Death Mark - Test Vita
Jeux Vidéo / Critique - écrit par Islara, le 21/12/2018 (Tags : mark death jeux test playstation spirit switch
Death Mark, visual novel d'épouvante, est sorti initialement au Japon mi-2017 sur Vita, le 18 janvier 2018 sur PS4 et enfin le 28 juin sur Switch. Halloween oblige en culture anglo-saxonne, le voici venir en Europe depuis le 31 octobre dernier, avec en prime un coffret collector. NB : attention, jeu uniquement en anglais.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Death Mark est l'exact équivalent en jeu vidéo du thriller d'épouvante, avec touche d'horreur, si ce n'est que c'est un visual novel, ou roman graphique, genre propre à nos amis japonais et qui mélange jeux vidéo de réflexion, avec beaucoup de textes et une dose plus ou moins importante de scénarios alternatifs. Reprenant en l'occurrence tous les poncifs de l'épouvante, en termes d'univers, de thèmes, de personnages, Death Mark nous embarque avec brio dans une aventure glauque, parfois répugnante, effraiera les âmes les plus sensibles, et marquera néanmoins les plus aguerris en termes de jeu d'horreur. Ainsi si les aficionados de Silent Hill resteront le plus souvent insensibles, ils apprécieront largement l'oeuvre, si tant est qu'ils soient prêts à lire pas mal de textes et dialogues.
Une histoire captivante et "marquante"
Tout commence avec une marque qui apparaît soudainement sur le poignet du héros que nous incarnons et qui, en sus de le rendre amnésique, signifie qu'il doit bientôt mourir. À nous de mener l'enquête, à l'aide d'un mannequin doté de parole et de trouver le pourquoi du comment et la façon d'échapper à la mort. Au cours de nos recherches, on rencontrera de nombreux personnages le tout sur de 5 chapitres (+ un 6ème optionnel nouvellement ajouté à l'occasion de cette sortie européenne). Ces personnages seront intéressants par leur diversité d'âge, de genre, d'origine socio-professionnelle, mais aussi par un certain travail sur leur caractère et leur histoire. On explorera des lieux tout aussi variés et très classiques dans le genre épouvante : bâtiment désaffecté (en l'occurrence une école), forêt nocturne, bunker souterrain abandonné qui servait de laboratoire de recherches malsaines, temple religieux shinto. Autre classique mais qui fonctionnera toujours : le point central du jeu et de cette marque de la mort, c'est la présence de spectres ou esprits corporels assez effrayants. Ceux-ci sont à l'origine de la marque et nous finirons bien sûr par les affronter.
Une marque comme compte à rebours avant la mort.
Quant au scénario lui-même, il brille particulièrement par son sens du détail, sa grande complexité et sa capacité à créer une ligne directrice entre chaque chapitre, tout en donnant à chacun une certaine indépendance. Il est également doté d'une dimension émotionnelle subtile. Car, loin de tomber dans un manichéisme trop souvent présent dans les jeux d'horreur, Death Mark, comme certains films - clin d'oeil à Sixième Sens - nous oblige à comprendre ces spectres mortels effrayants, à découvrir leur tragique histoire et le chemin terrifiant qui les a amenés dans l'état terrible où ils se trouvent, pour pouvoir ensuite les affronter. Ainsi, il ne s'agira pas de les tuer comme de vulgaires méchants, mais de découvrir à travers leur tragique ou tortueux parcours comment les affaiblir, puis les anéantir ou apaiser leur colère vengeresse, et les laisser enfin reposer en paix.
Le point culminant de la dimension réflexion et existentielle du scénario de Death Mark se découvre dans ces deux méthodes alternatives de victoire contre les spectres à la fin de chaque chapitre : l'anéantir par agression ou le faire disparaître en apaisant sa colère. Ce choix proposé en dit long sur l'état d'esprit qui a amené à la conception de ces histoires : une détermination certaine à nous faire écouter la souffrance de l'autre et de la faire enfin cesser, même si cet autre a été englouti dans sa souffrance pour devenir un monstre. L'étincelle d'humanité est toujours présente, il n'appartient qu'à nous de la faire renaître, même aux portes de la mort.
Evidemment, la méthode "apaisante" sera la meilleure et donnera accès à la "bonne" fin du jeu. Quant à l'autre, plus destructrice, elle causera peu après la mort d'un personnage, ce qui montre clairement que, dans l'esprit des développeurs, c'est le mauvais choix. Faites donc bien attention à vos sauvegardes - idéalement illimitées sur Vita - pour essayer les deux fins à chaque fois. Outre le gain de trophées, cela vous permettra de mieux comprendre certains aspects de l'histoire et vous donner au passage une touche d'épouvante et de tragique supplémentaire. Mais, quand vous poursuivez le jeu, faites-le bien avec le meilleur choix, sinon vous n'aurez pas accès à la "bonne" fin de Death Mark, qui est indispensable pour accéder au 6ème chapitre optionnel...
