Beyond : Two Souls - Test PC
Jeux Vidéo / Critique - écrit par Islara, le 13/02/2021 (Tags : beyond souls two aiden jodie test video
En juin 2020, le désormais très connu studio Quantic Dream rééditait sur Steam son jeu narratif pionnier, Beyond : Two Souls, sorti sur PS3 en 2013. À l'heure où ce type de jeux a désormais le vent en poupe, c'était bien vu, et ce fut aussi pour moi l'occasion de vivre enfin cette grande aventure qui m'avait malheureusement échappé à l'époque.
Dans toute l'histoire du jeu vidéo, une seule et unique héroïne avait fait chavirer mon coeur comme jamais. On l'avait connue petite fille, puis adolescente et enfin jeune adulte. J'ai nommée l'incontournable Clémentine de The Walking Dead (saison une à quatre). Aujourd'hui, il y en a maintenant une deuxième, Jodie, de Beyond : Two Souls. Elle aussi on la découvre petite fille puis on la voit devenir femme. En plus du fort attachement émotionnel que l'on ressent pour chacune d'elles, la comparaison s'arrête là, mais, à n'en point douter, pour les deux jeux, ce fut le point central du succès.
La comparaison s'arrête là car les deux héroïnes évoluent dans des univers complètement différents et Jodie n'a pas grand chose à voir avec Clémentine. Pour celles et ceux qui ne le savent pas encore, l'aventure de Jodie se déroule dans notre monde normale et elle a la particularité d'être reliée en permanence à un esprit bienveillant, Aïden, capable d'intervenir physiquement dans le monde des vivants (en faisant bouger des objets ou en prenant possession des personnes). Cet esprit accède plus ou moins aux demandes de Jodie et ce que voit Aïden, Jodie le voit aussi. Aïden traverse aussi les portes, donc en plus de faire bouger des objets à distance, Jodie peut aussi voir ce que le commun des mortels ne pourra pas voir. Forcément, les esprits agressifs et violents y ont vu immédiatement les applications et potentialités militaires. Et Jodie se voit embrigadée de force, dès sa naissance, à la CIA pour le meilleur et le pire.
De petite fille, à jeune adulte en passant par l'adolescence.
À sa sortie en 2013, Beyond : Two Souls fut très bien reçu, mais une partie des joueurs et joueuses restaient quand même dubitatifs du fait de son aspect très dirigiste et contemplatif, les actions de jeux se résumant à beaucoup de QTE (= appuyer sur des boutons précis quand le jeu vous le dit dans un temps limité pour accomplir une action), un peu d'observation, quelques combats ponctuels, et des choix alternatifs. C'était plus pour eux un film interactif qu'un véritable jeu.
Evidemment, c'était assez pionnier à l'époque, car même si les Japonais avaient déjà depuis bien longtemps leurs visual novels, même si le grand Heavy Rain de Quantic aussi était déjà passé par là en 2010 et si la saison 1 de The Walking Dead était sortie en 2012, en Occident, on n'était pas très habitués à un tel type de réalisation vidéo-ludique.
Avec nos yeux d'aujourd'hui, et les The Walking Dead et Life is Strange qui sont passés par là, on discerne dans Beyond : Two Souls une oeuvre majeure dotée de myriades de pépites. Au-delà du fait que David De Grutolla alias David Cage, PDG de Quantic Dream, et son équipe ont mis le paquet sur les moyens (recours à de véritables acteurs dont les célèbres Willem Dafoe et Ellen Page pour obtenir de remarquables animations faciales, transitions infimes entre les phases de jeu et les vidéos, qualité graphique assez sublime), il y a de nombreuses autres excellentes idées. Déjà, on nous fait alterner le personnage qu'on incarne : soit Aïden, soit Jodie. Au-delà du fait que les commandes sont différentes, on en retire une intense expérience, car on influe autant sur ce que devient Aïden que ce que devient Jodie. Cela donne aussi la possibilité dans certaines scène de ne pas faire ce qu'elle veut, ce qui signifie qu'on a un impact sur leur relation même si ce n'est pas systématique. Bien des jeux ont utilisé cette alternance et c'est toujours très appréciable.
Des chapitres très variés fait d'action et émotion, à la narration désutructrée.
Ensuite, pour m'être parfois ennuyée à mourir dans certains épisodes de Life is Strange 2 car il n'y avait strictement rien à faire, on constate que dans Beyond : Two Souls, on ne s'ennuie jamais. Il y a toujours des actions de jeu, de nombreuses phases d'actions et ainsi l'histoire n'est absolument pas contemplative. Les QTE sont réguliers, fréquents, parfois exigeants et ça bouge, ça décape, c'est parfois stressant, parfois angoissant, parfois tout simplement émouvant. Même dans The Walking Dead, le niveau d'action de jeu n'était pas aussi développé, alors que c'est quand même un jeu de zombie. Alors, c'est vrai, on ne meurt jamais et si on foire les scènes de combat ça n'a pas trop de conséquence. N'empêche, si on foire, on peut toujours recommencer pour bien réussir son combat, ce que je n'ai pas manqué de faire en joueuse perfectionnniste que je suis.
