Le Seigneur des Anneaux - L'âge des Conquêtes - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 21/02/2009 (L'Age des Conquêtes se révèle un produit marketing bien comme il faut : sans âme, sans audace, sans scrupule. Sur console, le périple vaut peut-être le détour. Mais sur pc, il est à éviter.
Pour qui s'est retrouvé un jour frissonnant d'excitation devant les batailles épiques de la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, avoir l'occasion de participer - virtuellement du moins, à ces vastes boucheries est une tentation face à laquelle il est difficile de résister. Ceci, on peut le comprendre : qu'est-ce qui peut rivaliser avec la joie de faire front à une vague déferlante d'adversaires tous dotés d'un QI inférieur à celui d'une moule avariée ? Un steak tartare, peut-être ? Même pas. C'est dire... Soucieux des Trolls en puissance et autres impulsifs du genre qui sommeillent en chacun de nous, avec Age des Conquêtes, Pandemic Studios s'est donc attelé à nous ouvrir les champs de bataille de la Terre du Milieu. Et comme par magie, le fantasme de ces boucheries devient enfin une réalité. Avec tous les inconvénients qui vont avec.
Avant de faire le point sur le gameplay battlefrontien, un vocable acide mais rigolo sur l'esthétisme d'ensemble de ce jeu d'action vient tout de suite à l'esprit lorsqu'on se prend la tête deux minutes sur sa qualification : grippe-sou. En effet, à l'heure où les studios de développement essayent par tous les moyens de nous en mettre plein la vue - parfois voire souvent- à défaut d'un contenu excitant, Pandemic Studios ne sort non seulement pas de son jeu la carte « prouesse technologique » mais va même jusqu'à se contenter d'un level design dénué de la moindre ambition (les arrière-plans de batailles font peine). Aux côtés des décors monstrueux et foisonnants de détails du triptyque cinématographique de Jackson, les environnements anguleux et fades de cet Age des Conquêtes ne font pas que pâle figure : l'impression de se trouver en pleine maquette visuelle ou animatique pas tout à fait aboutie (avant postproduction, donc) est regrettable, notamment pour un jeu pc datant du début de l'année 2009. Inutile de préciser que l'enrobage des différents chapitres n'est même pas assuré par des cinématiques originales en 3D pré-calculée, puisque chaque bataille est cernée d'extraits tirés des différents métrages de Jackson. Niveau radinerie, difficile de faire mieux. De quoi creuser encore plus le gouffre artistique entre le visuel médiocre du jeu et la beauté plastique de son référent sur pellicule. Le salut pourrait presque venir des personnages jouables... Presque, car même si les animations sont plus que correctes et dynamiques (pas de course, enchaînement de combos, chevauchée sur montures...), les quatre classes proposées et leurs maigres compétences respectives ne suffisent pas à bousculer les conventions barbantes. Heureusement, en cours de missions, l'aubaine d'incarner les héros de la Trilogie ou les Géants de légende gonfle sensiblement le potentiel du jeu. Dommage que, en plus d'arriver en pleine bataille comme des cheveux sur la soupe, ceux-ci n'aient dans leur manche que des compétences quelconques à proposer.
Grippe-sou est donc un fait. Abominable en est un autre pour désigner le gameplay de cet Age des Conquêtes. A ce stade, il convient de préciser que les aficionados du beat them all trouveront sans nul doute un intérêt jouissif à pulvériser de l'horde sur horde, sans temps morts, de rouler les mécaniques dans la peau d'un ourouk-hai ou à dos de ouargue, et ce dans un contexte d'heroic fantasy aussi chargé d'Histoire. Pour les autres, l'utilité ludique d'un tel titre risque à coup sûr d'être loin de l'évidence. Y compris pour quelques fans de la transposition filmique de Jackson. A l'instar de Star Wars : Battlefront (Pandemic inside), les objectifs répétitifs à remplir tournent souvent autour de la capture d'une zone stratégique et de son occupation pendant un laps de temps déterminé. Contraint dans un cercle de jeu riquiqui, le joueur dispose d'une liberté de mouvements tout autant risible, ne lui permettant pas de prendre de la hauteur ou de la distance avec ses adversaires. Dans de telles conditions, incarner un archer s'avère être par moments un sacré défi. D'autant que le flux incessant d'adversaires vifs mais abrutis par une intelligence artificielle de pacotille transforme les points de contrôle en embouteillage confus où il est ardu de repérer qui fait quoi, sur qui et dans quelle étagère. Faire du rentre-dedans à l'aveuglette ou enchaîner les coups de manière aléatoire sont des automatismes de jeu à bannir car dans ce cas les combats sont susceptibles de tourner à la farce grotesque à savoir se retrouver au beau milieu d'une troupe d'ennemis vous rouant de coups sans que l'on puisse se défendre. Les passages à tabac de ce type sont d'ailleurs légion, pour peu que le joueur ne soit pas suffisamment à l'aise avec le couple souris / clavier. Car la principale difficulté de l'Age des Conquêtes - outre d'avoir la patience d'encaisser les directives « bourrage de crâne » répétées à foison par une voix off irritante, est de savoir jongler entre les combinaisons de touches et boutons pour coordonner convenablement (et avec dextérité tant qu'à y être) ses actions. En somme : sans pad, vous allez en baver. Avec aussi, ma main à couper. Et que dire des pouvoirs incongrus de certains combattants et totalement étrangers à l'univers poétique de Tolkien, tout comme la seconde campagne et son alternative scénaristique qui plairont aux détracteurs de Hobbits, mais beaucoup moins aux puristes ?
L'Age des Conquêtes se révèle un produit marketing bien comme il faut : sans âme, sans audace, sans scrupule. Sur console, le périple vaut peut-être le détour. Mais sur pc, il est à éviter. Un jeu d'action qui devrait tout de même plaire à ceux qui aiment bourriner et rêvent de se prendre pour un fou furieux de la Terre du Milieu. Reste le multi-joueurs, apparemment capable de ne rassembler qu'une minuscule communauté (un comble), sous couvert de dépasser tous les défauts précédemment cités. Mais en tout état de cause, si le sieur Tolkien était encore parmi nous, confronté à la brutalité et aux infidélités de cet Age des Conquêtes imaginé par un studio qui n'a sans doute jamais lu les livres (ni même vu les films ?), le fidèle lecteur pourrait facilement imaginer son auteur de High Fantasy préféré noir de colère. En sa mémoire et ses six pieds sous terre, les plus modérés se contenteront d'être mort de honte d'avoir perdu leur temps devant un tel machin.