8.5/10Prince of Persia - L'âme du Guerrier - Test

/ Critique - écrit par Nicolas, le 20/12/2004
Notre verdict : 8.5/10 - Prince Of Persia : L'Ame du Guerrier (Fiche technique)

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Prince Of Persia est l'exemple même du jeu dont le concept a transcendé les âges et les technologies pour venir se ficher directement de notre présent. Et j'ose supposer que personne ne contestera longtemps la forte ascendance qui lie la série de jeu de Jordan Mechner avec le si tristement célèbre Tomb Raider. Une comparaison qui fait mal, certes, mais qui ne lie pas pour autant la qualité des deux sagas. Car le prince de perse, à une exception près, a toujours eu assez de sex appeal pour séduire les critiques et le public. Pourquoi ? Il faut, pour trouver une explication, remonter à la nuit des temps des jeux vidéos (enfin y a 15 ans, quoi)...

Un jour, mon prince viendra...

Prince Of Persia apparaît dans les rayons de revendeurs de jeux vidéo en 1989, après quatre ans de développement plus ou moins solo de la part de Jordan Mechner. Le bonhomme, déjà à l'origine d'un Karatéka (Apple II, 1986) encensé par la critique et largement plébiscité par le public, croit à juste titre tenir son hit, Prince Of Persia se démarquant plutôt fortement de tout ce qui avait été fait jusqu'à présent. A la base, pourtant, rien de plus qu'un jeu de plate-forme, des kilomètres de niveaux remplis de boutons poussoirs, trappes, sol qui flanche, épieux acérés, ennemis armés, et autres (précisez). Dans le pire des cas, un saut manqué provoquait la chute du héros sur quatre ou cinq étages, très souvent accueillis par un douillet petit sol de pics très affûtés.
Pourtant, Prince Of Persia sidère. Si son scénario provoquerait mainntenant une crise de rire à n'importe quel adepte de Metal Gear Solid, le jeu en avait un, au moins. Peu de jeux pouvaient le revendiquer, Prince Of Persia « scénarise » les péripéties du prince au travers de Cut Scenes présentant sa fiancée aux gros poumons attendre son sauveur. Oui, une princesse à sauver, avec un compte-rendu régulier de ses activités hautement intellectuelles consistant à regarder les derniers instants de sa vie s'écouler dans un sablier ignominieusement fabriqué par un méchant vizir. L'effet est là : On se foutait totalement du sort de la Princesse Champignon, on est presque pris d'affection par cette belle petite jeune femme vautrée sur ses luxueux oreillers. Il ne s'agit plus de finir le jeu, il faut sauver la princesse !
Pour ça, pas le choix : parcourir tous les niveaux du jeu en moins d'un heure. Au-delà, Game Over, et on recommence. Diantre. Même aujourd'hui, l'incorporation d'un temps limite provoquerait une vague de stress irrésistible et une flambée sur le marché des calmants. Surtout que le jeu n'avait vraiment rien de facile : il n'était pas rare de rater un saut vital d'un petit centimètre ou d'être pourfendu par un vilain sbire pendant une seconde d'inattention. Sans compter que le jeu assumait une totale absence de scrolling : le prince évoluait dans des décors fixes, passant d'un écran à l'autre, très souvent sans pouvoir véritablement estimer la proximité d'un piège ou d'un gouffre sans fond. Le schéma récurrent : le prince appuie sur un bouton, coure pendant quatre ou cinq écrans en sautant pardessus des pièges mortels, pour entamer un gigantesque bond et se rattraper in extremis sur une solide plate-forme, rien que pour franchir une de ces diablesses de portes à minuterie.
La vraie claque de Prince Of Persia résidait sans aucun doute dans l'animation phénoménale (pour l'époque) de son héros. Jordan Mechner, à partir de séries de captures des mouvements de son propre frère, transcende le personnage et le dote d'une palette de déplacements criants de vérité. Les détails qui tuent : le prince dérape quand il change brusquement de direction, ou peine à se relever après une chute un peu trop importante.
Prince Of Persia 2 : The Shadow Of Flame, sort en 1993 sous la bannière de Broderbund Software. Le jeu reprend les principales caractéristiques du jeu originel en rehaussant le niveau de qualité graphique et enrichissant du même coup ses caractéristiques scénaristiques. Nouveau succès.
Prince Of Persia 3D, passage obligé vers la nouvelle génération de jeu vidéo, met fin au parcours sans faille du Prince de Perse. Si le jeu répond d'une certaine qualité, le public n'est pas vraiment au rendez-vous, rebuté par une jouabilité plutôt contestable.
Prince Of Persia : Les Sables du Temps remet les pendules à l'heure. Le prince de perse n'a plus rien du petit athlète du jeu originel. Il coure sur les murs, enchaîne les saltos sans ébruiter le moindre petit essoufflement, massacre trois à quatre ennemis en duel aérien, et se jette à corps perdus dans de gigantesques décors remplis de plates-formes, poutres, crevasses, et pièges en tout genre. Sans sourciller, Sands Of Time révolutionne le jeu vidéo : Par une simple pression de bouton (néanmoins en nombre limité et sur un temps imparti), le prince peut « rembobiner » ses dernières actions dans un chouette ralenti arrière et éviter le piège mortel qu'il avait précédemment sous-estimé. Utile, bien fichu, génial.

