Batman Arkham City - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 04/11/2011 (Tags : arkham batman city test jeux rocksteady xbox
Les sans vies de la femme-chat
Catou & Batou, unis par les liens du Pass OnlineMiaouh, miaouh ! Ne faites pas les innocents ! Au fil de la promo de Batman Arkham City, vous n'aviez en tête qu'une bestiale envie : endosser le costume de cuir parfaitement ajusté de la pulpeuse Catwoman et aller gambader dans les ruelles obscures de Gotham à la recherche de partenaires avec lesquels laisser libre court à votre appétit d'exercices acrobatiques ! Avouez-le, mes coquins ! Bon. Oké. Il faut admettre que Warner a misé gros pour filer l'eau à la bouche : génie de la stratégie publicitaire, à grands renforts d'extraits de gameplay, d'artworks torrides et d'interviews alléchantes, l'éditeur a toujours axé sa com autour du couple mignon tout plein de Batou et Catou au pays des crapules ! Car en plus d'être jouable dans les défis de l'Homme-Mystère, la Belle s'est vu confier un rôle notable, par l'entremise de ses quatre missions charnières avoisinant les 10 ou 15% de l'aventure totale ! Et puis splatch ! fait contre le mur la si belle promesse en s'écrasant ! Sans que l'on s'en doute, le Pass Solo fit son entrée fulgurante : un code servant à débloquer la féline héroïne, seulement disponible gratuitement pour les acheteurs du jeu neuf. Autrement, une dizaine d'euros seront à débourser pour profiter de ce personnage charismatique – faisant partie d'un tout, puis enlevée au dernier moment pour grappiller quelques dollars supplémentaires... Pas bon du tout pour les accros de l'occase. Et s'il n'y avait qu'eux !
A en croire une étude dont nous cherchons encore l'existence officielle, 5% des joueurs qui auront acheté Batman Arkham City sous blister auront la désagréable surprise de ne pas y trouver le feuillet sur lequel devait être imprimé le fameux code. Comment ? Quoi ? Qu'est-ce ? Bah, voilà. C'est la faute à « pas d'chance » ! C'est la fête à « pas d'bol » ! Un seul geste à faire, amis laissés sur le bord de la route : Insert coin, play again ! Par voie de conséquence, et parce que cette aubaine de faire partie des heureux élus nous a frappé en pleine poire (bouhou hou), dans les lignes de l'article qui va suivre, vous aurez beau chercher un peu de sex appeal made in Catwoman, vous n'en trouverez pas un gramme. Nah ! Tournons donc la page d'une profonde déception. Concluons alors ce chapitre par un peu d'amertume. Un point final. Un point en moins. Hé-hé. Forcément.
Ceci fait, parlons jeu, parlons bien !
Vol au-dessus d'un nid de psychos...
Il y a deux ans, le studio Rocksteady avait revitalisé le marché des jeux d'action-aventure grâce à leur Batman - Arkham Asylum, soft confectionné par des passionnés qui, non content d'avoir su donner de l'allure à leur Chevalier Noir, ont fait honneur aux démiurges successifs qui ont façonné la légende de la célèbre Chauve-Souris. La suite des aventures du détective le plus high tech du monde ne pouvait qu'être attendue au tournant par les nombreux fans du premier épisode. Changement de décor – celui d'un open world carcéral façon New York 1997 ; casting colossal des plus emblématiques supers-vilains – tout droit sortis des méandres des Detective Comics ; ajout pantagruélique d'une flopée de mystères à résoudre – plus de 400 défis fomentés par Edward Nigma dit le Sphinx ; de nouveaux gadgets, de nouvelles attaques, des séances de vol plané et l'occasion d'incarner Robin, Catwoman ou Nightwing en DLC... Pas de doute : Batman Arkham City a bien l'intention de nous gaver l'estomac jusqu'à plus faim...
Reconstituons le tableau : à la suite des émeutes survenues à l'asile d'Arkham – théâtre du premier opus, faut-il le rappeler ? - son ancien directeur Quincy Sharp est devenu le nouveau maire de Gotham. Dans le sillage de cette élection totalement tirée par les cheveux, le bonhomme s'est en plus offert une partie des bas fonds de la ville pour en faire un gigantesque centre d'étude pour criminels de tous horizons. A la bonne heure ! De cette riche idée déjà en gestation depuis Arkham Asylum va naître le Protocole 10 – projet énigmatique supervisé par le docteur Hugo Strange. Heureusement, Batman veille au grain de folie - bien malgré lui puisque enfermé de force avec tout ce joli monde ! - et n'aura de cesse de tenter d'élucider les nombreux mystères d'Arkham City ! Hum, hum. Sans rien dévoiler de l'intrigue, et même si celle-ci est plutôt bien menée par de belles cinématiques in game, difficile d'admettre que le scénariste Paul Dini (grand manitou de DC Comics, entre autres méfaits) se soit déboulonné les neurones pour nous construire un récit aussi conventionnel et dénué de réelles surprises. L'auteur se rattrape toutefois au niveau des échanges verbaux entre protagonistes, toujours aussi épiques et caustiques par moment. La tonalité de fin très crépusculaire mérite également le détour, même si le dénouement de l'épisode risque de déplaire à un certain nombre. Mais dans le fond, ce n'est pas la trame qui happe. C'est bien son ambiance générale, parfaitement maîtrisée, qui laissera sans doute un souvenir indélébile à tous ceux qui ont plané au-dessus de la ville.
