Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par Nicolas, le 28/11/2003 (
Vous savez quoi ? Dans moins d'un mois, une des plus impressionnantes et des plus ambitieuses trilogies cinématographiques va s'achever sous nos yeux ébahis, clôture d'un savatage médiatique qui aura duré plusieurs années. Deux ans, il aura fallu, pour en voir le bout. Oui, cela fait deux ans que la communauté de l'anneau vous a (plus ou moins) émerveillé par ses magnifiques paysages empruntés à l'inviolée Nouvelle-Zélande, par ses effets spéciaux à la pointe de la technologie, par la maestria visuelle de Peter Jackson bien au-delà de ce qu'on attendait de lui. Un souvenir impérissable, une transposition fidèle et passionnée, et un très grands succès du cinéma qui en inspirera, souhaitons-le, pendant des générations. Inutile de vous dire qu'ici, grands amateurs du Seigneur des Anneaux depuis la première heure, nos espoirs envers le dernier épisode ne pourraient même pas être ébranlés par un coup de bélier portés par une troupe de vilains Uruk Haï.
Comprenez alors qu'il nous était difficile de voir arriver un jeu s'inspirant de la trilogie avec autre chose qu'un verbe acerbe et un oeil sceptique. Et ce n'est pas le soft de Vivendi (directement tiré du livre), La Communauté de l'Anneau (2002), qui arrangera nos vivaces répulsions aux portages foireux auxquels nous sommes, il faut se l'avouer, bien habitué. Mais du même coup, sort sur console une adaptation tirée, elle, du film de Jackson, Les Deux Tours (2002), qui remettent les pendules à la bonne heure. Et c'est justement le fait que le jeu se rapporte plus particulièrement au film qui fait de lui une oeuvre majeure du jeu vidéo, à bien des égards. Sur le papier, ou plutôt sur l'écran la manette à la main, rien de plus qu'un Beat Them All doublé d'une partie « gestion de la progression par XP » qui ne s'éloigne pas de manière évidente de ce qui a été fait précédemment. Mais l'élément déterminant de ce style de jeu, outre une maniabilité et une palette de coups sans faille, c'est bien l'ambiance et l'immersion à l'univers, rouage essentiel pour la mesure de l'implication du joueur dans l'environnement virtuel. Un principe assimilée de façon déconcertante par les concepteurs, intégrant le joueur dans une série de bataille épique sans comparaison aucune dans le monde des jeux vidéos, peu s'en faut. Imaginez-vous être Aragorn, perché sur les remparts de Fort Le Cor, observant avec résignation la dizaine de milliers d'Uruk Haï lancé à l'assaut de la forteresse, se battant avec toutes les forces en votre possession pour qu'ils ne submergent pas le peu d'espoir qu'il reste dans les coeurs des deux trois centaines d'humains qui défendent encore le peuple du Rohan. Qualité technique, mise en scène, tout y est pour lâcher le joueur au coeur de batailles désespérés, apocalyptiques, monstrueux affrontements à un contre cent où seuls ses propres convictions et son sang-froid détermineront l'issue du combat.
Le jeu du Retour Du Roi, non seulement encore plus impressionnant, corrige du même coup les quelques imperfections des Deux Tours, et, joie absolue, se retrouve à la différence de son prédécesseur adaptée sur PC. « This day, we FIIIIIIGHT !! »
AVERTISSEMENT : Le jeu s'appuyant sur le scénario du Retour du Roi (sortie le 17 novembre), la critique sera susceptible de spoiler un peu l'histoire aux rares personnes pas encore initiées aux livres de Tolkien.
Le Beat Them All porte généralement bien son nom, et nous ramène dans ses fondements à des légendes du jeu vidéo tel que Double Dragon, les TMNT (principalement le Turtles In Time), et encore tout une série de ...... Le principe : vous êtes plus ou moins seuls, et vous devez tous les envoyer en tapis, à l'aide de vos pieds, de vos mains, crânes, épées, flingues, bâtons, couteaux, j'en passe et des aiguisées. Inutile alors de préciser que les sensibles à la finesse pourront sur le champ s'éloigner de ce type de défouloir démoniaque.
