The Secret World : Alan Wake dans Left 4 Dead ?

/ Preview - écrit par gyzmo, le 24/05/2012

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A l'occasion de la bêta test du week-end dernier ouverte à tous, nous avons pu mettre la main sur le prochain jeu massivement multijoueurs de Funcom – studio de développement déjà bien connu des accros de mmo (Age of Conan et Anarchy Online). Prévu pour fin juin 2012, The Secret World choisit – une fois n'est pas coutume - de nous plonger dans un univers moderne inspiré de notre réalité, où légendes urbaines, conspirations et mythes en tout genre prennent forme pour servir de toile de fond à une intrigue surnaturelle imaginée par Ragnar Tørnquist (auteur de la saga des The Longest Journey). Un scénario mettant en œuvre trois camps distincts, tous en quête de suprématie et parmi lesquels il faudra choisir : les Illuminati, les membres du Dragon et les Templiers. Avouez que sur le papier, l'ensemble de ces ingrédients d'Urban Fantasy ont de quoi titiller la curiosité pour qui recherche un peu de fraîcheur dans un jeu du genre. Et concrètement, qu'en est-il vraiment ?

Les trois ou quatre cinématiques promotionnelles de The Secret World réalisées par le célèbre studio Digic Pictures à visionner d'urgence dans notre galerie vidéo si pas encore fait !, avaient l'avantage pour elles d'en mettre plein les yeux. D'une qualité cinématographique remarquable, ces séquences sont parvenues à imposer de superbes ambiances, avec dans leurs sillages respectifs, l'espoir de retrouver un tel niveau d'excellence dans le rendu visuel final du jeu. Les captures d'écran ingame diffusées par l'éditeur allaient d'ailleurs dans ce sens. Et même si l’œil critique, habitué des screenshots photoshopés, a toujours raison de douter, une fois les deux pieds dans The Secret World, difficile de tirer la tronche devant le boulot abattu par les développeurs. En faisant fi des défauts inhérents d'une version dite « bêta » (c-a-d : en cours de finition), ce que nous a donné à voir Funcom – la ville de Londres et une grosse partie de la bourgade côtière de Kingsmouth, n'a pas à rougir devant les MMO ayant vu le jour ces derniers temps (Star Wars : the Old Republic, Tera, Guild Wars 2). Paramètres à fond sur une configuration PC qui en a dans le ventre, les environnements de The Secret World sont bourrés de détails, profitent d'une délicate gestion des lumières, affichent de belles textures et distance d'affichage. Les décors ont du charme, l'ambiance palpable, avec un soin particulier pour les bruitages et la bande originale, percutante.

The Secret World : Alan Wake dans Left 4 Dead ?
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Côté protagonistes, par contre, les éloges sont à balancer en demi-teinte. A l'image de la séance de création de l'avatar (skins plus ou moins modernes, parfois risibles et options de personnification génériques) et d'une entame laborieuse dans Londres, les habitants de The Secret World font preuve d'une rigidité détonante. Le saut façon « Steve Austin » du Templier - seule faction disponible pour cette bêta, les animations ankylosées du sprint, ou les pnj plantés comme des poteaux de jour comme de nuit, parmi tout un tas d'exemples, entachent un tableau d'ensemble dépourvu de vie. Le fait que notre avatar soit muet et n'ait aucun choix dans les dialogues participe à ce souci d'immersion et d'identification. En contrepartie, le titre de Funcom s'axe autour d'une mise en scène et d'une écriture chiadées, avec à son bord des interlocuteurs croqués avec force et caractère. Tantôt attachants, tantôt siphonnés du ciboulot, tous ont une histoire intéressante à raconter à travers une foule de missions liées de près ou de loin à l'intrigue principale. Le doublage voix – lorsqu'il est opérationnel (ce qui a été tout de même rare dans la présente version testée, aussi bien en vo qu'en vf), traduit la folie ambiante proche des cauchemars de Lovecraft. Avec humour et cynisme, par moment.

