Mass Effect - Test
Jeux Vidéo / Critique - écrit par gyzmo, le 28/06/2008 (Tags : mass effect edition jeux bioware xbox trilogie
L’arrivée de Mass Effect sur Xbox 360 l’année dernière enivra les consoleux. Et pour les pcistes habitués aux hits du genre, qu'en est-il ?
BioWare est un monstre. Pas du genre à rôder, les intestins vides, dans les profondeurs d’une obscure galerie souterraine. BioWare serait plutôt du style à se dorer la face en pleine lumière, parmi les quelques prestigieux démiurges de l’industrie du jeu vidéo. Un studio responsable de la saga des Baldur’s Gate ou de Neverwinter Nights ne peut de toute manière que forcer le respect. Lorsque le projet de développement d’un tel phénomène est annoncé, les fans de jeux de rôle vidéoludiques dressent les oreilles, en salivent d’avance, avec en ligne de mire la perspective de passer du bon temps. C’est ainsi que l’arrivée de Mass Effect sur X-box 360 l’année dernière enivra les consoleux, au point de nous faire croire qu’il s’agissait là du “meilleur jeu de rôle de tous les temps”. Rien que ça. Et pour les pcistes habitués aux hits du genre, qu'en est-il ?
À première vue, l’intrigue de Mass Effect est maigrelette. Sans trop en dévoiler, il est question d’un fou furieux à la tête d’une armée de machines dont le désir d’extermination de toute vie sur la galaxie devra être stoppé par une âme charitable – vous, en l’occurrence. Ouais. Des séries Z ont parfois fait plus captivant que cela. Sauf que comme à son habitude, les scénaristes de BioWare font en sorte de construire un background florissant dans lequel l’immersion se retrouve dans de si bonnes conditions d’essor que son épanouissement ne peut être que garanti. De ce fait, et malgré une entame à la date de péremption depuis des lustres périmée, Mass Effect tire son épingle du jeu en proposant une intrigue beaucoup moins simpliste qu’elle n’y paraît, déchaînée par d’agréables rebondissements, dans un environnement riche de détails et d’Histoires. Le tout, dans un contexte plutôt inhabituel pour un jeu du genre : celui d’une race humaine discriminée et largement en minorité par rapport aux autres ethnies galactiques. Bien sûr, tous ceux qui ont déjà exploré Star Wars : Knights of the Old Republic (Kotor) – autre jeu de rôle développé par BioWare, auront la curieuse impression d’être en terre connue car certaines similitudes sont gonflées… Mais en ayant le courage de ne plus exploiter l’univers envahissant du tentaculaire Lucas, BioWare offre en contrepartie un space opera orchestré autour d’une partition singulière et, par extension, plus surprenante.
Une fois passés la désormais indispensable séance de customisation de votre avatar (avec une foule d’options digne de l’atelier de créature d’un Spore !) et les débuts un peu trop dirigistes de l’aventure, les virées en mode libre dans Mass Effect font battre la chamade au rythme de l’émerveillement et de l’excitation. Car derrière chaque nouvelle phase de découverte, le souffle coupé attend au tournant. La première lente descente en ascenseur vers la lumineuse Citadelle - capitale névralgique du jeu, encourage cet appétit gargantuesque qui consiste à aller fouiner dans les moindres recoins pour confirmer la beauté esthétique des graphismes. Par l’entremise d’une carte galactique, l’équipage du Normandy voyage de secteur en secteur, de système en système, de planète en planète. L’exploration de cette vaste voie lactée est bien plus prenante et longue que dans un Kotor, par exemple. Cela dit, l’apparente immensité de Mass Effect est à des années lumières de l’envergure de l’Arche du Capitaine Blood (jamais égalée de toute façon). Les planètes survolées ne sont pas toutes visitables. La frustration s’immisce alors. Et lorsque le débarquement est possible à bord du Mako - blindé tout-terrains à la maniabilité approximative, parce que les environnements traversés et les objectifs de quêtes sont quasi identiques d’une planète à l’autre, c’est la désolation qui l’emporte sur toutes les premières et excellentes sensations. Assez vite, la sentence est tranchante : Mass Effect se repose sur ses lauriers. La trame principale est d’ailleurs très courte. À peine une quinzaine d’heures pour en voir le bout ! Bon. