C'est quoi le problème des jeux vidéo avec la Révolution

/ Article - écrit par Hugo Ruher, le 30/07/2019

Tags : video jeux avec france revolution joueurs histoire

We. The Revolution nous plonge dans la Révolution Française avec un angle original: celui des procès. Une manière inédite d'étudier cette période complexe de l'Histoire. Et il faut dire que ce genre d'initiative est rare tant le sujet ne semble pas passionner les éditeurs de jeu.

On ne compte plus les jeux se déroulant au coeur de la seconde guerre mondiale. Les amateurs de Call of Duty ou Battlefield s'en donnent à coeur joie. Les fans de stratégie peuvent naviguer dans l'Antiquité chez Age of Empires, la Renaissance chez Anno, ou même les guerres napoléoniennes avec Total War sans problème. Pourtant, pour ce qui est de la Révolution Française, les exemples sont un peu plus difficile à citer.

A part Assassin's Creed Unity, et dorénavant We. The Revolution, la période paraît boudée par les éditeurs. Pourtant tout est là pour faire des jeux, non seulement potentiellement bons mais aussi commercialement justifiables. Bien-sûr en France, la Révolution parle à tout le monde même si parfois ça se résume à la prise de la Bastille, mais à l'étranger aussi, les événements sont connus. Au-delà de toute la reconfiguration politique qu'ont provoqué les événements de 1789 et des années suivantes, la Révolution a aussi inspiré d'autres pays qui ont calqué leurs constitutions sur celle écrite par les vainqueurs.

Mais passons rapidement sur les détails historiques, pourquoi un jeu sur la Révolution Française ferait un bon jeu ? Et bien d'abord, c'est une période extrêmement riche qui permet de nombreuses variations autour de différents styles. Il y a plusieurs factions qui s'allient et se séparent, de quoi se lancer dans un jeu de stratégie. De l'action également avec les affrontements nombreux au cours de la période. Il y aurait même de quoi imaginer un jeu d'énigmes au coeur du Paris de l'époque.
Sans parler des protagonistes. Tandis que certains joueurs voudront incarner Marie-Antoinette ou Louis XVI, d'autres préfèreront Danton, Robespierre ou même Napoléon. Autant de personnalités connues avec des caractères marqués et des trajectoires extrêmement différentes. De quoi varier les ambiances et les gameplay. D'ailleurs, We. The Revolution permet d'aborder plusieurs questions en consacrant les procès à des personnages très différents issus de plusieurs classes sociales. De quoi brosser un portrait de l'époque varié à défaut d'être exhaustif.

Des intrigues politiques complexes, des batailles, des personnages hauts en couleur identifiables, des enjeux dramatiques importants… Autant d'éléments taillés pour le jeu vidéo pourtant, les exemples sont rares.

Plusieurs raisons à ça. D'abord il n'y a qu'à voir les polémiques qui ont éclaté autour de la sortie d'Assassin's Creed. Certaines personnalités politiques accusant le jeu de brosser un tableau peu reluisant des révolutionnaires, sans même parler des erreurs historiques. Il faut dire que contrairement à la seconde guerre mondiale, où les deux camps sont clairement identifiés et où malgré les nuances on peut vite déterminer qui sont les "méchants", le sujet est beaucoup plus casse-gueule pour la Révolution. On pourrait croire que le temps a émoussé les tensions mais non, encore aujourd'hui, le sujet reste extrêmement clivant. Au-delà des sorties de Jean-Luc Mélenchon, de nombreux historiens ont crié au scandale lors d'une émission de France 2 présentée par Lorant Deutsch et Stéphane Bern consacrée aux événements avec un angle jugé trop partisan en plus d'être très léger historiquement.

C'est quoi le problème des jeux vidéo avec la Révolution
DR.

En clair: pas de problème pour la WWII car dans tous les cas, les nazis sont des méchants. Mais pour les événements de 1789 dire qui sont les antagonistes révèle un discours à haute connotation politique.

Or, les jeux vidéo ne veulent pas faire de politique. Il n'y a qu'à voir les déclarations d'Ubisoft qui veut des jeux neutres présentant plusieurs points de vue de manière impartial. Même le projet de Pégase, les Césars du jeu vidéo, propose une catégorie "jeu à message" comme si les autres relevaient du divertissement pur.

Une dichotomie illusoire, personne ne peut prétendre à une neutralité absolue. Mais les studios veulent s'en approcher le plus possible, ou en tout cas donner l'illusion qu'ils le font.

We. The Revolution n'échappe pas à cet écueil. Le système des procès vous encourage à ménager la chèvre et le chou, si vous voulez tenir une ligne pro ou anti-révolutionnaire, vous ne tiendrez pas longtemps. Le nerf de la guerre tient donc dans les concessions que vous vous devez de pratiquer.

On pourrait croire ici à un semblant de neutralité justement mais non, parce que le jeu prend clairement parti en représentant un peuple violent et inculte, des révolutionnaires assoiffés de pouvoir et vous au milieu, le juge encouragé à corrompre et à négocier pour conserver son influence.

C'est quoi le problème des jeux vidéo avec la Révolution
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Rien de très flatteur donc, mais comme il s'agit d'un jeu pas forcément destiné à un très large public, les dommages sont moins importants. L'intérêt réside non pas dans la reconstitution historique précise, mais dans le système des rouages du pouvoir. Le même jeu aurait pu être fait dans un contexte de Grèce Antique ou d'élection à la Maison Blanche.

En revanche, un jeu grand public évitera à tout prix de s'attaquer à cette période complexe et pleine de controverses. A moins de gommer toute la portée politique de la Révolution. Ce qui n'a pas beaucoup de sens.