Au cours de la vingtaine d'heures de jeu, les quêtes se sont révélées plutôt enthousiasmantes. Et dissemblables, événement assez rare dans un genre bouffé par le bashing. De natures diverses et structurés en plusieurs phases, qu'ils soient liés à l'intrigue ou à la simple découverte du background, les objectifs proposés n'ont pas peur de faire appel aux méninges des joueurs. Il faut être observateur, ingame et hors jeu. Énigmes et recherche d'indices via google (intégré d'office dans l'interface) vont ainsi bon train. L'introduction des quêtes et son livre récapitulatif ne sont pas avares en informations et détaillent étape par étape le fil des récits. Le jeu croule sous du texte à lire et divers items avec lesquels interagir : documents (brochures publicitaires, annuaires), interfaces d'ordinateur (à la Fallout), artefacts uniques. Les affrontements ne sont pas toujours systématiques. Certaines missions se déroulent en totale infiltration – de manière quelquefois laborieuse : le gameplay de The Secret World n'étant pas réellement calibré pour. Mais l'opportunité est un apport non négligeable pour varier les plaisirs et ne pas s'ennuyer. Tous les goûts pourront être satisfaits. Dictés de la sorte, les ingrédients laissent rêveurs...

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Un bémol, toutefois : le système de quêtes en déroutera plus d'un, principalement celui qui aime jouer plusieurs objectifs en même temps. En effet, si recueillir à la chaîne (mais en nombre limité) des tâches auprès des pnj est autorisé, l'interface ne permet que le suivi d'une seule à la fois. La sélection et le passage d'une quête à l'autre, pas des plus ergonomiques et quelque peu fastidieuses par rapport à la concurrence, génère deux impressions distinctes, presque paradoxales. D'un côté, le joueur ne s'éparpille pas aux quatre vents. Il est invité à rester concentré sur une trame. Mais d'un autre, pour rester dans la course, il subit un nombre d'aller-retour incessant, ce qui est le meilleur moyen pour casser le rythme d'une aventure. Enfin, il convient à ce stade de souligner l'orientation très solitaire de The Secret World. Du moins, pour le moment. Et même si la plupart des testeurs croisés en chemin n'ont pas hésité à filer un coup de main face aux plus coriaces adversaires, les options de regroupement, le PvP et les objectifs à plusieurs n'étaient pas toujours fonctionnels.

Question combat et arbre des compétences, justement, le soft de Funcom embarque le nécessaire pour combler les joueurs avides de challenges et d'expérimentations. Sachant qu'il n'y a pas de classe prédéfinie (ni de « niveau »), que le joueur est libre de choisir n'importe quelles disciplines (lames, explosifs, fusils, magie noire, talismans...), que les aptitudes apparemment divergentes peuvent avoir des réactions combinables (histoire de compenser le manque de punch de certaines branches), The Secret World est une porte ouverte à toutes les envies. La spécialisation et la complémentarité entre équipiers ne sont bien entendu pas écartées : les profils spécifiques existent et font l'objet d'une présentation guidée. Ceci dit, la centaine de talents donne le vertige tant les perspectives paraissent énormes. A noter que seul le premier cercle de la roue des compétences était disponible pour notre bêta. Les compétences, à ce propos, se scindent en deux catégories : l'une passive (effet automatique), l'autre active. Faute de didacticiel et d'explications précises, sa gestion est un peu raide. Dans The Secret World, le joueur ne switche pas entre les deux armes dont il peut s'équiper. A la différence d'un Guild Wars ou de tout autre MMO du genre, les armes et pouvoirs – régis uniquement par du cooldown (temps de recharge), se sélectionnent « automatiquement » lorsque raccourcis clavier ou l'une des icônes sont actionnés depuis la barre de compétences. Cette barre comporte un jeu de quatorze emplacements (sept actifs, sept passifs). Fidèle au principe de « liberté totale », l'interface autorise l'enregistrement des decks de son choix. Prêt à l'emploi avant chaque combat, ces profils sont utiles pour éprouver différentes tactiques et s'adapter à toutes situations.