L'autre réelle qualité du jeu provient de la subtile façon qu'il a de disséminer toutes les réponses dans les différents objets et informations que l'on collecte. Tout aura son utilité, rien n'est laissé au hasard. Il y a ainsi peu de dialogues inutiles, voire quasiment pas. La réflexion est donc bien de mise et il faudra ainsi être très attentif à tout ce qui se passe et se dit. Ayant bien conscience de leurs exigences, les développeurs ont fort utilement mis à notre disposition l'accès à l'historique des dialogues et une sorte de journal résumant nos découvertes. Ce qui m'amène aux parties plus techniques du jeu, qui surprennent un peu par certaines lacunes.
Pas de texte superflu, mais un désert graphique.
Un jeu à la petite semelle ?
Tenez-vous bien ou asseyez-vous car c'est quand même à la limite de l'acceptable : dans Death Mark, on a l'impression de jouer à un jeu inachevé techniquement ! Pas la moindre vidéo, des images en nombre très limité et quasi-fixes, seulement dotées de temps à autre de quelques zooms, aucune image des objets (il faut donc se coltiner la description, en anglais uniquement je le rappelle), déplacements peu fréquents et en images par images, quasi-inexistence du doublage par des acteurs si ce n'est quelques onomatopées (pourtant, en général, les visual novels se dotent d'un doublage avec excellent jeu d'acteur).
Tout cela est d'autant plus dommage que c'est notre chère Rui Tomono, la graphiste de Zero Time Dilemma, qui a travaillé sur la conception des personnages, et on doit bien admettre que sur le peu d'images qu'il y a, c'est du bon boulot. Les quelques scènes marquantes du jeu nous dérangent largement par le fin travail effectué sur les détails malsains, allant même sur des légères formes d'érotisme répugnant.
Bref, on ne demandait pas la lune vu que c'est un visual novel, mais là on est quand même très en bas de la gamme et ça coince un peu quand on est dans le genre horreur. Je n'ose pas imaginer le résultat sur une console de salon car, là, on n'est que sur la petite Vita...
Bizarrement, à l'opposé de ce désert graphique, tout le reste est au niveau de ce brillant scénario. D'abord, comme je vous l'annonçais plus haut, le menu est bien conçu. Soit directement depuis l'écran de jeu, ou par un écran autonome, il dispose ainsi :
- d'un inventaire détaillé avec l'ensemble de nos objets et très utile quand on est en phase d'affrontement avec le spectre (de manière très adéquate, le jeu nous y donne accès dans cette phase ; pas très réaliste, mais on n'est pas dans un jeu d'action ; en revanche il est inaccessible dans les scènes de "Live or Die", cf infra) ;
- du fameux journal extrêmement utile pour retrouver une partie des indices relatifs aux spectres ;
- d'un accès à la fiche de tous les personnages rencontrés ;
- de la possibilité de changer de partenaire à presque tout moment du jeu, ce qui est indispensable pour certaines scènes où il faut être avec le bon personnage ;
- de la possibilité de sauvegarder presque à tout moment, avec un nombre de sauvegardes illimité, indispensable aussi pour essayer les différentes fins ;
- un bouton d'avance rapide des dialogues (L), tout aussi utile pour la rejouabilité.
Un menu et des options très bien conçus et bien vus.
L'expérience de jeu est de la même façon très bien conceptualisée si bien qu'on est pris dans Death Mark en permanence, captivé que l'on est tantôt par les découvertes, tantôt par l'exploration, tantôt par les affrontements.
Les phases d'enquête sont ainsi relativement courtes et régulièrement ponctuées par des mini-scènes d'action "Live or Die", consistant à répondre aux questions des spectres via un QCM, avec chronomètre à la clé sous forme de points. Simple mais efficace pour créer de la tension soudainement. Il y a également des rencontres inopinées qui créent cette indispensable variété dans tout jeu vidéo. On se fait aussi surprendre par des moments de fuite en avant, désemparé que l'on est devant une situation.
Par ailleurs, outre la nécessaire réflexion que j'évoquais plus haut dans les affrontements finaux, le choix du personnage qui nous accompagne n'est pas en reste. Dans certains cas, il aura son importance et on devra donc faire attention à ses capacités.