L'autre recette : c'est que les développeurs ont été assez malins pour sacrément varier les scènes, car le jeu est découpé en chapitres indépendants. Ainsi, dans chacun d'eux on peut passer du tout au tout : une aventure chez les Indiens Navajo où l'on se confronte avec un esprit particulièrement puissant, une mission d'infilitration-élimination dans un pays africain rongé par la guerre, une épopée de survie comme sans-abri dans une zone urbaine américaine, un dîner aux chandelles, une fugue dans un bar miteux, une infiltration dans un hôpital psychiatrique, ou une mission sous-marine après une escapade dans des neiges polaires. Et j'en passe. Tous ces chapitres, on les dévore et à chaque fois la découverte du nouvel univers où on atterrit crée un véritable sentiment d'engoûment. Cette variété et ce découpage sont intimement liés à un autre ingrédient avec lequel il forme un mélange détonnant augmentant l'efficacité de chaucn d'eux : la narration non chronologique et complètement désordonnée. Beyond : Two Souls ne fait qu'aller et venir sans arrêtre entre le milieu, la début et la fin de l'histoire de Jodie dans un ordre dont il est difficile de savoir s'il a une logique. Certains n'ont vraiment pas aimé ça, mon collègue Nicolas étant allé jusqu'à dire : "la narration destructurée et le n'importe quoi de certaines situations laissent un goût amer en bouche". Pour ma part, j'ai adoré, j'adore quand on réfléchit pour recoller les morceaux, pour faire le lien, pour du coup repenser une scène différemment quand on en a découvert une autre après. Zero Escape : Zero Time Dilemma avait admirablement bien joué avec la narration destructurée (certes, elle était complètement logique et indispensable vu que les personnages perdaient la mémoire à chaque fois), mais ça crée un sentiment de perte et de désorientation qui s'ajoute idéalement aux nombreuses autres émotions provoquées par le jeu. On est là pour vivre quelque chose d'intense, la narration destructurée y aide et c'est une technique très courante d'ailleurs au cinéma.
Sans abri, le suicide à portée de main.
Bref, entre la variété des scènes et cette narration destructurée, du coup, le système de jeu reste bien actif : formation au combat à la CIA, petite course en moto, excursion à cheval pour comprendre le mystère des Navajos. Et même si ce sytème est basé sur des QTE et les combats sur de simples directions à imprimer au stick dans un temps limité (pas si facile coryez-moi tant le temps est limité), il fait son effet.
Alors, oui, il y a des critiques à faire, mais à mes yeux habitués aux jeux narratifs, à scénarios alternatifs et aux visual novels, elles sont ailleurs. Le gros écueil c'est l'absence totale d'outil pour rejouer les scènes, faire d'autres choix et découvrir ce qu'il en résulte. Dans les jeux de ce genre, on trouve habituellement (liste parfois cumulative) : un système à plusieurs unités de sauvegarde, ou des outils pour accélerer voire passer les scènes déjà vues, ou un système d'arborescence ou carte pour rejouer à un point précis. Dans Detroit : Become Human, le studio avait d'ailleurs pris en compte la critique car il avait inclus ce système de carte à la fin de chaque chapitre. Ici, tout ce qu'il y a, c'est la possibilité de rejouer les chapitres de manière indépendante, sans sauvegarde (ou avec, mais dans ce cas, vous effacez toute la suite et n'avez plus accès aux chapitres postérieurs). Sauf que quand le chapitre est long et certains le sont beaucoup, ben c'est très vite lassant.
Avec l'Esprit vengeur des Navajos.
C'est d'autant plus regrettable qu'on aurait vraiment envie de rejouer certains passages, mais on se lasse vite de réentendre quatre fois le même dialogue, surtout dans les chapitres les plus longs.
Quoi qu'il en soit, si comme moi vous étiez passé à côté de ce bijou, que vous aimez les jeux narratifs à scénarios alternatifs, vous devez jouer à Beyond : Two Souls. C'est au moins 15H de jeu qui vous attendent, ce qui est élevé de nos jours, avec en prime une bande-son aussi immersive que d'excellente qualité. Et vous aurez droit à cinq fins majeurs, chacune d'elle se découpant en plusieurs sous-fins, selon que certains personnages mourront ou non. Pas mal du tout.
Crédits : le top 5 de mes chapitres préférés
Navajo : au coeur d'un paysage sublime, avec en toile de fond le génocide des Indiens d'Amérique, une aventure profonde, intense et touchante avec le paranormal plus présent que jamais. Cerise sur la gâteau : une possibilité de saine relation amoureuse. Action, exploration, émotion.
Sans Abri : au coeur de la souffrance, du désespoir et du dénument, Jodie découvre enfin des humains qui lui donneront sans rien attendre en retour. Un chapitre qui est une vraie leçon de vie. Un peu d'action et maximum d'émotion.
Norah : un des tournants majeurs de l'aventure, dans une toile de fond très glauque. Une partie des secrets sont dévoilés. Même sans action aucune, ce chapitre est particulièrement intense et bien mené, en particluer dans le dialogue avec Norah.
La Mission : un des plus beaux chapitre action, en dehors de Bienvenue à la CIA. Des variantes très intéressantes, même cruciales, un peu plus que dans les autres chapitres. Un autre tournant de l'histoire aussi et une belle touche émotionnelle présente quand même.
L'Antre du Dragon : univers à la fois enneigé et sous-marin. Ah, ça c'était vraiment bon. Action avant tout, pas d'émotion cette fois, sauf la petite scène de conclusion.
Merci infiniment à mon cher ami Fémy pour m'avoir offert cette oeuvre.