Baldur's Gate II - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 06/06/2006 (Tags : baldur gate enhanced edition personnages jeux code
Revenons l'espace d'une chronique sur la formidable séquelle qu'est Shadows of Amn et sur Throne of Bhaal, son extension volcanique...
Respectant à la lettre les règles d'Advanced Dungeons & Dragons (AD&D), jeu de rôles sur table distribué par TSR, Baldur's Gate : Forgotten Realms (BGI, pour les fanas d'abréviations) et son add-on Tales Of The Sword Coast nous avait embarqué dans un interminable périple (près de 150h de grande liberté de mouvements, de combats contre les malveillants et de quêtes un brin manichéennes) au terme duquel dominait l'envie d'une retraite anticipée, voire mieux : la soif de prendre le large vers un ailleurs pépère. Mais un aventurier tel que vous, descendant qui plus est d'une lignée au fort potentiel criminogène, un demi-dieu de votre envergure, je disais donc, ne peut passer inaperçu bien longtemps dans le monde corrompu des hommes où convoitise et combine sont une philosophie de vie. Il ne fallut donc pas longtemps aux démiurges de la célèbre Ile Noire pour se décider à remettre le couvert. Revenons l'espace d'une chronique sur la formidable séquelle qu'est Shadows of Amn et sur Throne of Bhaal, son extension volcanique.
Sorti victorieux du combat contre le Mal cruel et méchant qui rongea alors La Côte des Epées, vous pensiez avoir fait le nécessaire pour enfin passer tout votre temps à la Taverne du Cochon Fumant... C'était sans compter sur des hommes de l'ombre qui, en connaissance de vos exploits, décidèrent d'étudier d'un peu plus près le sang particulier qui coule dans vos veines. Ainsi, après une lourde soirée de beuverie entre amis, la petite voleuse Imoen, la moraliste Jaheira, ce bon vieux Minsk, son petit compagnon Bouh (hamster venu des profondeurs insondables de l'espace, faut-il le rappeler), et votre illustre seigneurie Vous-même se retrouvèrent enfermés dans les geôles d'un sordide endroit, prêts à passer sous le scalpel magique d'un sinistre tortionnaire, nouveau big boss impitoyable et légèrement névrosé. Coïncidence heureuse ou fatalité malicieuse, l'incursion inespérée de voleurs peu habiles vous donna alors l'occasion de sortir de ce traquenard. Mais une fois à la surface d'une immense cité régie par un cartel de puissants Ensorceleurs, ceux-ci jugèrent bon de mettre sous les verrous l'un des vôtres pour "usage prohibé de magie". Quelle ironie du sort ! Maintenant, vous voilà partis en quête de piécettes pour payer la caution de votre compère. Bah ! Les questions sur l'origine de votre enlèvement et le comment de votre arrivée en ces terres étrangères devront patienter encore un peu... si toutefois vous survivez aux dangers qui guettent vos moindres pas.
A l'instar de son prédécesseur, le scénario de Shadows of Amn s'articule autour de plusieurs chapitres, les trois premiers étant très linéaires. Mais passer dix heures de jeu sur les quatre vingt que nécessite l'aventure, la quête principale donne l'occasion de faire des choix (jusque dans vos rêves les plus tourmentés) qui détermineront les rencontres de votre périple : emprunter un portail de téléportation ou prendre d'assaut un navire afin de quitter une contrée isolée ; faire du rendre dedans ou favoriser les alliances pour survivre dans un monde hostile ; et le dilemme récurrent de la saga, à savoir préférer la facilité du côté obscur de la force au son pendant lumineux et tortueux ? Les nombreuses quêtes annexes, quant à elles, allongent considérablement la durée de vie. Entre 200 et 300 heures de jeu sont d'ailleurs nécessaires pour tout résoudre et explorer. Et ne nous y trompons pas : ces bonus dits « secondaires » ne se résument pas à du cassage de monstres ou à la cueillette d'objets précieux. Certaines aventures (plus ou moins) distinctes de la trame principale (sacré Yoshimo !) viennent enrichir le background des Royaumes Oubliés tout en réintroduisant pour le plus grand plaisir des habitués de vieilles légendes et retrouvailles d'antan. D'autre part, les instigateurs de ce monde ont eu la bonne idée de reprendre et d'améliorer le système des sous-quêtes liées à nos compagnons. Riches et complexes, certaines d'entre elles nous amènent à devenir les heureux propriétaires de jolis domaines... avec moult revenus périodiques à la clé. Et pour terminer sur les alternatives et nos compagnons, justement : en dehors des célébrités de BGI - importables dans ce nouvel opus pour peu qu'une vieille sauvegarde ait été mise de côté, seize nouveaux aventuriers peuvent rejoindre notre groupe de six personnes (grand max). Grouillant de vie, ces protagonistes cherchent à séduire et à titiller les autres membres, interviennent fréquemment lors de l'aventure pour donner des conseils ou souligner un potentiel danger. Des seconds rôles très bavards à qui les cinq scénaristes mobilisés ont consacré à chacun une vingtaine de pages de script, comprenant intrigues personnalisées et plus de cent lignes de textes. Dantesque !
