7/10Sherlock Holmes : Crimes and Punishments - Test

/ Critique - écrit par Islara, le 17/10/2014
Notre verdict : 7/10 - Une nouvelle ère mais un jeu un peu trop facile (Fiche technique)

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C'est clair, Sherlock Holmes vient d'entrer dans une nouvelle ère avec Crimes & Punishments, mais l'équilibre du jeu et sa difficulté restent à parfaire. Bref, on en veut un autre.

Olga Ryzhko, du studio Frogwares, nous disait en janvier dernier que Crimes & Punishments était "a huge challenge" (un énorme défi). Pour notre part, je dirais plutôt qu'on entre dans une nouvelle ère, en particulier sur les techniques de jeu. Tout y a été repensé en détails, jusqu'au titre même de l'épisode. Saviez-vous ainsi que Crime & Châtiment (au singulier vous noterez) est un roman de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski ? Si ce n'est pas le cas, le jeu vous l'apprendra car Sherlock le lit assidûment dans le jeu. Très beau clin d'oeil.

Au-delà de ce détail sympathique, ce complet renouveau en vaut-il la chandelle ? Oui, mais en partie seulement. 

Sherlock Holmes : Crimes and Punishments - Test
Faire un portrait détaillé.

L'équipe de Frogwares a tout fait pour donner de nombreux outils aux joueurs afin de donner vie à l'enquête et mettre un terme à l'éternelle rengaine des jeux d'enquêtes, à savoir pointer/cliquer/interroger. Avec cet opus, les innovations pullulent. Ainsi primo, vous pouvez scruter un personnage pour étudier ses particularités physiques et vestimentaires et les utiliser pour la suite, soit dans les dialogues, soit dans les recherches. C'est ce qu'on appelle le "portrait complet". Il y a toujours un nombre précis de détails à découvrir. Ce n'est pas bien compliqué, mais c'est sympathique et cela apporte de la variété, tout en donnant le sentiment d'être l'enquêteur. La façon de procéder avec un zoom et une sorte d'arrêt dans le temps est très agréable sur la forme, car on y savoure notamment l'immense esthétisme graphique du jeu.

Deuxième option spéciale d'enquête très bien imaginée : l'association des indices collectés, laquelle se fait via une zone remplie de neurones qui se connectent les uns aux autres, et représentant le cerveau de Sherlock et toutes les pensées qui s'y promènent. C'est la "cartographie mentale" (mind mapping). C'est probablement l'option la plus attractive et intéressante car on y passe du temps et les choix que l'on doit y effectuer sont loin d'être si évidents. Et plus les enquêtes avancent, plus la zone est très remplie et il faut de la méthode pour s'y retrouver. Pour chaque indice, deux significations seront proposées et il faudra choisir la bonne, sinon on finit avec une contradiction. Une phase préalable invite à relier les découvertes pour les transformer en véritables indices. Cette phase-là est assez aisée, car le jeu indique par un trait rouge ce qui ne va pas ensemble quand on fait un essai. D'un point de vue formel, les couleurs sombres, le bleu acier, les sonorités accentuent le sentiment de réflexion et le portent d'assez belle manière. Enfin, quant à son usage et à sa place dont on s'interrogeait sur l'étendue en janvier dernier, on s'aperçoit qu'on y revient sans arrêt, soit parce qu'une icône nous indique qu'un élément vient d'y être ajouté, soit parce que, soudain, l'on pense soi-même à quelque chose. Ainsi, la cartographie mentale devient presque l'essence du jeu : c'est le seul moment de vraie réflexion - à l'exception des mini-jeux qui restent cependant anecdotiques et faciles - et aussi d'intensité car c'est dans cette "zone" qu'on conclue chaque affaire et qu'on prend le risque du choix. Autant vous dire que le choix final, s'il n'est pas trop difficile, demande quand même une prise de risque. Les indices n'expliquent pas tout et certaines zones d'ombre ne peuvent que faire l'objet de nos spéculations et ne sont parfois même pas expliquées.


Cartographie mentale : une des phases les plus intéressantes.

 

Troisième option, qui ajoute elle aussi vie à l'enquête : les possibilités d'observations spéciales. En appuyant sur T, l'univers sera vu en gris et on pourra y apercevoir des traces, objets ou autres éléments qu'on ne verrait pas en vue habituelle. Sur le papier sympathique, cette option perd en pratique tout son intérêt : d'une part parce que le jeu nous indique quand on est dans une zone où il est utile de l'activer, d'autre part, parce qu'on a parfois du mal à placer le curseur sur l'élément concerné à cause d'un mauvais réglage de la caméra. Bref, la vue spéciale, c'est du gadget. Idem avec une autre vue cette fois en appuyant sur F : cela vous permet d'imaginer une scène qui a eu lieu ou aurait pu avoir lieu dans l'endroit où on est ; le jeu vous dit quand l'activer et en plus on l'utilise très peu.

