Scène Underground

/ Dossier - écrit par kenji, le 12/12/2005

Tags : underground scene musique france paris techno concert

Disponible depuis le 1er septembre en Europe, la nouvelle console portable de Sony est le centre d'intérêt principal d'une communauté underground grandissante de programmateurs informatiques. Cette console peut en effet être reliée à un ordinateur via un banal câble USB et elle peut stocker des données grâce à des Memory Stick dont la capacité est aujourd'hui de maximum 2 Go ce qui est largement suffisant pour conserver un grand nombre d'informations. Elle représente donc un véritable paradis pour les hackers qui peuvent s'en donner à coeur joie pour créer tout un tas de programmes visant, soit à détourner des sécurités et ainsi donner libre cours au piratage, soit à enrichir les possibilités de la machine avec des émulateurs par exemple.

Le piratage n'est pas un phénomène nouveau pour les consoles mais il n'a jamais autant atteint le grand public qui rêve de pouvoir jouer à Final Fantasy VI dans le métro par émulation ou de pouvoir télécharger des jeux, les stocker sur sa Memory Stick et y jouer allègrement sans posséder l'original qui coûte quand même, en moyenne, 50 euros (c'est bien entendu illégal).

Sony n'est bien évidemment pas resté sans rien faire et à ainsi énormément compliquer les choses pour éloigner le grand public de la voie alléchante du piratage. Le problème est que Sony empêche par la même occasion l'utilisation de programmes tout à fait légaux ce qui agace fortement les utilisateurs.

On va ainsi voir les particularités du hardware de la machine et quelques applications non-officielles que l'on peut réaliser ainsi que l'évolution du «conflit » opposant la communauté underground pirate au géant Sony.

 

Le hardware PSP

Cette console est véritablement une plate-forme multimédia et se rapproche un peu de l'architecture d'un PC car elle possède son propre système d'exploitation (à la manière d'un Windows) et un menu de navigation permettant de visionner ses vidéos, ses musiques, ses photos, de lancer un jeu ou encore de mettre à jour son système. En effet, la console, pouvant accéder à Internet via une plate-forme WIFI (Internet haut-débit sans fil), on peut télécharger et installer des mises à jour pour rajouter de nouvelles fonctionnalités. Une fois la mise à jour installée, celle-ci modifie le BIOS de la carte mère et il n'est plus possible de revenir à une version antérieure.



Mais ces mises à jour peuvent aussi servir à régler des failles de sécurité ou à empêcher les utilisateurs de la machine de pouvoir accéder à des nouvelles fonctionnalités non souhaitées par Sony.

Ainsi, les premières séries de PSP sorties au Japon étaient qualifiées de 1.0. Cette appellation définit ce que l'on appelle la version du firmware de la console. Ensuite, la 1.50 est sortie. Ces deux versions du firmware de la machine sont les deux seules permettant d'utiliser des homebrews (logiciels crées par des programmateurs amateurs) classés en deux catégories principalement (ils existent bien sur tout un tas d'autre logiciels plus ou moins utiles comme des calculettes, des agendas, des mini-jeux, la radio en streaming sur le net...) : les émulateurs qui permettent de jouer à des softs des plates-formes de jeux plus anciennes et les loaders qui permettent de lancer des copies de jeux directement depuis sa Memory Stick.

Les émulateurs les plus populaires sont ceux Super-nes, Game Boy advance, Megadrive, Nes, Néo-Géo et Game Boy. Même si au début, ils étaient assez rudimentaire, ils sont de plus en plus performants au fur à mesure de leur mise à jour avec une meilleure optimisation, moins de bugs et de plantages, le son est de plus en plus supporté et de meilleure qualité, ils consomment moins de batterie (les émulateurs font souvent tourner la console à plein régime contrairement à ce que l'on croit), plus de jeux sont compatibles...



Au niveau des loaders, le plus connu est sûrement Fast loader v0.7. Il permet donc de copier un UMD sur sa Memory Stick et de lancer son jeu préalablement copié ou téléchargé illégalement sur le net. Et c'est là que se situe l'ambiguïté. En effet, alors que certains jouent à des jeux qu'ils ne possèdent pas ce qui est une entorse à la loi, d'autres s'en servent pour jouer à des jeux qu'ils ont acheté car en les lançant depuis la Memory Stick, cela consomme moins de batterie, n'use pas la lentille du lecteur UMD qui pourrait être fragile comme celle de la Playstation 2 et cela diminue significativement les temps de chargement.
Une fois un jeu copié et lisible directement par la PSP, il est sous la forme d'un fichier ISO et il prend en moyenne entre 150 et 400Mo sur la Memory Stick une fois bien optimisé.

Pour réagir face aux gens qui avaient la possibilité de jouer à des copies de jeux dont ils ne possédaient pas l'original, Sony a sorti les versions de firmware 1.51 et 1.52 qui empêchent toutes utilisations d'homebrew mais n'ajoutent aucune nouvelle fonctionnalité intéressante.

