Comment se porte le jeu vidéo dans l’Hexagone – Remise du Baromètre annuel du Jeu Vidéo en France

/ Actualité - écrit par Guillom, le 16/10/2014

La remise du Baromètre annuel du jeu vidéo en France a été l'occasion d'en apprendre plus sur l'industrie et le marché du jeu vidéo dans l'Hexagone. Ce secteur s'avère particulièrement porteur, mais est également sujet à de nombreuses craintes pour son avenir. Inquiétudes partagées avec Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au Numérique, qui multiplie promesses et références à Zelda.

C’est dans les locaux de Focus Home Entertainment qu’a eu lieu, hier, la remise du premier Baromètre annuel du jeu vidéo à Axelle Lemaire. La secrétaire d’Etat au Numérique a reçu, des mains du président du Syndicat National du Jeu Vidéo, le fameux rapport. Et ce devant un parterre de journalistes et de représentants de l’industrie du jeu vidéo (et de quelques étudiants de l’ISART, qu’il ne faut pas oublier).


Ce type d’études est une première en France. Elle ne concerne pas uniquement les membres d’un cluster, mais l’ensemble des entreprises françaises du secteur du jeu vidéo. Enfin, l’ensemble, c’est vite dit… sur 250 entreprises interrogées, 110 ont répondu. On est donc encore loin d’avoir balayé l’intégralité du paysage vidéoludique. Cette enquête a permis d’aboutir à une centaine d’indicateurs renseignant le lecteur attentif sur la situation du jeu vidéo dans l’Hexagone. Le Baromètre se décline en quatre grands domaines : l’industrie, l’emploi, la situation économique et financière et enfin les perspectives.

Première information « de poids » : les jeux mobiles dominent le paysage. 83,5% des studios développent pour les smartphones, 80% pour les tablettes. Le PC n’arrive qu’en troisième position, avec 75,3%. Les consoles sont, quant à elles, peu prisées des studios français. Le succès des plates-formes mobiles depuis cinq ans expliquent le choix des entreprises, mais la multiplication des iPhone, Galaxy, etc. n’est pas la seule raison. La dématérialisation des jeux a un impact considérable sur l’industrie. Et pour cause, 100% des jeux sortent en version virtuelle, alors que seuls 20% sortent en version physique. Les boîtes semblent ne plus avoir un grand avenir.

Les entreprises ont confiance, mais la situation est précaire


La dématérialisation s’accompagne, de la part des studios, d’une forte volonté d’indépendance. Les jeux indés sont plébiscités par plus de la moitié des entreprises, suivis par les casual, qui pullulent sur mobile. Le mobile, via les Appstore et autre Playstore, de même que les plates-formes de type Steam ou Hmble Bundle, permettent aux studios de s’affranchirent des gros éditeurs. L’autofinancement domine le marché, ce qui soulève également quelques problèmes. Les entreprises peinent à trouver des fonds. Un tiers des budgets de production proviennent des fonds propres des entreprises. Les éditeurs restent à l’affût, avec 24,4% des budgets. Les aides de l’Etat et des collectivités sont quasi-inexistantes et le financement participatif n’est que peu répandue, générant seulement 1,4% des ressources.

De ce fait, les entreprises interrogées considèrent la France comme peu attractive. Le Canada est le pays le plus plébiscité par les studios, et l’Asie commence à tirer son épingle du jeu, surtout depuis que la Chine a réintroduit les consoles sur son territoire. Pour autant, tout n’est pas noir, le secteur du jeu vidéo crée des emplois, dont la moitié en CDI, son chiffre d’affaires 2014 a bondi de 11% par rapport à 2013 et les revenus à l’export ont grimpé de 10% en un an. Mais c’est la visibilité financière des entreprises à moyen et long terme qui laisse à désirer.

Axelle Lemaire « aime le jeu vidéo »

Pour améliorer la condition des studios, Axelle Lemaire a annoncé sa volonté de « lutter contre les clichés qui collent aux jeux vidéo ». Violence, trash, vulgarité, addiction, abrutissement des masses… La télévision menace notre jeunesse… Ah pardon, on parle de jeu vidéo, même si la description colle bien aux effets néfastes de la télévision. Mais la TV étant considérée comme un pan de la culture légitime, elle n’est pas sujette à de pareilles accusations. Le jeu vidéo, quant à lui… il pousse les jeunes à se couper de la réalité, à mutiler de petits animaux innocents, à massacrer leur famille et leurs petits camarades… Voici les préjugés qui sont dans le viseur de la secrétaire d’Etat. Le jeu vidéo est un grand incompris, méprisé jusque sur les bancs de l’Assemblée Nationale et du Sénat, nous explique-t-elle. Il est en réalité un « vecteur culturel et social puissant ». Elle souhaite donc une évolution des mentalités autour de ce sujet, qui s’accompagne nécessairement par « une responsabilisation des acteurs du marché ».


Visite des locaux de Focus.

Sur scène, la secrétaire d’Etat au numérique a clamé son amour du jeu vidéo, tout en assurant les entreprises du jeu vidéo du soutien du gouvernement. Elle a dressé une feuille de route, comprenant une réforme du Crédit d’Impôt Jeu Vidéo, permettant à de plus nombreux studios de bénéficier de cette aide, ainsi que la mise en place d’un fond d’aide au professionnel du jeu vidéo. Ces mesures devraient voir le jour avant la fin de l’année, mais ce ne sont là que des promesses, de nombreux autres facteurs sont à prendre en compte, et ceux-ci risquent bien de retarder le soutien de l’Etat au secteur du jeu vidéo. Mais Axelle Lemaire se veut rassurante, Zelda à l’appui (« It’s dangerous to go alone! Take this. »). Mais il aurait mieux valu une Mastersword qu’une épée en bois.

Néanmoins, ne désespérons pas. Les conclusions du Baromètre montrent que le jeu vidéo français a encore de beaux jours devant lui. Il est fort d’un savoir-faire technique et artistique, qui fait du développement le premier domaine d’activité des entreprises. Nous n’avons donc rien à envier au Canada, sinon peut-être sa fiscalité.