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En combat, la prise en main n'est cependant pas aisée. Du fait de l'obligation d'être en perpétuel mouvement, sous peine de se faire pulvériser par un pack de zombies hyper véloces (le théâtre de Kingsmouth baigne dans une atmosphère de survival / horror typée 28 jours plus tard) ou une bestiole trop bien charpentée. Gérer à la fois le positionnement de la caméra, les déplacements de son personnage, le choix de ses adversaires, les raccourcis (de talent ou de ciblage), l'état des jauges de cooldown, son inventaire et ses potions de dernière chance, peut rapidement faire perdre les pédales tant les affrontements sont autant dynamiques que brouillons. Le level design est certes propice à l'attaque à distance pépère : du haut d'une toiture, depuis l'amas d'éléments de décor ou, défaut de l'IA stupide des créatures (incapables de sauter), bien au chaud derrière une barrière. Mais la portée ridicule des armes à feu, l’absence d'une esquive efficace ou le sprint inopérant en pleine rixe font que l'on se retrouve les ¾ du temps - et à l’insu de sa volonté, à devoir se défendre au corps-à-corps. Peu habitué des MMO, le néophyte risque de prendre la tasse devant la masse d'informations à ingurgiter. Non content de n'être pas super lisibles et exigeantes à maîtriser, les joutes embringuent en plus des données diverses et variés, comme les ressources d'arme qui s'accumulent en utilisant des compétences de base pour charger les sorts les plus redoutables, ou le système de synergies d'état (diminution, affaiblissement, entrave, affliction).

Hormis certains items à ramasser (tels que les anneaux, colliers, bracelets et autres babioles...), les vêtements débloqués n'auront aucune incidence sur les compétences. Adieu les skins cheatés ! Bienvenue dans la réalité d'une société moderne, et à ses garde-robes uniquement là pour se la péter en toute superficialité ! Enfin, que les fans de « haute-couture » se rassurent : un système d'artisanat a été intégré, toujours avec pour ligne de mire d'offrir aux joueurs plus de liberté. Inspiré de celui de Minecraft, ce dernier promet des heures de tentatives hasardeuses : recycler des items pour en extraire des ingrédients, combiner des matériaux de base pour en former de plus nobles, grouper des composants suivant des formes spécifiques, apprendre des schémas par le désassemblage, sertir à l'aide d'artefacts... Pour tout dire, l'outil s'est révélé indigeste, car pas tout à fait au point dans sa version bêta. Dans l'idée, il devrait engendrer une montagne de possibilités, et un filon pour les amateurs d'items surpuissants « fait à la force de ses mains ».

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Pour information, le développeur Funcom n'est pas vraiment ce que l'on surnomme un foudre de guerre lorsqu'il est question de mettre en orbite un jeu d'une envergure telle que The Secret World. Les victimes qui se sont brûlés les mains en touchant dès sa sortie leur Age of Conan auraient quelques soucis à soutenir le contraire... Alors, à seulement un mois de la release, peut-on imaginer le succès critique et commercial de leur prochaine production ? Oui. Non. Peut-être. Qu'en penserait madame Irma, la diseuse de bonne aventure ? Et les Incas, ces oiseaux de mauvais augure ? Avec ou sans boule de cristal, une chose est sûre : en l 'état, les joueurs – décidément très sadomasochistes, qui s'essayeront le jour J à The Secret World pourraient être surpris par une combustion spontanée : les temps de chargement interzones longuets ; les bugs de réalisation à la tonne (dialogues inexistants, collisions en tout genre, crash des canaux de discussion, pointeur de souris à côté de la plaque...) ; la monopolisation des ressources système ; la carence d'aides dès que l'on aborde les points plus complexes du gameplay (artisanat, combo des compétences) ; la prise en main prise de tête durant les combats ; le parfum léger du PvP et la tourmente dès qu'il faut grouper avec des connaissances ; les temps d'attente lorsque plusieurs joueurs sont sur la même quête ; l'interface « smartphone » peu originale qui déchire les yeux en haute résolution ; du lag, du lag, du lag ; trop de zombies, marre des zombies !

Maintenant, soyons objectifs : le client fourni n'est sans doute pas le dernier en date – comme pourrait-il l'être si près de la sortie du jeu ? La plupart des défauts et faiblesses débusqués dans cette édition bêta de The Secret World ont peut-être déjà fait l'objet de corrections ? Espérons-le. Mine de rien, et malgré les étourderies, ce jeu possède des atouts susceptibles de combler une certaine tranche de la population. Pour l'heure, au lieu de continuer à juger une œuvre en cours, gardons à l'esprit le potentiel imposant de ce futur MMO. A vrai dire, et dans le pire des cas, nous ne pourrons être qu'agréablement surpris. Croisons les doigts, et bonne chance aux développeurs : il y a du pain sur la planche !