Lorsque la PSP est sortie en Europe, environ 9 mois après sa sortie japonaise, les consoles avaient d'office le firmware 1.52 et la mise à jour 2.0, ajoutant notamment un navigateur Internet et des possibilités de personnalisation de la machine avec des papiers peints par exemple, était disponible. De plus, certains jeux du lancement dont Virtua Tennis World Tour se lancent uniquement si on dispose du la mise à jour 2.0.

Les joies des homebrew semblaient donc compromises pour les nombreux acquéreurs ayant patienté jusqu'au premier septembre la sortie de la tant attendue console de jeux.

 

La réaction de la communauté underground

La communauté underground a donc décidé de tout mettre en oeuvre pour réussir à revenir au firmware 1.50 lorsque l'on avait une mise à jour plus récente empêchant les utilisateurs d'avoir accès aux homebrews.

Le pirate emblématique à ce sujet est connu sous le pseudonyme de Yoshihiro. Il avait déjà fait parler de lui dans la communauté pirate sur la X-Box et est devenu un acteur majeur de la scène underground sur PSP. Les pirates travaillant rarement seul, il appartenait à une équipe de programmeurs nommée team WAB et leur principale activité était d'arriver à trouver une faille dans les sécurités de la mise à jour 2.0 de la PSP pour pouvoir revenir au firmware 1.50 et ainsi pouvoir profiter de ses nombreux avantages. Cette opération s'appelle le downgrade à contrario de l'upgrade qui permet d'installer les mises à jour les plus récentes.

Cette team s'est d'abord fait connaître en créant un petit programme nommé WAB version changer qui permet de lancer les jeux nécessitant une mise à jour 2.0 à partir d'une console possédant un firmware 1.50. Ce logiciel simule donc une mise à jour sans modifier le BIOS de la console ce qui est fort utile pour profiter des avantages du firmware 1.50 tout en pouvant jouer aux jeux nécessitant le 2.0.

Ensuite, la team WAB a suscité l'attente de nombreux joueurs et l'a alimenté en annonçant sur des forums l'arrivée très prochaine du tant attendu downgrader et en faisant circuler une vidéo censée prouver son aboutissement imminent. Ils ont même collecté des fonds prétextant l'achat de PSP pour pouvoir se livrer à leur recherche car leurs manipulations comportaient des risques pour leurs consoles et ils pouvaient ainsi les rendre inutilisables. Dans ce cas, on dit que la machine est « briquée » et elle peut partir à la poubelle. Ceci est évidemment due à des sécurités de la mise à jour 2.0 empêchant des opérations non souhaitées par Sony.

Là où l'affaire prend une tournure assez inattendue, c'est lorsque la team WAB annonce sa dissolution sur son site officiel le 16 septembre 2005 sans vraiment donner d'explications et surtout sans sortir le fameux downgrader qui était censé être presque fini. La communauté des gamers PSP se révolte alors contre cette team qui, après avoir récolté de nombreux dons d'internautes, annonce sa disparition sans rendre aucun compte sur le downgrader.

Yoshihiro perd alors presque toute sa crédibilité mais annonce qu'il va continuer son travail dans une autre team sans que personne ne l'écoute vraiment, convaincu qu'il s'agit d'un escroc et d'un manipulateur. Il va aussi mettre à disposition le downgrader inachevé pour permettre à d'autre développeurs de prendre la relève. Il faut quand même savoir que ce pirate est très controversé depuis son apparition dans la communauté underground X-Box puis PSP car beaucoup de personnes voient en lui quelqu'un qui a toujours été dans les bons coups, sans jamais vraiment être considéré comme un programmeur de talent mais plutôt comme un opportuniste. Ses détracteurs s'en donnent alors à coeur joie et plus grand monde n'est là pour prendre sa défense.

S'ensuit alors une période de creux pendant laquelle on n'entend quasiment plus parler du downgrader qui semble être tombé aux oubliettes et la communauté underground PSP devient alors bien morose, après tant d'agitation.

Pourtant, le 27 septembre 2005, le downgrader fonctionnel sort alors que personne ne l'attendait aussi tôt. Les teams responsables de cette sortie sont MPH et SXT (Sonyxteam) qui compte parmi ses rangs un programmeur dont on a vaguement entendu le nom quelque part : il s'agit de Yoshihiro qui effectue un come-back sur la scène PSP assez surprenant et qui aura le mérite de faire taire une grande partie de ses détracteurs. Il n'est pourtant guère surprenant de le retrouver car la Sonyxteam est en fait composé d'ex-membres de la défunte team WAB.

Sans entrer dans des détails techniques très complexes pour un néophyte, le downgrader est né d'une faille du dossier photo de la mise à jour 2.0 qui a très vite été exploitée, une fois découverte, par l'intermédiaire d'un fichier qui surchargeait le système une fois exécuté dans ce fameux dossier photo de la PSP. Ca a ainsi permis d'effectuer l'opération de downgrade non autorisée par le système auparavant : on appelle ça un exploit.