Choisir d'ouvrir l'aire de jeu aux dimensions d'un énorme quartier de Gotham est la directive la plus astucieuse de ce Arkham City. Dans ce contexte où la liberté de mouvement est quasi totale, Batman trouve là un cadre idéal pour épanouir l'ensemble de ses talents aériens - légèrement sous-exploités dans les décors bas du plafond de Arkham Asylum. Sa cape et son grappin (doté pour l'occasion d'une nouvelle fonction de boost, comparable en terme de sensation au grappin + parachute de Just Cause 2) tournent enfin à plein régime, permettant ainsi au héros nocturne de circuler d'un point à l'autre de la gigantesque carte sans toucher terre. C'est dire le soin apporté au level design, pensé intelligemment pour offrir une expérience grisante en matière d'exploration par les voies célestes. Les architectes de cette prison sous les étoiles ont fait un boulot artistique remarquable. En tout point. D'inspiration gothique, chaque secteur extérieur est représenté par un bâtiment emblématique, son enseigne lumineuse ou ses panneaux publicitaires. Les intérieurs et sous-sols sont également très travaillés, avec de nombreux détails, de belles mises en lumière et passages dérobés pour prendre à revers les adversaires. A l’instar du précédent épisode, mais à échelle deux fois plus vaste, les développeurs ont intégré de nombreux sites à dénicher au fil de l'exploration. Tomber – la plupart du temps par hasard – sur ces lieux évoquant le background de Gotham ou le passé de Bruce Wayne participe à faire de Arkham City une ode à l'univers tourmenté du Chevalier Noir. Les connaisseurs se délecteront de tous les clins d’œil glissés dans les moindres recoins de ce milieu hostile constellé de sombres ruelles, de malfrats à l'affût, de victimes à sauver et de mystères à résoudre.
A ce propos, la prolifération des énigmes de l'Homme-Mystère constitue un autre aspect gonflé à bloc par rapport à Arkham Asylum, vraiment pas avare sur ce type d’à-côtés dépendants de la trame principale. Bien courageux et doté d’une patience surhumaine sera l’apprenti chauve-souris qui atteindra d’ailleurs les 100% de réussite de ces mini-jeux, un brin redondants à maintes reprises, il faut le reconnaître. Basés sur le principe qu’un Zelda – ou plus récemment d’un Darksiders – l'accès et la résolution des challenges sont sujets aux items et aux compétences que vous débloquez au fur et à mesure de la partie. La plupart sont enfantins (repérer des items et les détruire). Certains mettent à l’épreuve la dextérité (actionner des interrupteurs en temps limité, suivant un ordre précis…), d’autres la maîtrise du vol plané et de la descente en piqué (plate-formes difficiles d’accès). D’interminables « aller-retour » sont à prévoir. Et une connaissance parfaite de son environnement pour ne pas perdre son compte. Les développeurs ont tout de même intégré deux aides pour éviter de chercher en vain la localisation de ces séances bonus : un système de marquage sur la carte du monde afin de signaler l’emplacement exact des énigmes ; la possibilité d'interroger les indics du Riddler, lesquels révèlent les endroits cachés d'un secteur. Enfin, Nigma intervient jusque dans une des quêtes secondaires à l’occasion d’une mission de longue haleine dont le but est de libérer des otages prisonniers de salles remplies de pièges. Probablement les passages du sieur haut en couleur (vert) les plus intéressants à suivre !
Vous l’aurez compris tout seul, sans soluce : dans le présent périple et les différents lieux de la cité carcérale, la place prise par Ed Nigma est tellement imposante qu'il n'est pas rare de se demander si ce second couteau ne serait pas en fait le Big Boss du soft tant son empreinte foule chaque mètre carré d'Arkham City. Cette présence omnisciente – presque indigeste pour qui n'aime ni les points d’interrogation, ni les chapeaux melons – a cependant de quoi tenir de nombreuses heures durant, perdurant ainsi la durée de vie déjà respectable (une quinzaine d'heures en ligne droite) du titre de Rocksteady.
