Gray Matter - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 13/12/2010 (Tags : matter gray aventure personnages xbox jeux test
Jeu d'aventure très attendu, Gray Matter débarque sur Xbox. Le pedigree de l'auteure Jane Jensen suffira-t-il à faire du soft une référence du genre ?
Mi-juin 2008, le rafraîchissant point’n click So Blonde célébrait l’association d’un éditeur d’envergure, d’un tout jeune studio de développement et d’une célèbre plume humoristique : Dtp Entertainment, Wizarbox (de l'Hexagone) et Steve Ince (le papa des Broken Swords), pour ne pas oublier de les citer. Le résultat n’avait pas réussi à totalement convaincre le dingo du genre, mais laissait entrevoir une bien belle lueur d’espoir quant au potentiel créatif de ce type de collaboration artistique. Pour cette fin d’année, Dtp et Wizarbox (d'outre-Rhin) retentent l’initiative en prenant appui sur une autre figure connue du monde vidéo-ludique : Jane Jensen, grand manitou de l’ésotérisme et auteure des sacro-saints Gabriel Knight.
Premier
constat sans équivoque : l’élégance insufflée par la direction artistique
de Gray Matter est un ravissement
pour l’âme, ses oreilles et ses yeux. Les notes mélancoliques de la bande-son
originale, le doublage voix anglais de qualité (sous-titré français), le character design d’inspiration gothique,
les décors victoriens assortis aux technologies modernes, les superbes et
nombreuses cinématiques en 2D animée… Excepté les portraits 3D déformés qui
font tâche pendant les conversations, le crénelage typiquement Xbox des silhouettes ou les mouvements robotiques des protagonistes,
l’ensemble ne fait pratiquement aucune faute de goût, reste cohérent, droit et puissant
dans ses basques. Les ambiances imprégnées de mystère sont au service d’une
trame passionnante via laquelle la personnalité malicieuse d’une magicienne en
herbe (Samantha Everett) s’oppose au caractère froid et rationnel d’un neurobiologiste
meurtri (Dr. David Styles). Des esprits opposés mais animés par une quête
commune : lever le voile sur des phénomènes en apparence paranormaux qui
frappent la ville d’Oxford. Et c’est au cœur d’un scénario construit à la
manière d’un polar fantastique, dans la lignée d'un The Black Mirror, que le joueur devra, tour à tour et un chapitre
non l’autre, guider tantôt l’experte en manipulation, tantôt l’accro de
sensations douces. Deux caractères bien trempés, également transcrits par deux gameplay
différents.
Ainsi,
le commis de la prestidigitatrice Samantha embarque dans son inventaire un
livret de magie pour mystifier tels interlocuteurs, subtiliser ou échanger tels
items. Parmi une douzaine de tours de passe-passe illustrés, il suffit de trouver
celui convenant le mieux à la situation et d’avoir dans son inventaire les accessoires
adéquats - au préalable acquis dans un magasin spécialisé. S’ouvre alors une
nouvelle interface d’entraînement où chaque étape de la supercherie devra être exécutée
(manipuler ou cacher un objet, distraire la cible…), avant de pouvoir être
validée. En pratique, la recréation de ces tours à la difficulté enfantine –
puisqu’il ne s’agit que de suivre à la lettre les directives pédagogiques d’un bouquin
à tout moment consultable, apporte du sang neuf au genre et une manière assez
originale de résoudre certaines énigmes. Du côté du Dr. David Styles, par
contre, les embûches rencontrées trouvent leur solution respective aux travers de
séances techniquement plus ordinaires, telle que trouver le pixel magique et
interactif au milieu d’un décor. Ceci dit, les phases de prospection gardent une
spécificité propre au personnage replié sur lui-même, faisant de la résolution
de ces puzzles sensoriels qui le motive - impossible d’en dire plus sans gâcher
les surprises - un cheminement intéressant à suivre, même si répétitif.
Outre
ces deux approches largement abordables par les joueurs occasionnels, les brainstormers
ont ajouté des quêtes secondaires pas toujours évidentes à débusquer et une
série plus ardue de chasses à l’info au sujet d’une organisation secrète, le Deadelus
Club. Cette dernière exploite avec intelligence le background de la ville d’Oxford
(contexte que de nombreux artistes ont traversé), et embarque Samantha dans un
périple encore plus envoûtant et référentiel dans lequel les neurones seront
mis à rude épreuve, jusqu’au magnifique dernier chapitre et ses excellentes énigmes.
En fonction de votre pratique du genre et de l’utilisation des aides proposées
par le soft (indices en cas de blocage, révélateur et roue de navigation contextuelle entre les
zones interactives, journal de bord incluant tous les dialogues découverts…), pour
en voir le bout, entre dix et quinze heures devraient suffire. Une durée de vie tout à fait honorable,
qui paraîtra courte à tous ceux qui ont été happés par l’histoire, tant une
fois lancé dans ce Gray Matter, le
temps se fait dévorer.