L'après downgrade

Peu après, Sony a annoncé l'annulation des garanties des PSP downgradées mais n'engage pas de démarches judiciaires contre les créateurs et utilisateurs du downgrader, apparemment refroidi par le procès perdu récemment en Australie dont le verdict autorise la commercialisation et l'utilisation de puces pour Playstation 2.

De plus, Sony va très vite sortir une nouvelle mise à jour baptisée 2.01 qui n'apporte strictement aucun nouveau contenu mais corrige la faille de sécurité qui permet de downgrader sa PSP. Autant dire que ce nouveau firmware ne fait clairement pas l'unanimité mais de nombreux témoignages de gens mécontents ayant envoyé leur console au service après vente vont vite pulluler sur le net : en effet, ils ont la désagréable surprise de retrouver leur belle console affublée d'un firmware 2.01.

Enfin, un des jeux les plus attendu de l'année, GTA Liberty City Stories, est compatible uniquement avec le firmware 2.0 et pas avec le firmware 1.50 même si on utilise un version changer permettant de simuler une mise à jour car le jeu va utiliser des fonctions propres à la mise à jour 2.0 que l'on ne peut avoir que si elle est réellement installée sur la console.



Parallèlement à ces mesures prises par Sony, deux évènements majeurs vont entacher cette euphorie post-downgrade :

- Tout d'abord, certains utilisateurs ont eu la mauvaise surprise de « briquer » leur PSP en la downgradant alors que l'opération était censée être sans risque pour la console. Il s'est avéré que la version de la team MPH était très instable et avait entre 5 et 10% de chance de rendre inutilisable la PSP. La team Sonyxteam a alors presque aussitôt sorti une version 1.0 du downgrader qui elle, est beaucoup plus stable et réduit les chances de briquer sa console à 1%.

- Ensuite, le premier trojan pour PSP est apparu. L'éventualité que Sony l'ait lâché sur le net pour faire peur aux gens téléchargeant des programmes illégaux paraît fort vraisemblable mais bien sur, rien n'a été confirmé. Evidemment d'autres ont suivi et alors que certains provoquent uniquement l'extinction de l'écran (ce qui est très gênant car la seule solution est de trouver le menu de restauration système à l'aveuglette), d'autres briquent purement et simplement la PSP. Des homebrews anti-virus sont d'ailleurs sortis peu après.



Par ailleurs, des embrouilles peu glorieuses vont voir le jour dont une, dans laquelle une nouvelle team, la PSPteam, a mis en téléchargement sur le net une version du downgrader qui contient un virus très méchant qui brique la PSP et a accusé la Sonyxteam d'être responsable de sa création. Cette team a bien sur démenti et on voit très vite que la période post-downgrade a pris une tournure très désagréable.

Pour finir en beauté, certains sites sur lesquels étaient disponibles en téléchargement des copies de jeux se sont vus fermés par leurs hébergeurs qui ont précisé qu'ils communiqueraient aux autorités les IP des personnes ayant téléchargé du contenu.

 

La situation actuelle

Récemment, Sony a sorti son dernier firmware, le 2.50, qui rajoute du contenu à la version 2.01 pour essayer de justifier l'upgrade. Il ajoute ainsi de nouvelles fonctionnalités pour le navigateur Internet ainsi que la possibilité de lire des vidéos protégés par copyright.
Il permet aussi de distribuer du contenu sur la PSP à partir de sa télé ou de son lecteur DVD connectés à Internet via une station « location free ». En clair, en se connectant sur le net avec sa PSP via WIFI, on peut regarder sa télé ou son DVD (eux-mêmes connectés à Internet via une station « location free » que l'on trouve dans le commerce ou sur le site officiel de Sony pour la somme non négligeable de 349 $).



Dans un prochain temps, Sony va sûrement obliger les éditeurs à sortir des jeux ne tournant qu'avec le firmware 2.50 comme il l'a fait pour GTA Liberty City Stories avec le firmware 2.0. A ce moment là, le downgrade ne sera plus possible après l'upgrade en 2.50 ce qui posera des problèmes aux utilisateurs qui attendront sûrement une nouvelle réaction de la communauté underground.

On voit quand même que Sony s'est donné les moyens pour enrayer au maximum le piratage de sa console portable et l'éloigne de plus en plus du grand public qui a notamment peur de briquer sa console en faisant une mauvaise manipulation ou en téléchargeant un virus.
Sony a aussi énormément complexifié le problème en sortant toutes ses mises à jour qui si elles ajoutent régulièrement du contenu utile vont rendre un peu obsolète le firmware 1.50.
Seulement, la communauté underground est toujours très active et sera en mesure de faire un coup d'éclat à n'importe quel moment. L'affaire est donc loin d'être terminée et continuera à être suivie par bon nombre de personnes avec un vif intérêt.