8/10The Movies - Test

/ Critique - écrit par Nicolas, le 12/12/2005
Notre verdict : 8/10 - The Movies (Fiche technique)

Nous avons tout fait. Tout. Des parcs d'attraction, des chemins de fer, des hôpitaux, des équipes de foot, des villes entières et même des civilisations millénaires. Pourtant, il manquait quelque chose de primordial dans ce beau paysage de gestionnaire virtuel. Tout du moins, c'est ce que s'est dit Peter Molyneux, après avoir fait valsé le monde vidéo ludique avec son jeu de rôle moyennement révolutionnaire Fable. Les concepts, c'est son train-train quotidien (après tout, on lui doit Populous, Dungeon Keeper, et Black & White). The Movies, en soi, n'est donc pas vraiment ce qu'il a fait de plus innovant, si l'on part du principe que construire des bâtiments pour engranger des thunes et s'agrandir, on connaît depuis longtemps. Sauf qu'ici, les bâtiments en question prennent la forme d'école de comédie, de studios, de maison de casting, et que la seule façon de gagner de l'argent se résume à faire des films porteurs avec plein de stars. Bienvenue dans le monde du cinéma ! The Movies vous propulse en effet dans la peau d'un directeur de studio plein aux as, dont la principale préoccupation est de chouchouter ses vedettes pour les placer tout au haut du firmament des stars, et par la même occasion remplir les caisses pour continuer à faire des bonnes petites bouses cinématographiques et entretenir le studio. Programme alléchant, n'est ce pas ?

Studio Line

Un studio commence comme n'importe quel autre entreprise : un terrain vague, désespérément vide, avec une petite barrière et un enclos en pierre. La bonne nouvelle, c'est qu'il ne vous faudra que quelques minutes pour bâtir le minimum vital à la construction de votre rêve, passablement aidé par la petite voix féminine du tutorial qui vous explique avec gentillesse et abnégation quoi faire et comment bien le faire. A la différence, bien sûr, qu'elle ne vous dit pas où placer vos petites constructions, histoire que vous les installiez n'importe comment (syndrome « la symétrie c'est pour les chiens »). Bref, votre première tâche est d'assigner les quelques demandeurs d'emploi à un poste de bâtisseur, pour qu'il puisse construire et donc s'épanouir professionnellement. Ils serviront ultérieurement à l'entretien de vos installations qui ont la fâcheuse tendance à se délabrer en moins de temps qu'il ne faut pour dire action. Vous allez me dire, autant en faire une tripotée, on sera tranquille plus tard (syndrome « Starcraft : travaillez bande de chiens galeux »). Je ne peux alors vous répondre que par un petit rictus de moquerie précédant l'information suivante : votre personnel au total sera TRES limité. Que ce soit logique ou pas logique, c'est comme ça, vous n'aurez au début que deux ou trois têtes de pipe devant le bureau d'embauche, et même à votre niveau d'emploi maximum, il faudra judicieusement allouer les ressources là où vous en avez besoin : agent d'entretien, scientifique, figurant, écrivain, assistant, etc. Fort heureusement, il est aisé de transformer un banal bâtisseur en scientifique, même si l'expérience lui fera défaut un temps.
Quoiqu'il en soit, aucun piège au démarrage : votre premier bâtiment sera l'école d'art dramatique, vous permettant d'embaucher vos acteurs et vos réalisateur, eux aussi en nombre très limité. Un rapide survol de la souris sur les candidats vous informera de leur caractère (indice pour les réalisateurs) et leur expérience (pour les acteurs). A l'image d'un The Sims, il vous faudra maintenant céder à leur caprice pour garder leur moral au plus haut, ce qui se répercutera sur leur performance : leur trouver de la compagnie, les installer dans une belle caravane avec des massifs de fleurs et des palmiers, soigner leur look, de pas trop les tuer à la tâche, et faire en sorte qu'ils s'entendent tous. Dans le cas contraire, ils risquent fort de passer leurs journées attablés à un comptoir de bar ou à bouffer jusqu'à devenir obèses.
Il est temps de tourner votre premier film ! Mais ne vous attendez pas à tourner tout de suite un « Godzilla défonce la grosse pomme », le jeu commence dans les années 20 ! Généreux, le tutorial vous offre donc un script ridiculement court, sans le son, et en noir et blanc. En construisant une petite scène de comédie, votre acteur aura tout le loisir d'exprimer son talent de débutant. Plus qu'à sortir ledit film, et attendre les réactions. Le jeu vous informe alors de ses revenus, de sa place dans le box-office à mesure que le temps avance, et des critiques du film. Bravo, vous voilà cinéaste ! Mais ne criez pas victoire trop vite, ce n'est que le début...

