Dragon Age : Origins - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 21/11/2009 (Tags : dragon age origins test bioware jeux xbox
Même si Dragon Age : Origins ne peut rivaliser avec l'excellence de Shadows of Amn, la filiation avec le ténor est une évidence, ne serait-ce que dans l'esprit...
Avant-propos sur l'Edition Digitale de Luxe
Disponible uniquement en
téléchargement direct depuis le 6 novembre 2009 sur la Toile, cette version
exclusive de Dragon Age : Origins
devait faire l'objet de la présente chronique. C'est même avec une certaine
excitation que nous avions l'intention d'aborder aussi bien le jeu originel que
les bonus plus ou moins intéressants composant cette édition digitale.
Évidemment, nous étions bien loin de nous douter que l'activation de ces bonus
serait un casse-tête, ici insoluble, pour le commun des consommateurs. En
effet, malgré nos nombreuses et infructueuses tentatives, pour des raisons
obscures de connexion bancale à la plate-forme de mise à jour, il nous a été
impossible de faire fonctionner les codes indispensables au déblocage de chaque
contenu, à savoir : différents artefacts surpuissants – dont une armure fashion
et un bouquin pour truquer ses compétences ; un compagnon additionnel brut de
décoffrage à l'histoire personnelle alléchante (sur le papier, du moins)
; ou l'ancienne forteresse des Gardiens des Ombres... Plein de trucs
plutôt dispensables, en l'occurrence, vendus, qui plus est la peau des fesses
aux retardataires qui auraient eu la présence d'esprit de ne pas se jeter
sur cette « offre avantageuse ». Il n'empêche que pour tous ceux qui,
après avoir vidé leur bourse pour ce package (cinq à dix euros plus cher que la
version de base), se sont retrouvés avec du contenu fantôme, difficile de ne
pas alerter les futurs acquéreurs des possibles ratés du système d'activation
compliqué et foireux mis en place par le développeur Bioware et leur éditeurs
EA. Et en ces temps de disette, voilà bien un Luxe dont on peut aisément se
passer... Pour cette raison, nous n'aborderons ci-dessous que le jeu dans son
plus simple appareil : sans feuille de vigne, ni réserve, ni détour inutile.
Dragon Age : Origins aux portes de Baldur
Si vous suivez l'actualité du jeu vidéo d'assez près, vous savez déjà qu'avant même sa sortie officielle, Dragon Age : Origins était présenté comme le digne successeur de la saga des Baldur's Gate, jeu de rôle sur pc développé par feu Black Isle, référence vidéoludique apparemment ultime pour tous les nostalgiques. En fin de compte, si Baldur's Gate premier et second du nom restent effectivement des JdR mémorables, d'autres (plus aboutis, mâtures et complexes) dépassent ces deux volets en de nombreux points. Sauf un, et pas des moindres : la célébrité. Il était donc tout à fait compréhensible que Bioware et consorts axent la promotion de leur dernier né autour de ce supposé héritage de prestige. Car même si Dragon Age : Origins ne peut rivaliser avec l'excellence de Shadows of Amn, la filiation avec le ténor est une évidence, ne serait-ce que dans l'esprit.
Comme Origins le suppose, suivant l’une des trois races que vous
choisissez d’incarner parmi six biographies prédéfinies, les premiers pas dans Dragon Age fouleront le sol d’une
localité et de son prologue spécifiques. Cette opportunité, idéale pour amener
le joueur à revivre l’aventure sous un regard neuf, n’est pas nouvelle. Le RPG
d’action Sacred : Fallen Angel
prévoyait déjà le dilemme. Mais là où Dragon
Age se démarque, c’est dans la profondeur de ces six entames qui, en plus
de figurer le parfait didacticiel pour chacun des avatars, ont une incidence
notable sur le déroulement de certains évènements de la trame principale. Cette
dernière, semblable pour tous, ne bouscule pas les fonds de tiroir de l’Heroic Fantasy. Fortement influencée par
l’indécrottable Seigneur des Anneaux de
Peter Jackson (jusque dans ses mises en scène, à deux doigts du plagiat),
l’histoire bénéficie néanmoins d’une écriture élégante et fouillée. A aucun
moment, elle n’atteint la portée philosophique de Planescape Torment ou la montée en puissance de The Witcher. Et les quelques traits
d’humour raffinés s’incrustant au détour des copieux dialogues ne font pas
oublier le premier degré assuré de ce périple… beau, mais un tantinet
soporifique (because of dejà-vu).