Si je dépeint le Beat Them All aussi primairement, c'est principalement parce que Le Retour Du Roi ne fais pas, mais vraiment pas, dans la dentelle. Nous ne sommes pas en train de parler d'un boyfriend un peu enragé contre cent ou deux cents gars, nous parlons bien de batailles apocalyptiques perdues d'avance, une poignée contre des milliers, une monstrueuse boucherie générale où la pitié n'est plus qu'un petit mot dénué de sens et donc complètement inapproprié. La bataille de Minas Tirith, menée sous les ordres de Gandalf le Magicien, est d'une éloquence déconcertante : aucune issue victorieuse, le seul mot d'ordre est d'empêcher le plus longtemps possible que les orques submergent les défenses de la cité. Et lorsque l'on porte un premier regard par dessus les remparts, contemplant avec un certain pessimisme l'incroyable flot d'ennemis qui accourent contre les murs de la ville, entassant sans relâche des échelles aux parois, et ne cessant de catapulter sur les défenses je ne sais quel projectile meurtrier, le mot « vain » prend alors tout son sens. Phénoménale. Et que dire alors de l'affrontement devant la Porte Noire, réduit à une quinzaine de soldats contre l'armée gigantesque du Mordor ?
Et tout ça ne serait rien sans le soin particulier appliqué à la construction des levels, non seulement graphiquement très beau (quoique visiblement pas parfaitement adapté à la technologie PC), mais aussi débordant d'effets visuels en tout genre (explosions, flèches enflammées, etc), et inséré dans un environnement sonore qui se taille une part de responsabilité plutôt solide quant à l'immersion du joueur dans la bataille.
Tout n'est néanmoins pas de la même envergure. Pour respecter de manière exhaustive la trame du film, le jeu se voit découpé en treize niveaux, se reliant entre eux au moyen d'une arborescence lumineuse afin de distinguer trois fils conducteurs :
- Le chemin du Magicien (Gandalf), des dernières minutes de Fort Le Cor à la bataille de Minas Tirith.
- Le chemin du Roi (Legolas, Aragorn, et Gimli), du chemin des morts aux Champs de Pellenor.
- Le chemin des Hobbits (Sam Gamegie), de la fuite d'Osgiliath à la citadelle de Cirith Ungol.
Notons que les deux premiers scénarios se rejoignent pour une bataille finale devant la Porte Noire, et que le troisième achève le jeu au gouffre de la Montagne du destin.
Il est néanmoins impossible de finir un scénario d'une traite, obligeant le joueur à jongler avec les personnages et conserver un certain parallélisme dans sa progression. Un peu comme un film, dans les grandes lignes, ce qui inclus des changements de rythmes parfois assez violents, tel le passage entre les Champs de Pellenor de Aragorn (plutôt intense) et l'Antre de Shelob de Sam (assez faiblard). Et bien que chaque niveau soit introduit par une cinématique, parfois directement tiré du troisième film, on peut craindre que les profanes du livre de Tolkien ait parfois du mal à suivre le déroulement scénaristique du jeu (et je ne parle pas de la surprise gâchée !).
Une fois le niveau choisit, l'écran de sélection de personnages apparaît et vous propose les différents protagonistes que vous pourrez incarner pour la mission. Chacun commence au niveau 1, et se différencient sensiblement des autres par ses caractéristiques. Cela reste très mineur, mais en gros, Legolas vise beaucoup mieux à l'arc, Gimli tape plus fort, Aragorn résiste mieux, etc etc. Le niveau n'augmente pas les capacités physiques de votre personnages, mais permet d'atteindre au moyen de points d'expériences des nouvelles aptitudes, des améliorations mineures, et surtout des combinaisons de coups dévastatrices. Et pour gagner de l'expérience, rien de plus simple : combattre frénétiquement.
A mesure que vous infligez les coups, une petite jauge circulaire se remplit de couleurs successives, chacune correspondant à un état d'efficacité. Il y a quatre état : Pas Mal, Bon, Excellent, et Parfait, chacun attribuant des points d'expérience de manière croissante. Ainsi, éliminer un adversaire alors que vous êtes en état Excellent vous gratifiera de nettement plus de points que si vous le finissez en état Pas Mal. Simpliste me direz-vous. Seulement, la jauge se vide très rapidement entre deux coups, recevoir une blessure la fait chuter très sèchement, et compenser ces deux petites entraves nécessitent d'être assez énergique sur les pauvres petits boutons martyrisés.
Car tout est fait pour bien justement fumer complètement la manette/souris/clavier utilisé. La survie de votre personnage dépendra considérablement de votre aptitude à bien utiliser les trois boutons de coups que l'on vous propose, sans relâche et sans pitié. Si l'ennemi tombe à terre sans rendre l'âme, une touche permettra de le finir directement sans se gaver à le ré-enchaîner sauvagement. Si l'opposant vous nargue au loin de ses grognements incompréhensibles, une autre lui lancera un projectile dépendant du personnage que vous incarnez (Couteau de lancer pour les Hobbits, Flèches pour Aragorn et Legolas, etc). Enfin, contre un groupe d'orques vindicatifs, le miracle salvateur viendra de l'utilisation de la touche Parer qui, si tamponnée à répétition, parera absolument tous les coups portés à votre encontre (grimpant du même coup de manière significative la jauge d'état). Deux touches utiles sont encore attribuées, la fonction Saut en Arrière permettant de se sortir d'un combat d'un bond (pas très fonctionnel), et la fonction Action pour interagir avec certains éléments du décor (indispensable dans certaines missions).