Lames sensibles s'abstenir (première affiche).

2004. La communauté des fans de la série vocifère, comme tout bons fans qui se respectent, à l'approche du nouveau volet des aventures du prince de perse. Leur cheval de bataille : une prétendue perte d'identité. Le héros n'affiche en effet plus cette mine gaillarde de beau gosse prétentieux qu'il arborait fièrement dans Sands Of Time (je passe volontairement sur l'argument du « level design » jugé moins persan, qui ne tient vraiment pas la route pour qui a fini le jeu). En lieu et place, un corps sculpté de muscles saillants, quelques petites cicatrices par ci par là, et un charismatique regard de glace. L'âme du Guerrier fait effectivement un peu moins dans le scénario bon enfant, préférant évoluer dans la direction d'une mode barbare se généralisant dans le jeu vidéo : l'hémoglobine à outrance. Pourtant, l'encastrement avec Sands Of Time se montre net sans bavure : Le Dahaka, une invincible créature régulant l'utilisation des Sables du temps, poursuit sans relâche le prince avec des projets hautement meurtriers. Celui-ci ne voit qu'une seule solution pour échapper à l'hideuse créature tout en rendant service à l'humanité dans sa globalité : remonter le temps et empêcher l'impératrice de créer les sables du temps. Le scénario justifie les nombreux allers-retours passé - présent que devra réaliser le prince pour atteindre son objectif et vaincre son propre destin.
Dans le principe, peu de choses changent. Toujours de gigantesques casse-têtes acrobatiques entrecoupés de longs couloirs piégés de tous les côtés, et la fameuse possibilité de revenir en arrière grâce aux sables du temps, bien entendu. Pourtant, si la recette de base est inchangée, The Warrior Within corrige les erreurs du premier volet tout en perfectionnant ses qualités. Ainsi, le jeu n'alterne plus entre plates-formes et séquences de combat harassantes, mais intègres les deux au mieux dans son « gameplay ». Un saut millimétré, un petit combat des familles, un peu de funambulisme, fuite devant un nombre trop important d'ennemis, etc. Il est même possible de rencontrer des adversaires lors d'un wall run (courir sur les murs) ou en équilibre sur une poutre.
Pieds à terre, le combat est un panard absolu. Outre une panoplie de mouvements très étoffée, le prince peut maintenant ramasser l'arme de ses adversaires et se battre à deux épées en même temps. Non seulement les combinaisons de coups sont modifiées, mais il acquiert en outre la possibilité de réaliser quelques attaques rotatives dévastatrices en combat de mêlée. Bémol, le jeu n'est pas avare sur les ralentis en pleine action, principalement lors de décapitations sommaires d'adversaires dans de rougeoyantes gerbes de sang. Pas forcément de très très bon goût.
Mais le choc principal aura certainement pour origine le style musical complètement modifié pour la circonstance, lorgnant davantage du côté rock - métal plutôt que dans les ballades orientales habituelles. Le mélange n'est pas désagréable, loin de là, donne un peu de peps au combat, mais comme de coutume, il s'agit de goût et de couleur.

Danse orientale en deux temps.

La dague du temps, elle, disparaît purement et simplement. Le prince récupère maintenant le sable laissé par les ennemis au moyen d'une amulette fixée à son armure. Celui-ci, recueilli dans des containers en nombre limité, sert non seulement à rembobiner l'action sur quelques secondes (de quoi éviter une chute mortelle ou un coup d'épée meurtrier), mais autorise plusieurs nouvelles possibilités qu'il serait un tort de négliger. Certainement la plus utile parmi celles-ci, une éphémère pression sur le bouton de Rewind ralentit l'environnement pendant une durée limitée, incluant ennemis, pièges, portes coulissantes. En un mot, tout sauf le prince, vraiment utile pour franchir des colonnes de piques ou se débarrasser rapidement de gros monstres. Beaucoup moins justifiable, le prince peut également concentrer son sable pour produire une onde de choc à 360 degrés autour de lui, pour les combats multiples un peu difficile (assez inutile dans le sens où la charge nécessite un certain laps de temps et de surcroît consomme pas mal de containers de sable). Enfin, pour les combats de racailles qui s'éternisent, le prince peut se transformer en berserker fou et tataner frénétiquement tout ce qui lui passe à portée de main. Moyennement judicieux, puisque relativement inefficace contre les boss, et ne permet pas en outre de récupérer du sable sur les cadavres de sbires. Tous ces pouvoirs s'acquièrent au fur et à mesure du jeu, par le biais de portails temporels (dont la fonction première est évidemment de changer d'époque).