Mon film, ma bataille

Car plus les choses iront, plus elles se corseront. Le nombre de bâtiments augmentera presque exponentiellement, offrant une liste de décors faramineuse qu'il vous faudra construire / détruire pour rester original. Mais surtout, l'industrie du cinéma se modernisera considérablement, vous obligeant à jouer avec des nouveaux facteurs contraignants. Par exemple, les quelques premières dizaines d'années, le film fini pourra sortir sur les écrans directement et attirer les foules. Mais une fois que les Relations Publiques et le marketing entrent en jeu, il faudra un minimum de publicité et une bonne adéquation de la campagne de promotion pour faire un succès.
Parallèlement, votre équipe gagnera de l'expérience, et vous aurez accès à des possibilités d'écriture et de tournage plus abouties. Si laisser faire vos scénaristes pour créer des scripts est alors la méthode la plus simple et rapide pour réaliser quelque chose, en vous laissant le temps de vous occuper de vos stars, il est nettement plus fructueux (et plus amusant) de créer son propre script. Pour cela, rien de plus simple : trouvez un titre porteur (par exemple « L'équipe Krinein contre Godzilla »), associez-y vos stars, choisissez un décor pour chaque scène ainsi qu'une des actions pré-générées (par exemple : « entrer dans la pièce », « converser à deux », « brandir une lame », etc.). Peu importe la cohérence, tout ce qui compte est la richesse de votre « scénario » et l'originalité de vos décors (ajoutés, évidemment au talent et à l'humeur de vos stars). Vous pouvez très bien commencer votre chef-d'oeuvre sur un champ de bataille et le finir dans l'espace sur un vaisseau spatial, en passant par une banque de western ou une scène de théâtre, le public ne sera pas très regardant.
Chaque sortie se voit « critiquée » : le jeu examine la qualité du script, le jeu des stars, l'expérience de l'équipe et du réalisateur, et le marketing associé, pour lui attribuer un certain nombre d'étoiles du mérite, qui sera évidemment déterminant pour la succès de votre film. Quelques magazines fictifs vous donnent leur appréciation en termes plus qualitatifs, pour vous expliciter les qualités et les défauts de votre métrage. Il devient alors aisé de déterminer la recette gagnante la plus efficace, pour peu que vous mainteniez un certain niveau de célébrité à vos stars.