Attendez ! Huit boutons ?! Oui, huit boutons, mais sept seulement de vraiment indispensables (on occulte le Saut en Arrière et la Capacité Spéciale, qui réclame une touche lorsque reconfigurée). La tentation est alors de se tourner vers la combinaison clavier souris. Ce qui nous permet d'obtenir un début de réponse sur la rareté des Beat Them All sur PC : pas adapté. En considérant que la main droite s'affère avec les trois touches de coups sur la souris, la main gauche doit elle gérer non seulement le déplacement, mais aussi quatre autres touches à usage rapide. Possible avec de l'entraînement, mais très peu pratique, la manette (huit boutons) est fortement conseillé.
Maintenant, et ce même si vous possédez une manette huit boutons et une maîtrise pratique que beaucoup vous envie, il ne faut pas croire que tout sera rose en terme de jouabilité. Pour se distinguer du lot, le Retour Du Roi utilise un concept cher (d'habitude) aux Survival Horror, les caméras fixes. Concrètement, le point de vue se plante dans un coin du niveau et suit péniblement le joueur où qu'il aille, que ce soit au fond du lieu actuel ou derrière je en sais quels obstacles. Pas toujours très pratique pour anticiper l'arrivée des têtes à claques d'ennemis, et encore moins quand ces derniers vous submergent et masquent complètement le personnage. Un petit défaut un peu diminué par une transparence appliquée aux obstacles visuels entre le personnage et la caméra, très peu suffisant dans le cas présent.
Une fois le niveau achevé, le jeu compte le nombre de vaincus dans chaque état et vous attribue les points d'expériences en conséquences, ajoutés à un bonus relatifs à votre niveau d'efficacité. Les points obtenus peuvent alors êtres dépensés de deux façons : soit en achetant des capacités et combinaisons de coups relatifs au niveau de votre personnage, soit en achetant ces mêmes aptitudes pour absolument tous les personnages (toujours selon le niveau du protagoniste actuel), cela au prix nettement plus élevé. Les concernés devront alors atteindre le niveau requis pour utiliser ladite capacité. Ce qui, il faut se l'avouer, joue sur le choix du personnage sur le Chemin du Roi : un personnage monte de niveau (par exemple Aragorn), se traverse tous les niveaux de son scénario, pendant que les autres (Legolas et Gimli) restent tranquillement au chaud car jugés obsolètes. Heureusement, une fois le Gouffre de la Montagne du Destin achevé, il est possible de refaire chaque niveau avec le personnage de son choix, ce qui inclus les non-concernés. Imaginez alors revivre la bataille de Minas Tirith dans la peau de Frodon ou du nain !
Finir un niveau débloque généralement un petit bonus visuel, comme une interview des intervenants du jeu (qui ne sont autres que les acteurs principaux de la trilogie cinématographique), ou de minuscules making-off. Une option bien pensée, pas suffisamment exploitée, mais à creuser. Finir le jeu en débloque d'ailleurs plusieurs d'un seul coup, dont un nouveau niveau (un lieu fermé où s'acharne sur vous une vingtaine de vagues d'ennemis) et trois nouveaux personnages, Merry, Pippin, et Faramir.
Suivre le scénario d'un film présente un défaut incontestable : sa longévité. Malgré que le jeu soit d'une difficulté certaine, le nombre peu important de niveaux ne représentera pas un challenge suffisant à justifier pleinement le prix élevé du jeu. Bien sûr, il y a le mode coopératif, la possibilité d'élever la difficulté d'un cran, et le plaisir de porter tous les personnages au niveau maximal, pour le fun, mais est-ce bien satisfaisant ?
Un jeu d'une technique irréprochable, pas vraiment très gourmand de ressources matérielles, cultivant une immersion et une mise en scène scriptée parmi les plus impressionnantes jamais vues jusque là. Le Retour Du roi, c'est l'assurance de participer à quelques unes des plus grandes batailles cinématographiques, presque comme si vous étiez dans une salle obscure, à la différence que vous en tirez quelques ficelles. Le mode coopératif est le petit plus qui le différencie de son prédécesseur les Deux Tours, alors que le jeu en lui-même y reste fondamentalement fidèle. C'est à dire, toujours aussi court.