Autrement, dans les faits, et hormis un prologue pépère et balisé, le fil des
évènements se déroule tambour battant, enchaînant les revirements de situation,
les rencontres inattendues, les renouvellements de gameplay (Ah,
l’Immatériel !) et plein d’autres surprises. Le soft fait en effet intervenir
à intervalles quotidiens des scripts réfléchis, simulant un Ferelden en vie, et
presque autonomes (ou parallèles) par rapport aux actions entreprises par le
joueur. Dommage qu’en dehors de cette Marche du Temps où une heure ne se passe
sans un nouveau coup de théâtre, les personnages non joueurs (pnj) soient
plantés comme des poireaux dans un champ, à attendre que la conversation
s’engage. Un point noir pour Dragon Age :
Origins qui, à l’encontre des derniers JdR en quête de toujours plus de
réalisme (cycle jour/nuit ; emplois du temps variés des pnj ; interactions
multiples…), se contente du minimum syndical, utilisant un peu trop la carte de
la facilité. L’exemple le plus flagrant étant la multitude de décors couloirs,
balisés ou restreints dans lesquels la liberté de mouvements est sommaire. Très
sommaire, précisément aux endroits où on s’y attend le moins : le fast travel utilisé pour passer entre
les quelques quartiers de Dénérim… Avarice bien loin des moindres recoins entièrement
visitables des immenses et généreuses cités portuaires de Baldur ou d’Athkatla.
En choisissant de revenir à la
source des premiers jeux de rôle pour PC, Bioware ne pouvait décemment pas
faire de son Dragon Age : Origins une
promenade (dirigiste, donc) de jouvence pour les vieux de la vieille qui
attendaient enfin le retour du divertissement ardu, façon Baldur’s Gate. Rien qu’en mode normal, le niveau de maîtrise est
tellement relevé que les adorateurs de Bhaal - légendaire seigneur du meurtre
des Royaumes Oubliés, auront largement de quoi se prendre en pleine face le
retour de flamme nostalgique de leurs interminables nuits blanches passées à se
tirer les cheveux devant les jeux de Black Isle. Quant aux néophytes et
consoleux de dernière génération, ils risquent fort d’être surpris par le défi
coriace et revigorant proposé par l’aventure tant Dragon Age : Origins diffère d’une grosse partie des jeux
vidéo qui défilent depuis ces dernières années et n’ont besoin que d’un ou deux
neurones pour être terminés. Mais les anciens balduriens auront tout de même et
à de nombreuses reprises le plaisir d'apercevoir l'ombre de Baldur en
différents lieux et ambiances de Dragon
Age : les thèmes musicaux très proches (la BO de l’extension de Baldur’s Gate 2 était d’ailleurs déjà l’œuvre
de Inon Zur), les bruitages, les papotages et altercations entre équipiers
(encore plus développés que dans Mass
Effect), les tavernes et leur rixe, les rencontres plus ou moins aléatoires
sur la carte du monde, la nervosité des combats, l'importance de la stratégie,
les clics du crochetage, les pièges révélés, la boule de feu atomique, le
challenge de la difficulté, la pause active... Autant d'éléments, somme toute
classiques au genre, mais mis en scène dans Dragon
Age de telle façon qu'on pourrait effectivement se croire dans un jeu à la
Black Isle. La vue tactique fait d'ailleurs mine de revenir au temps de la 2D
isométrique si chère aux Napoléons en herbe. Un plus exclusif à la version PC
qui, s'il s'avère essentiel pour avoir une bonne vue d'ensemble du champ de
bataille, se révèle malheureusement inefficace à certains endroits : ruelles
exiguës, terrains accidentés ou sur plusieurs niveaux d'altitude. L'envergure
de cette vue censée faire toute la différence en combat est tellement limitée
que le joueur est obligé, en permanence, de passer d’une vue à l’autre pour
repérer et cibler archers et autres snipers (à la portée de tir
surhumaine). Sur la longueur, le va-et-vient file la gerbe, lorsqu'il ne met
pas à rude épreuve les nerfs du joueur se faisant assaillir de tous côtés.