Quant aux affrontements eux-mêmes, leur mécanique est intéressante. Cela se fait toujours à deux et nécessite donc de penser à combiner des objets, ce qui n'est pas si simple vu le nombre d'objets que l'on collecte et met donc la barre assez haut en termes de difficulté. On commence par une phase de résistance destinée à obliger le spectre à s'approcher, puis l'on conclut par une "attaque" soit agressive soit apaisante. On apprécie également de voir à quel point chaque spectre aura été unique dans ses points faibles, ses particularités terrifiantes ou répugnantes et ses obsessions.
Côté sonore, on est à l'exact opposé du désert graphique que je citais plus haut. La seule bande originale du jeu justifierait d'acheter le coffret collector. Ses mélodies extraordinaires, allant de la douceur du piano à l'agressivité de certaines percussions, nous envoûtent et nous captivent autant que ce brillant scénario. À certains moments, exprès, je n'avançais pas dans le jeu pour écouter plus longtemps la musique ! Les sonorités sont au même niveau et on a l'impression que Death Mark a misé à fond sur les jeux de son pour compléter cette ambiance horrifique créée par l'histoire et que le visuel ne donnait pas assez. Coup de gongs récurrents, douce et classique tronçonneuse, hurlements, changements brutaux de musiques, vent, bruissements d'insectes, aboiements, croassement, clochette, éboulement, tic tac, carillon... tout le classique du son d'horreur et de son montage est bel et bien présent. Ainsi, tout ce qu'on ne vit pas par l'image, on le vit par le son. Death Mark serait-il un sonorus novel à défaut d'être un complet visual novel ?
Quant au dénouement final, il est à la hauteur des meilleurs jeux du genre : outre l'ultime affrontement particulièrement long et intense, une explication en béton armé où tous les morceaux du puzzle se recollent enfin nous est offerte, avec en sus un épilogue digne de ce nom relativement long où on découvre ce que devient chaque personnage, et bien sûr un beau coup de théâtre final sur l'histoire du personnage et de la marque.
Conclusion
Death Mark est incontournable dans la ludothèque de tout fan de visual novel. Innovant dans le genre en se portant sur le thème de l'épouvante, il captive sans discontinuité par un scénario brillant et une grande intensité, tout en offrant des mécaniques de jeux variées et prenantes, et ce malgré des vraies lacunes graphiques. Il ne tombe ainsi pas dans le piège d'un jeu passif où l'on se laisse porter par l'histoire ni ne souffre de longueurs, bien au contraire.
Résumé :
- Durée de vie : 12-13H (sans le chapitre 6)
- Difficulté : parfois haute, bien dosée en général
- Graphismes : 2/5
- Bande originale et sons : 4,5/5
- Scénario : 4,5/5
- Jeu en anglais uniquement
Un coffret collector qui vaut le coup rien que pour la BO du jeu.
Evaluation de chaque chapitre
Chapitre 1 - Hanahiko : le jeu démarre fort avec cette affaire particulièrement glauque et tragique. À aucun moment, on ne ressent de mépris pour ce spectre dont la douleur nous transperce. L'ambiance est plus sombre que terrifiante, l'enquête encore assez simple, mais quand même un peu complexe, et l'affrontement final accessible, vu qu'il sert un peu de tutorial. 4/5
Chapitre 2 - Shimi-O : changement radical. L'ambiance passe dans le répugnant et est même assez crade. Le spectre, bien dérangé mentalement, ne nous attise aucune sympathie. L'enquête est plus longue, devient vite très complexe et l'affrontement loin d'être évident. On commence à mourir pour nos premières fois. On apprécie ce changement. 4/5
Chapitre 3 - Hanayome : nouveau changement de décors, mais retour à de l'émotionnel dans un autre style mais tout aussi marquant. Hanayome sera notre spectre préféré avec Hanahiko. L'enquête est plus courte mais plus subtile. Les choix seront plus cruciaux, les informations plus difficiles à analyser. La difficulté continue à monter d'un cran. 4,5/5
Chapitre 4 - Miss Zoo : on revient à l'école, mais dans une autre zone. L'histoire est plus tortueuse, le spectre tout aussi dérangé que Shimi-O, mais dans un autre style. Les "Live or Die" sont moins convaincants que d'habitude, mais l'affrontement final bien corsé et subtil. 4/5
Chapitre 5 - Kannon Soldier : là, tous les aspects de l'épouvante se mélangent : du malsain, du répugnant avec en même temps une infinie compassion pour le spectre, mais aussi et c'est nouveau, des expériences scientifiques monstrueuses, et de l'Histoire. En même temps, le rythme s'accélère, les morceaux du puzzle se recollent avec les précédents chapitres. Le combat final est un peu plus facile mais aussi plus intense car, par une pirouette, le jeu nous fait croire à une impasse. 4,5/5.