Enfin, si les décors isométriques du premier opus étaient tous dissemblables et forçaient ainsi l'envie de partir à la découverte, ils tombaient trop facilement dans la convention fantastico-médiévale et ne parvenaient plus à surprendre. Cette fois-ci, les environnements traversés atteignent des sommets de finesse et d'originalité, allant même par moment jusqu'à rendre l'étonnante Sigil de Planescape Torment - une référence en matière de dépaysement, un peu brouillonne. Dès le début de Shadows of Amn, le ton est donné : le premier donjon visité mélange l'ambiance sinistre d'une salle de tortures des plus primaires à celle de machines techno industrielles produisant à la chaîne... hum... des clones ! Du BG à la sauce steampunk, ne serait-ce pas là une petite révolution ? La suite des évènements n'est évidemment pas en reste. Alors qu'il fallait attendre les derniers chapitres de BGI pour enfin profiter de la Porte de Baldur, après seulement une petite heure de pérégrinations dans d'un sinistre donjon, c'est au grand jour de la magnifique cité d'Athkatla que l'on débouche : Démesure, méticulosité, variété, immensité. Le travail graphique réalisé sur les différentes architectures n'est pas que soigné, il est prodigieux et chargé d'émotions. Certains tableaux sont réellement à tomber par terre tant ils sont inventifs et foisonnants. A croire qu'une petite fée from other space s'est penchée sur l'inspiration des concepteurs tout au long de leur entreprise. En dehors d'Athkatla, merveille des merveilles, les autres localités sont toutes aussi magiques, de la cité souterraine des Drows (Elfes Noirs) aux décors surréalistes de vos songes, sans oublier de petites surprenantes incursions au-delà des Royaumes Oubliés... Et histoire de bien profiter de tous ces paysages durant les séquences d'exploration pacifique, l'interface encadrant la fenêtre principale (onglets de l'inventaire, de la magie, du journal de bord... et les portraits de vos personnages) peut apparaître / disparaître à tout moment d'une seule pression de touche du clavier.
Peu d'extensions laissent derrière elle une trace indélébile. Rares sont les add-on de JdR qui ne se contentent pas de rajouter un donjon par-ci, quelques sorts supplémentaires par-là, deux ou trois quêtes annexes additionnels et de nouveaux héros surpuissants à contrôler. Throne of Bhaal appartient à cette catégorie d'annexes qui ne lésinent pas sur les moyens pour clôturer une sage de la plus belle des façons. Si la Tour de Garde est un vaste donjon ajouté à Shadow of Amn et uniquement visitable par des Gros Bill de niveau 20 (minimum), le dernier chapitre de Baldur's Gate se déroule sur une nouvelle carte d'une dizaine de lieux à visiter. Ce scénario, véritable jeu à lui tout seul tant sa durée de vie est immense pour une « extension » (quarante heures d'aventure pour en voir la fin), reprend le flambeau là où SoA s'était arrêté, de manière presque incomplète. Avec ToB, le soft plonge littéralement dans les entrailles de la franchise et la mal(ou bien)heureuse filiation de votre personnage avec Bhaal - le seigneur du Meurtre, est sur le point de trouver enfin sa résolution finale. Car qui dit trône, dit roi... et par conséquent, un jeune et vaillant successeur au vieux Sanguinaire. Petit hic (oui, tout petit), votre papounet aurait dispersé sa semence plus vite qu'une tornade. La place qui devait donc vous revenir est en fait convoitée par une portée de frérots et de soeurettes (avec le retour en force d'une guest star... contrôlable !). Autant vous dire qu'au milieu de la soif de pouvoirs de tout un chacun, l'accession au Trône sera ardue, pour ne pas dire utopique. Vous l'aurez compris, essentiellement destinée aux fans de la saga, l'action fulgurante de ToB prend le pas sur les quelques subtilités de ses aïeuls. Tous dotés d'un design et d'attributs excellents, les confrontations avec les rejetons de Bhaal hissent l'aventure sur le mont Epique. Les cent nouveaux items, les quarante sorts inédits et dévastateurs (pour des semi-dieux, c'est tout à fait logique) et l'occasion de gonfler les compétences de vos personnages jusqu'au quarantième niveau font de ce dernier épisode un sas idéal pour parfaire la formation de votre groupe de compagnons (importable depuis SoA) lors de combats encore plus titanesques (ah ! la prise d'assaut d'une cité par les catapultes d'un de vos maudits frangins... quel grand moment d'oppression). Brut de décoffrage, un régal !
Tout en reprenant les bonnes recettes qui ont fait la popularité de Forgotten Realms, Shadows of Amn puis Throne of Bhaal ont fait subir à la série un lifting des plus appréciables : des effets spéciaux en 3D boostés par le moteur graphique Infinity Engine de BioWare ; des décors encore plus grandioses, hétéroclites et exotiques... finalement assez loin des univers un peu barbants à la Tolkien ; l'intégration salutaire du Fast Travel permettant de voyager rapidement entre les lieux principaux de l'empire d'Amn ; un background plus élaboré, riche de mille histoires et surprises ; une épopée interminable (dans le bon sens du terme), aux multiples rebondissements et au parcours improbable ; un gameplay toujours aussi simple mais diablement efficace grâce à ses fulgurants combats semi-temps réel et ses onglets pratiques pour accéder rapidement aux fiches et inventaires de vos héros ; aaah, et les compositions musicales de Jeremy Soule... Bref ! Plus de fureur, plus de magie, plus de sensation, de découverte et de poésie, la liste des superlatifs pourrait être encore longue mais l'on dépasserait sans doute le cadre de ma subjectivité pour atteindre celui de l'amour aveugle et transi. Or, Baldur's Gate II n'est qu'un JdR micro bourré de qualités (et deux ou trois minuscules défauts... comme l'impossibilité de faire courir ses personnages) pour qui aime ce style de divertissement. Mais avouez, ami(e)s Baldurien(ne)s que ce jeu vaut bien que l'on dresse les chandelles sur la table, non ?