Cette interminable chasse aux énigmes est secondée par quelques événements aléatoires et identiques (sauver des détenus politiques) et par une douzaine de quêtes annexes plus ou moins captivantes. De la plus ridiculement courte (aller papoter avec un pnj pour récupérer une amélioration) aux plus recherchées : la plupart étant des jeux de piste. Même si leurs présences respectives sont parcimonieuses, ces missions additionnelles ne nécessitant pas d’être complétées pour avancer ont surtout le mérite de mettre en scène de célèbres supers-vilains de la franchise de manière un peu moins expéditive que l’apparition de guests durant les chapitres de la trame principale. Les fans de tel ou tel protagoniste de marque seront peut-être déçus de certaines apparitions expéditives (pour ne pas dire anecdotiques). On ne peut cependant pas reprocher aux développeurs d’avoir voulu caser le plus de monde possible dans ce Batman là. Soucieux du détail et fin connaisseur de l’univers de DC Comics, Rocksteady a poussé le vice jusqu'à inclure des rendez-vous à jours fixes (suivant des dates marquantes de notre calendrier), avec un célèbre serial killer spécialiste d’histoires morbides. Et si vous n’arrivez pas à trouver le sommeil, le jeu vous réserve toujours ses Défis Combat et campagnes Enigma. Vous aurez d’ailleurs le privilège de confectionner vos propres scénarios, de choisir malus et bonus, et de mettre aux défis vos amis.
Le vol, l’envergure, les énigmes, la longévité, le New Game +. Voilà de quoi faire un sacré bœuf, mes agneaux ! Mais Batman Arkham City n’oublie pas d’améliorer le cœur de sa raison d’être : de l’action et de l’infiltration à revendre. Malgré le système freeflow toujours d’actualité (une pression sur le bouton suffit pour déclencher un déchaînement de violence), les combats aux corps à corps contre plusieurs adversaires versent autant dans le spectaculaire, sinon plus. Les développeurs ont décuplé les acquis déjà bien couillus d’Arkham Asylum, rajoutant de nouvelles attaques et combos dévastateurs, histoire de rendre les rixes moins soporifiques. Les combinaisons de boutons ont effectivement été revues à la hausse, tout comme les interactions avec les gadgets de Batman et le décor environnant (murs, rambardes). Dorénavant, le héros masqué peut enrayer à distance les flingues de ses ennemis grâce à un nouvel outil (le Brouilleur), désarmer ses assaillants de diverses façons, assommer un preneur d’otages avec son batarang, enchaîner une série de coups puissants les doigts dans le nez, réaliser plus de finish moves… Tous ces ajouts font que les affrontements apparaissent plus dynamiques et variés, parfois au détriment de la difficulté : les rivaux en prennent vraiment plein la gueule. Seuls les Boss, remis d’aplomb pour ce nouvel épisode, ont suffisamment de pêche pour causer quelques soucis à Batou. Des supers-vilains superbement mis en valeur dans des séquences aux enjeux tactiques bien équilibrée, et nécessitant une bonne maîtrise des compétences du Chevalier Noir. L’aspect infiltration est par ailleurs renforcé, notamment grâce aux nouvelles babioles embarquées par certains ennemis : un brouilleur de radar, rendant inutile le mode Détection de Batman. Le genre d’accessoires salutaires qui obligent à revoir ses méthodes d’approche pour ne pas se faire démonter en quelques secondes en cas de repérage.
Esthétiquement superbe, Batman Arkham City se farde en plus d’une ambiance sonore de haut vol : les magnifiques partitions musicales, les effets sonores, le cast vocal français – assuré par des pointures du métier (Adrien Antoine et Pierre Hatet, voix respective de Batman et Joker dans la série animée de la franchise ; Philippe Peythieu, le doubleur officiel de Danny DeVito). De nouveaux gadgets pour faire mumuse, une impression de liberté qui file le vertige, un système de combat plus abouti, des ennemis mieux équipés et plus vigilants, des boss hargneux et superbement mis en scène. C'est grand, c'est beau, c'est fun. Un peu fouillis dans son ensemble. Ne manquent qu'à l'appel un scénario digne d'intérêt, des phases d'enquête et de recherche d'indices réellement captivantes (dans la lignée d'un L.A. Noire, car en l'état, le système d'Arkham City est ultra dirigiste et rudimentaire) et une Catwoman sans code à activer. Ceci étant dit, le jeu reste complet, violent et bourré d’activités en tout genre. Une séquelle réussie qui aura marqué l'année 2011.