez subjectif et discutable) et sont hélas presque tous agglutinés sur la fin du jeu. Martin est amené, comme le mystère d'origine Maya l'augure, à voyager au Mexique, et c'est presque uniquement pendant cette (brève) partie du jeu que l'on est invité à se creuser les méninges. Entre deux ramassages d'objets et combinaisons très aiguillées, on a aussi le loisir de débloquer des portes et des mécanismes en résolvant des casse-têtes. Puzzles très très classiques s'il en est, bien que leur forme soit adaptée au contexte : une espèce de Rubiks'cube sous une forme un peu originale (avec des billes plutôt que des cubes et sur une surface plane), une variante de Rush Hour (le jeu des embouteillages) avec des runes mayas en lieu et place des petites voitures, un jeu du Taquin assez simple, et d'innombrables codes chiffrés ou alphabétiques à découvrir au gré des pérégrinations, voire même parfaitement au hasard.


En ce qui concerne l'univers immersif en soi de Ni.Bi.Ru, l'impression globale est légèrement revue à la hausse. Notamment grâce au somptueux soin apporté au décor, nous offrant à chaque tableau une totale délectation visuelle. Les architectures, toutes en 3D pré calculée, présentent un niveau de détail fin, ciselé et très documenté, qu'il s'agisse des structures de bâtiments très ancrés dans l'Art Nouveau (comme l'immeuble de Barbora, la demeure de l'oncle François, ou l'hôtel en France), des tréfonds lugubres de la mine en République Tchèque, ou des magnifiques ruines des Temples Mayas au Mexique. La lumière est toujours admirablement posée et met en valeur les petites anecdotes visuelles (malheureusement peu cliquables, encore une fois), les couleurs sont traitées de manière très réaliste mais offrent également une part onirique très appréciable. Les textures, grâce à la technique de la 3D pré calculée, sont véritablement réussies, et dépeignent avec bonheur des endroits vraiment dépaysants.La musique et les bruitages, assez discrets et plutôt efficaces, achèvent de nous plonger dans une atmosphère mystérieuse et quelque peu oppressante.

Les personnages en revanche déçoivent un peu. Très peu nombreux déjà (une quinzaine vraiment actifs à la louchée, mais dotés de peu de lignes de dialogues pour la plupart), ils sont réalisés en 3D temps réel, et à la différence de la plupart de leurs acolytes des point'n'click de référence (George Stobbart, Brian Brasco, April ou Nina), manquent cruellement de personnalité, que ce soit sur le plan graphique ou psychologique. Martin, malgré sa place primordiale de personnage principal, est en fait anti-charismatique au possible, voire antipathique et insipide. Le second degré semble être totalement absent de son registre de langue et de pensée, comme chez la plupart des personnages secondaires, d'ailleurs. La faune particulièrement manichéenne du jeu est à ce titre assez peu intéressante, entre des figures faire-valoir et fantomatiques, et des vilains très vilains, véreux et finalement peu intelligents. Le méchant de service est même particulièrement absent du déroulement, ce qui fait clairement baisser la jauge (déjà assez basse) de stress du jeu.


Pour ce qui est de l'évolution générale de l'aventure, elle apparaît finalement assez inégale : le début (et la majeure partie) du jeu est extrêmement laborieux et dirigiste, pour ne pas dire mou ; tandis que la dernière partie (plus brève) est plus active au niveau réflexion : pléthore de casse-têtes viennent réveiller le pauvre joueur engourdi par l'ânonnement de gestes forcés en premier lieu. Mais le dénouement dépressif et relativement expédié laisse hélas une impression désespérément mitigée une fois que le périple se termine. Périple assez court par ailleurs, puisqu'il ne brille pas par sa durée de vie : entre 10 et 12 heures de jeu, au maximum.

Ni.Bi.Ru annonçait par son intrigue mystérieuse une aventure palpitante et aussi efficace que celle du prédécesseur de chez Unknown Identity, The Black Mirror. Hélas, de par son aspect ultra linéaire et la mollesse de ses rebondissements, le titre déçoit largement les attentes de l'amateur de point'n'click. Pire, il nous fait parfois l'effet d'un réel film intéractif, dans lequel notre rôle est très réduit : agir selon les désirs du scénariste, sans trop faire appel à notre cerveau, ni même à notre instinct. On pourra toutefois garder en mémoire le cadre somptueux offert par le jeu, qui nous délivre un voyage aussi agréable que l'exercice du jeu est pénible. Alors si vous êtes amateurs d'aventures réelles et dotés d'un minimum d'esprit d'initiative...passez votre chemin.