Lames Fatales (seconde affiche)

A plusieurs reprises, entre deux séquences plates-formes plus ou moins faciles, le Dahaka viendra vous refaire un petit coucou pour vous montrer qu'il ne vous a pas oublié. Pour échapper à l'invincible créature, une seule solution : courir, courir, courir, et si possible en évitant les pièges et les gouffres laissés « comme par hasard » sur votre chemin. Ces séquences nécessitent une certaine maîtrise du prince, puisque prendre du retard sur tel ou tel obstacle permet au Dahaka de se rapprocher du prince et, à terme, de le rattraper et le faire disparaître.
A part ça, c'est du Prince Of Persia. Généralement, le héros pénètre dans une nouvelle pièce, la caméra lui montre un petit peu les alentours pour qu'il se forge une idée de la direction à prendre, et il se met à escalader les murs pour rejoindre la sortie et passer au couloir suivant. Ces phases acrobatiques constituent des modèles de précision complètement déments, indéniablement bien réalisés, nécessitant souvent un peu d'imagination et une grosse pincée de dextérité pour en voir le bout. Le bémol, peut-être le principal carburant du surplus de difficulté vis-à-vis du premier volet, réside dans un placement/déplacement de caméra souvent immonde et pratiquement jamais à sa place. Jouer avec la souris pour replacer l'angle de vue est alors une option judicieuse, tout comme la touche de changement d'angle (rapproché ou éloigné) qui permet de se faire une idée plus concrète des alentours.
Et malgré les voyages spatio-temporels du prince, le jeu reste désespérément linéaire et même parfois honteusement basé sur de décourageants allers-retours. Une salle visitée dans le présent sera immanquablement revisitée dans le passé, certes sous des configurations très différentes (le passé présente un palais presque flambant neuf, le présent un amas de ruines usées par le temps), et pourra faire l'objet d'un nouveau passage du prince si celui-ci en voit l'intérêt. Une carte indique le nouvel objectif par une croix, utile pour savoir si l'on s'éloigne du but plutôt que de s'en rapprocher, inutile si l'on espère pouvoir se guider avec (une espèce de vue aérienne dessinée avec une croix).
En termes de rencontres sociales, rien de bien transcendant. Votre plus proche ennemie se nommera Shadhee, porte une combinaison de cuir noir à moitié inexistante, et se bat fièrement à deux épées. Le prince l'oubliera bien vite après avoir rencontré Kaileena, une accorte jeune servante dotée d'une poitrine venant carrément d'une autre dimension. Il y a bien aussi le SandWraith, cette créature pas vraiment séduisante accompagnée de la ferme intention de ne pas vous aider dans votre parcours, mais sinon, on nage dans le belliqueux de base. Pas moins de treize formes d'ennemis viendront vous gêner dans votre périple, du garde de base au géant à la tête fragile en passant par les corbeaux et les assassines acrobates.

Du sable dans ma machine.

Entre les Sables du Temps et l'Ame du Guerrier, la config passe presque du simple au double. Rien de bien méchant au regard des configurations minimums demandés par les best-sellers de cette année, mais il faudra compter au moins avec un bon 1,5 GHZ épaulé par 512 de RAM et une carte vidéo compétente (64 Mo devrait suffire). De quoi tout régler sur « moyen », en 800X600 32 bits, avec quelques petites bribes de ralentissements lorsque les particules de sable ou de brouillard se font plus nombreuses. Jamais de quoi rater un saut millimétré, à l'inverse de cette petite fouine de caméra.
En outre, un certain de nombre de coffres est éparpillé à travers tout le jeu, libérant de menus bonus comme des portraits de personnages, des artworks, ou des paysages crayonnés. Chaque vidéo sera placée dans un menu spécifique, pour être vue et revue, aux côtés des teasers du jeu et du clip de Godsmack (musique titre du soft). A l'égal, chaque nouvelle arme utilisée rajoutera son artwork dans le menu correspondant.
Enfin, il m'est nécessaire d'avouer que, après le doublage audio médiocre de Half-Life², celui de Prince Of Persia : L'âme du Guerrier m'a plutôt étonné dans le bon sens, bien que la voix du prince ressemble davantage à un gros bill américain qu'à un fils de bonne famille (et si j'ai bien compris le générique de fin, Monica Belluci prête sa voie à Kaileena VO, Aure Atika en VF).

Conclusion

Certains crieront peut-être devant une évolution plus ou moins contestable, mais avant d'être fan, il s'agit d'être joueur. Et si l'on appartient à cette dernière catégorie, nul doute que L'âme du guerrier saura vous apporter plaisir de jeu et dépaysement, au milieu de gros solos de guitare et de tambourinantes batteries. Le jeu se montre un poil plus long que Les Sables du Temps, peut-être une simple impression face au surplus de difficulté qu'entretient une caméra un peu brouillonne.