8/10e-sport : Act of Agression doit remplacer Starcraft II

/ Article - écrit par Guillom, le 06/04/2016
Notre verdict : 8/10 - Si seulement l'e-sport était une affaire de stratèges... (Fiche technique)

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Quoi ?! comment ça !? Parler d’un jeu sorti il y a six mois ! Mais c’est de la folie, de la bêtise à l’état pur ! C’est exact, mais qui a dit que les rédacteurs de Krinein ont conservé la moindre parcelle de santé mentale ?

Malgré de fortes attentes, Act of Agression m’avait laissé de marbre à sa sortie. J’auraiS pu faire une critique type “le jeu de stratégie en temps réel respire encore, qu’on l’achève bon sang !” ou “Act of Agression, le plumeau du STR”... Mais non, pas d’inspiration. Le dernier titre d’Eugen System me semblait bien “fadasse”, comme on dit dans le sud. Pourtant, je ne suis pas du genre à tarir d’éloges le studio. Sérieusement, si jamais les Russes ou les terroristes (deux méchants bien connus du jeu vidéo) décident de nous “mettre sur la tronche”, j’irai me réfugier chez eux. Ces mecs peuvent disserter des heures durant de l’importance de l’infanterie mécanisée en appui d’une formation blindée. L’Art de la Guerre, ils l’ont écrit. Clausewitz, un amateur ! Mais ces formidables qualités n’enlèvent rien à mon désintérêt le plus profond à l’égard de ce jeu.

Y a qu’les cons qui ne changent pas d’avis !

Entre temps, j’ai eu l’occasion de me replonger dans un vieux jeu, un des pères spirituels du genre : Command&Conquer... Oui, un ancêtre, 20 ans d’âge, un code source qui traîne sur les Internets, un physique à dégouter un joueur de consoles... portables. Et pourtant, par son gameplay, Conflit du Tibérium n’a rien à envier aux petits jeunes. Y compris ceux qui font la fortune de l’e-sport et de ses tentaculaires joueurs professionnels. Gameplay ? Attendez une seconde...

La guerre... la guerre ne change pas trop

Mais... brouzouf de brouzouf, les mécaniques de jeu ! Elles n’ont pas changé ! Vingt ans séparent deux jeux et on retrouve les mêmes ficelles. C’est comme si on sortait la suite d’un film quarante ans après le premier et qu’on lui calquait le même scénario... ça ne marchera jamais au box-office. Dans C&C, on construit une base, on récolte ensuite des ressources de sorte à produire différents types d’unités, lesquelles iront joyeusement mourir ou faire mourir les mecs en face. Act of Agression, c’est la même chose, avec quelques subtilités. Parlons justement desdites subtilités : ce sont elles qui font tout l’intérêt du jeu.


Mouais, malgré tout ce que je raconte, les chars d'assaut occupent quand même une place prépondérante

 

Le mode campagne est là pour se “faire la main” mais pas seulement : imaginez un enchaînement de puzzles ou de parties d’échecs, où l’objectif est de déterminer la meilleure stratégie pour vaincre l’adversaire en fonction des unités disponibles. D’ailleurs, c’est là le côté rafraîchissant des campagnes de Act of Agression, on ne débloque pas des unités de plus en plus fortes au fur et à mesure des missions, comme dans tous les jeux de stratégie, avant de finir le jeu avec les tanks lourds, les missiles nucléaires et les lances-patates. Ceux-ci peuvent être disponibles à n’importe quelle mission de la campagne. Vous passerez ainsi d’une force combinée hélico-tanks à une grosse formation d’infanterie la partie suivante. D’ailleurs ce système de jeu rejoint ce que nous expliquait Eugen lors d’un évènement Focus l’an dernier : ne pas dévaloriser une unité. L’infanterie est souvent mal aimée car trop faible face aux véhicules et créatures de Tier supérieur. Ici, comme dans la plupart des jeux du studio, ce n’est pas le cas. Quelques mecs bien placés avec le bon équipement peuvent détruire une colonne de chars ou descendre un chasseur avec la même efficacité qu’un canon antichar ou antiaérien. Les amateurs de tactiques soviétiques (un coup de sifflet suivi d’une marée humaine) apprécieront.

Donner du temps au temps de taper sur le mec en face 

Bon, et pour ce qui est du scénario, allons y franchement : c’est un prétexte à l’action. Et, en même temps, on s’en fout légèrement de la narration. Les fans de Starcraft II en multi s’intéressent-ils à l’histoire familiale des Zergs ? Kasparov écrivait-il une fiche perso complète pour chaque pièce de son échiquier ? Non ? Problème réglé.

Les factions, au nombre de trois, ont chacune leurs spécificités et nécessitent une adaptation de votre stratégie. La première, Murica Fuck yeah, n’est pas jouable pendant la campagne, sinon lors de quelques missions de la Chimère. On y trouve des unités spécialistes, chacune forte dans son domaine (envoyez les chars ! mais jamais sans mon système de défense antiaérien) mais pouvant être vite mises en échec sur le mode “pierre-feuille-missile sol-air”. Vient ensuite la Chimère, bras armé des Nations-Unis, soit des casques bleus en plus offensifs. Ses unités sont polyvalentes, mais uniquement en défense ou en attaque, jamais les deux en même temps et ses hélicoptères les plus puissants du jeu, mais encore faudra-t-il attendre les phases les plus avancées du développement de votre base pour pouvoir pleinement profiter de ses capacités. Enfin, le Cartel, la faction “coup bas”. Ses troupes sont furtives et font très mal, mais sont extrêmement fragiles, vulnérables et onéreuses. À mes yeux, il s’agit de la faction la plus difficile à maîtriser, mais aussi et surtout la plus “putassière” dès lors qu’on en a compris le fonctionnement.