La guerre des étoiles

La star est un peu comme un Sims. Elle exprime un certain nombre d'exigences vitales à son sens qu'il faudra contenter pour la maintenir de bonne humeur et obtenir le meilleur d'elle-même. En clair, lui maintenir un salaire à hauteur de ses espérances (sans frustrer ses petits camarades), ne pas trop la surcharger de travail, veiller à ce qu'elle ne devienne pas boulimique ou alcoolique, lui allouer une caravane spacieuse avec un merveilleux environnement jardin, lui assigner des assistants pour qu'elle ne se sente pas trop seule, et la relooker régulièrement pour qu'elle soit dans l'air du temps et satisfaite de son image. Une fois les mécanismes du jeu acquis, il n'est pas trop difficile de conserver une barre d'humeur dans le vert, bien qu'il faille jongler judicieusement avec les attributions de rôle pour éviter le stress qui sera, assurément, votre préoccupation majeure (syndrome « films sur films »). Pour l'éviter, quoi de mieux que d'empiffrer votre star ou la faire picoler jusqu'à plus soif ? Mas attention, si elle devient trop dépendante, elle risque fort de quitter le plateau en cours de tournage pour aller se servir un petit whisky en douce. Et là, plus qu'une solution : la cure de réadaptation, longue et fastidieuse.
La star gagnera évidemment à être belle et à sentir bon. Le jeu vous met alors à disposition deux choses pour qu'elle respire effectivement l'eucalyptus, et qu'elle habite les rêves platoniques ou non de milliers de personnes : d'abord, une batterie impressionnante de costumes et accessoires de toutes les époques et de tous les styles, passant du smoking des années 20 au jogging des années 90 ; et ensuite, un institut de chirurgie esthétique exhaustif et performant. Rien de moins pour la star qui se réjouira de l'image qu'elle renvoie aux autres.
L'inévitable viendra : la star commence à accumuler les années, et la retraite approchera. Un véritable déchirement survient lorsqu'il s'agit de se séparer de sa star number one devenue trop âgée. Mais bon, elle aura vécue, hein. Un calcul intéressant serait de revendre la star au sommet de sa carrière pour en tirer le maximum de profit, mais il apparaît bien vite qu'il est préférable de l'exploiter jusqu'au bout pour la bonne tenue de son studio. Ce que ne respectent pas les studios concurrents, puisqu'il n'est pas rare de voir tocer à sa porte des stars concurrents, visiblement compétentes mais d'un âge déjà bien avancé (quand on sait que la retraite intervient à 70 ans, une star qui se point à 66 piges n'est généralement pas très bien reçue)...

J'aurais voulu être un artiste !

The Movies ne serait qu'un banal jeu de gestion s'il ne vous laissait pas libre cours à votre folie créatrice. Celle-ci sera prise en compte en trois temps.
L'écriture du script tout d'abord. Comme j'ai pu le mentionner auparavant, le jeu vous octroie la possibilité de créer un scénario pratiquement de A à Z, incluant le titre, le genre, le nombre de personnages et leurs noms, le nombre de scènes, ce qui s'y passe et dans quel environnement. Ajoutons également le choix des toiles de fond (partie du décor), les costumes, la météorologie, et les angles de caméra. En pratique, vous décidez du décor pour chaque scène, y faites les modifications que vous voulez, puis choisissez ce qui passera parmi une liste d'actions pré-générées. Autrement dit, les personnages exécutent une action qui est déjà défini à l'avance, sans intervention de votre part. Logique d'un certain point de vue, mais ceux qui espéraient pouvoir faire un film numérique d'une qualité globale au moins égale à un épisode de série télé peuvent aller voir ailleurs, les scènes sont raccordées artificiellement et le mot « faux raccord » règne en maître (syndrome « X-OR »). Ajoutons l'impossibilité de vraiment choisir son angle de caméra, qui, associé au point précédent, accentue la sensation de « déjà vu » entre chaque film (syndrome « X-OR » aussi).
La post-production ensuite. Celle-ci vous met à disposition un banc de montage simpliste mais complet, permettant de remonter chacun des films produits par vos soins (donc refaire les raccords, écourter des cènes, changer d'ordre, etc), mais aussi les doubler à l'aide d'un micro, ou y associer une musique de votre cru.
Enfin, le Star Maker. Ce dernier apparaît indépendamment du jeu sur votre bureau, et vous offre la possibilité de créer une star complètement, selon une interface de création assez proche de celles des Sims 2, pour l'importer par la suite dans votre studio. L'intérêt, banal au premier abord, devient très vite évident : quoi de plus amusant que de créer son petit frère dans le jeu, le faire jouer dans « Kevin contre les Vampires », en faire un star ! Ou même, reproduire une star déjà existante (au hasard, Nicole Kidman, Kate Beckinsale, Naomi Watts (ouais, que des filles)) pour la faire évoluer sous vos ordres ?
Ce processus, aussi simple soit-il dans son approche, réclame un certain temps de travail, et donc une certaine motivation. Il est néanmoins intéressant de constater que, malgré les défauts du procédé, des joueurs de tout horizon mette à disposition sur internet des films de leur cru, grâce notamment au système de diffusion mis en place par Lionhead. De plus, il n'est pas idiot de penser que le jeu fera l'objet de mises à jour, add-ons, et autres patchs, corrigeant les défauts et étendant la panoplie de décors / costumes mis à disposition, ce qui, compte tenu de sa taille actuelle, serait déjà considéré comme du grand luxe.