Une autre nouveauté est bien plus intéressante : il s'agit de la multiplicité des affaires. Ça  a l'air bête, mais c'est vraiment très chouette par la variété que cela introduit et par le rythme que cela donne au jeu. On conclut une affaire en environ 3H, ce qui est court certes, mais on enchaîne aussitôt avec une autre. Et puis, six affaires, ce n'est pas si mal du tout. On a le temps d'y voir un paquet de personnages, d'évènements, de petits coups de théâtre et d'excentricités. Ce n'est pas sans nous rappeler la façon de procéder des Phoenix Wright qui, de la même façon, ont toujours plusieurs cas. Très bon point.

Mais la meilleure des innovations (avec la cartographie mentale) ce sont les fins multiples et les choix moraux. Ah que c'est prenant de se demander ce qu'il se serait passé si on avait fait un choix différent ! Et le jeu n'est pas avare : c'est entre 4 et 6 fins différentes que l'on a à chaque fois avec les longues cinématiques qui vont avec ! Le jeu est en plus conçu de manière excellente sur ce point : on peut immédiatement essayer les autres choix, savoir avec espace si on s'est trompé ou non (le choix devient alors vert s'il était juste) ou refaire les fins plus tard selon son envie. Personnellement, pour la fluidité des aventures, j'ai préféré tout finir avant de tenter les autres choix, mais tous les goûts sont dans la nature et c'est bien que Frogwares offre la liberté à chacun-e. On rappelle, cerise sur le gâteau, que le choix du coupable et le choix moral ont une incidence sur les autres aventures, même si elle n'est pas très simple à déterminer. Heureusement (ou pas), le jeu permet de changer d'avis sur son choix, tout en prévenant que l'on peut se gâcher l'aventure en vérifiant si le choix était mauvais. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai dit "ou pas" : se tromper fait partie du jeu, autant faire avec afinq ue notre partie soit unique. Il y a aussi des petites statistiques, façon Walking Dead, indiquant quel pourcentage de gens ont abouti à la même conclusion et fait le même choix moral que nous. Ca devient une mode, tout en étant logique dans un jeu aux scénarios alternatifs. Bref, un grand bravo pour la conception de cette partie de Crimes & Punishments.


Menu fluide et pratique.

 

On saluera aussi la simplicité et le côté pratique des commandes mêmes si elles sont assez nombreuses : en plus des classiques Z, Q, S, D pour se déplacer, TAB donne accès au menu, B à la cartographie, T à la vue grise, F à la vue imaginaire, A au contre - limité dans le temps - pendant les dialogues, R à l'idéale vue subjective (je n'ai joué que comme ça d'ailleurs, c'est bien plus immersif), et CAPS au mode course. La navigation dans le menu est tout aussi fluide avec au passage un esthétisme dans la présentation : un onglet sur les tâches à accomplir / achevées, un autre pour la carte qui permet de se déplacer rapidement, un pour les preuves avec un résumé, un autre pour les documents écrits que l'on peut relire en entier, un pour l'idéal historique des dialogues depuis le début, et trois derniers à part pour les souvenirs, trophées et portraits des personnages, le tout sur une seule ligne. 

Après tous ces éloges, même si nuancés dans certains cas, on ne peut que regretter l'immense dirigisme du jeu. Il dit tout, et tout le temps : les tâches à accomplir, quand elles sont achevées, quand on doit utiliser la vue spéciale, quand on se trompe d'association, quand un indice a été ajouté dans la cartographie. Non seulement le manque d'initiative et donc le plaisir de la découverte par soi-même pèse sur le joueur, mais, de plus, Crimes & Punishments devient trop facile. Certes la cartographie et le choix final ajoutent un peu de difficulté, mais c'est terriblement insuffisant pour un jeu d'enquête/réflexion. L'équipe de Frogwares a probablement voulu donner une meilleure accessibilité au genre, éviter que l'on ne soit bloqué, privilégier l'immersion sur l'aspect réflexion. Je trouve, en tant que mordue de réflexion, qu'ils sont allés un peu trop loin. Le jeu devient trop facile, la réflexion quasiment absente ; on se croirait presque dans un basique visual novel sans vraie phase de jeu intense pour le joueur.

Bref, Crimes & Punishments nous fait entrer dans une nouvelle ère absolument alléchante mais il va falloir revoir certains points pour passer au niveau supérieur.

Sherlock Holmes : Crimes and Punishments - Test
Un peu d'action dans certains mini-jeux.

Crédits

- 45 mini-jeux : la plupart sont de réflexion, quelques uns d'action, comme tirer au pistolet. La difficulté est peu élevée mais les instructions corsent parfois les choses par manque de clarté. Ces mini-jeux peuvent être passés afin de ne pas bloquer le joueur. Encore une facilité de trop peut-être...

- Les histoires : elles sont très variées, et sur des questions et thèmes bien différents. Si elles manquent d'intensité au départ, cela s'améliore par la suite.

- Il n'est pas nécessaire de trouver toutes les preuves pour choisir un coupable. Cependant, ne pas le faire revient à passer à côté d'une partie du jeu. Si l'on fait toute l'aventure, la durée de vie est donc tout à fait respectable, autour de 20H. Ajoutez deux ou trois heures pour refaire les fins.