Le placement est crucial dans AoA, y compris celui des bâtiments de votre base.

 

La campagne, divisée entre Cartel et Chimère, occupe une petite quinzaine d’heures. Extermination, escorte, défense ou prise de points stratégiques... Le lot commun de la plupart des STR. Une fois formé, vous pourrez ensuite passer aux escarmouches, voire au multi (si vous êtes vraiment masochistes... D’ailleurs, je soupçonne bon nombre de joueurs d’être en réalité des développeurs chez Eugen System). Là, vous pourrez laisser cours à votre instinct de joueur coréen... de e-sportifs en profitant d’une micro-gestion aux petits oignons. Non, je plaisante ! ne vous attendez pas à une mécanique ultra-nerveuse, à balancer des centaines de péons (un “mass marines” dans le jargon populaire) sur la base ennemi. On pourra dire d’Act of Agression que la micro-gestion des unités est “raide”. C’est effectivement le cas : ici, tout est une affaire de calculs, de positionnement avant les combats, de frappe ciblée, de repli stratégique... Tout est bon pour maximiser l’efficacité de chaque soldat. Par ailleurs les upgrades, globales (reliquat des « Epoques » ou des « améliorations de QG »... Ah, on me dit dans l’oreillette que ce sont en quelque sorte des améliorations de QG) ou d’unités, permettent de changer radicalement vos forces, transformant une simple jeep en VAB sur-armé. Qui pourra être aisément détruit faute d’un placement attentif. Ce titre ne propose pas des combats intenses et des batailles massives au sens starcraftien du terme, mais l’aspect stratégique n’en est que plus conséquent.

Clic, clic, clic, clic, clic , SBAM

On en vient à la partie intéressante. J’ai lu, ça et là, de nombreux commentaires sur une micro-gestion jugée trop poussée/poussive qui ralentit l’action, voire obligerait à réfléchir de façon posée. À l’époque de l’e-sport et de parties ultra-nerveuses, le STR a un peu perdu cette habitude. Sacré nom d’une pipe en os, vous avez déjà mis la main sur un Men of War ? Vous y contrôlez parfois une centaine de types, chacun avec un inventaire qui lui est propre, des munitions limitées, qu’il faudra ravitailler soldat par soldat... Sans compter le fait que certains équipements permettent de poser des explosifs, creuser des tranchées, se camoufler. Et il est possible de prendre le contrôle direct de chaque gus ou véhicule, transformant alors le jeu en quasi FPS... ça, c’est de la micro-gestion tellement poussée que ça en deviendrait chiant (mais en fait non, cette licence offre une formidable expérience de jeu). À côté, Act of Agression pourrait être un excellent titre destiné à l’e-sport... Attendez une seconde.


Falaises escarpées, route traversant une plaine, zone urbaine... chaque environnement offre une expérience de combat différent.

 

Vinrent soudain les réflexions plus globales sur le STR, ses multiples évolutions, hybridations et autres manipulations génétiques aussi répugnantes qu’interdites par la loi et la morale (Moba, Real Time Tactics, tower defense...). Toutefois, si on se concentre sur le coeur même du jeu de stratégie en temps réel, rien n’a vraiment changé. À part peut-être les joueurs... Ce n’est sans doute qu’une impression mais le STR est devenu compétitif. On ne prend plus le temps d’aligner ses troupes, à les passer en revu, à réfléchir à la meilleure stratégie possible... Regardez les matchs sur Starcraft II : j’ai beau apprécier le brio des joueurs, amateurs ou professionnels, qui s’affrontent, je n’y vois rien d’autres que la répétition de patterns et l’adaptation à celui de l’adversaire. Les stratégies sont mûries avant la partie, tout n’est alors question que de force brute et de capacité à frapper plus vite que l’ennemi (tactique typiquement américaine). Rendez vous compte, le calcul des Actions par minute est devenu un élément essentiel du STR en compétition, quand celui-ci représentait auparavant un type de jeu plutôt lent par opposition aux FPS et aux jeux de baston.

Prenez Act of Agression et transposez-le au e-sport. Qu’obtiendrions nous ? Des matchs de plusieurs heures, où chaque joueur tentera de prendre l’ascendant sur son adversaire non pas en s’adaptant, en attaquant ou en cliquant plus vite que l’autre, mais en ayant la meilleure pensée stratégique, en utilisant au mieux chaque position sur la carte... J’imagine qu’ils seront nombreux à s’ennuyer devant ces parties. Pour les autres, créons un lobby et militons auprès de Focus et d’Eugen pour qu’ils investissent dans Act of Agression autant que Blizzard dans Starcraft II (ou qu’au moins soit fondée une ligue dédiée).

Comment, mon avis sur Act of Agression ? Ah oui... j’oubliais. Jeu sympa, à acheter avec pour objectif de se mettre aux autres titres d’Eugen System (Wargame dans ses différentes déclinaisons) et seulement si vous n’êtes pas un accro aux APM.