Ca tourne !

Ce tableau en grande partie élogieux ne saurait tolérer le moindre défaut technique. Aussi, une config modeste ne dépassant pas les 1,5 GHZ est capable de faire tourner le jeu en qualité intermédiaire, et dans le cas des toutes petites machines, le niveau « super moche » est toujours disponible. Bon, il faut avouer que vous êtes affectés par le syndrome « je construis tout et je vous embête », le jeu pourra afficher un certain mécontentement à plusieurs reprises (notamment en affichant la carte de votre studio). Mais sinon, rien à décrier particulièrement.
L'interface est à l'image de tout ce que à pu faire Molyneux par le passé : simple et convivial (les habitués pourront même reconnaître des fragments de concepts de ses précédents jeux). La rangée de droite affiche un portrait de vos stars, que vous pouvez observer d'un clic, ou « choper » en tirant le portrait d'un geste de la souris. Avec les deux touches adéquates, vous naviguez entre chaque catégorie du personnel sous vos ordres, qui réagissent aux mêmes commandes que vos stars. Un tout petit icône vous permet alors de connaître leur activité actuelle, et de pouvoir les remettre au boulot en cas de glande.
A droite sont affichés vos scripts et vos films en cours, avec leur niveau d'avancement et leur qualité, histoire de toujours les avoir sous la main. Enfin, dans le haut, la ligne temporelle vous informe des évènements importants, tels que remises de récompenses, dates de sorties de vos films, tendances du moment, etc. Un certain nombre d'infos-bulles viennent compléter toutes ces informations, vous permettant d'accéder rapidement aux informations importances.
Deux bémols cependant : lorsque votre nombre de stars est important, la rangée de gauche réduit quelques portraits à l'état de barre, difficile à manipuler ; et si les raccourcis facilitent la vie, certains se montrent royalement inutilisables, comme la touche des décors (fait passer d‘un décor à l'autre, à ne surtout pas utiliser si vous souhaitez vraiment trouver votre décor rapidement). Le jeu est, en outre, constamment illuminé de musiques inspirées de grands classiques du cinéma, et d'interventions radiophoniques pleines de non-sens et de drôleries (entrecoupées néanmoins de flashs informations inspirés de grands faits réels).
La durée de vie est à l'image de n'importe lequel des jeux de gestion. Votre but n'étant pas de finir le jeu, puisque celui n'a théoriquement pas de fin (non vérifié, et vous comprendrez que j'ai très peu envie de le faire), votre motivation et votre désir d'être le plus grand magnat du cinéma seront déterminant dans le temps que vous passerez dans le jeu. Pour donner un sens à tout ça, et mettre un peu de suspense, les concepteurs ont inclus deux idées. La première : tous les cinq ans, une cérémonie est organisée pour décerner des sortes d'oscars récompensant la performance des stars et du studio. La seconde : des diplômes sont délivrés selon une liste d'objectifs précis, tel atteindre un certain seuil d'argent, un nombre de récompenses, un niveau de qualité de films, etc, et débloquent de nouveaux décors ou bâtiments.

Conclusion

The Movies est à l'image de tous les jeux de gestion considérés comme réussis : soit vous adhérez au genre, soit vous n'y adhérez pas. La durée de vie est importante malgré un aspect gestion plus ou moins répétitif et pas si difficile qu'il n'y parait à première vue. La grosse innovation du jeu est de proposer au joueur un outil créatif complet permettant de créer ses acteurs et ses films, un instrument qui n'est pas exempt de défauts mais répondant d'un potentiel certain.