Comparé aux récentes sorties du
genre, Dragon Age : Origins ne subit pas
tant que cela le poids de ses cinq années de développement. De la cité de
Dénérim aux monumentales constructions naines taillées dans la pierre
d’Orzammar, les architectures des différentes localités - pourtant dans les
sentiers rebattus des poncifs de la fantasy,
donnent à voir des modélisations vraiment agréables pour l’œil. Les intérieurs,
bien que répétitifs, ont été gavés de détails et de couleurs harmonieuses. Certains
décors 3D ont de la classe, presque autant que les plus fameux environnements
de Black Isle. A contrario, les textures
baveuses, la végétation brouillonne ou la carence d’éléments en plein air ne flattent
l’œil qu’à de trop rares occasions. L’écart esthétique entre ville et campagne
porte à croire qu’une fois de plus, les infographistes 3D ont été à la ramasse
lorsqu’il a fallu rendre hommage à Dame Nature. En outre, ce manque étrange de
finition (et d’imagination) semble avoir contaminé les responsables du design character, pareillement dans les
choux concernant le charme qui aurait pu se dégager des habitants du royaume de
Ferelden. Sans être déplaisants à regarder, ni à entendre (le doublage français
est assuré avec brio par une poignée de célébrités vocales du monde du jeu
vidéo), la majorité des protagonistes ont la particularité commune de ne
justement pas avoir de personnalités vraiment inoubliables. Cette fadeur
ambiante – étonnante de la part des mêmes créateurs à l’œuvre sur les charismatiques
coéquipiers de Mass Effect, est
tributaire d’une animation comportementale trop rigide pour être naturelle. Et
même si les scénaristes ont fait en sorte de dresser pour chaque individu
croisé un background respectif plutôt intéressant (avec scènes d’amour et
quêtes additionnelles à la clé), une fausse note indescriptible et gênante
persiste au milieu de ce semblant d’harmonie.
Soit.
L’accumulation modérée
d’arguments négatifs pourraient donner l’impression que Dragon Age : Origins n’est pas estimé à sa juste valeur, ou qu’il
n’en vaut pas la chandelle, ou qu’il serait temps pour son rédacteur aigri de
changer d’activité extra-professionnelle (dixit tous les futurs internautes pas
contents qu’un tel torchon existe), ou que rien du tout de cela. Car par les
testicules de Saverok !, une note de sept et demi sur dix, ça fait quinze
sur vingt, mention bien ! Et en dehors de l’esthétique inégale du titre
(notamment à cause du monde organique), des loupés de son gameplay (en vue
tactique), de la linéarité du voyage (avare en liberté et en démesure), de l’intelligence
artificielle ridicule des coéquipiers en roue libre, ou de l’abondance des
temps de chargement (faute au découpage grossier des zones de jeu), à ce jour, Dragon Age : Origins se rapproche le
mieux de ce qu’était capable de développer le mythique studio Black Isle – à
qui l’on doit les plus grands standards du genre. Quelques soucis techniques
sont à peaufiner. Mais les principaux ingrédients sont bel et bien là :
une difficulté revigorante, de belles ambiances, des combinaisons de sorts
jubilatoires (glace et tremblement de terre, waouh), de la nervosité dans les
combats, un brin d’humour (à booster), des quêtes secondaires plus subtiles que
d’accoutumé, six origines pour une durée de vie excellente (plus de 100 heures).
Il ne manque plus qu’à trouver le dosage idéal pour réellement se rapprocher au
plus près de la magie de l’Ile Noire. Et en attendant le second opus en
préparation, les modules à venir de la communauté des développeurs amateurs
auront sûrement le talent de rectifier les quelques impairs de Dragon Age : Origins, voire peut-être
de le surélever.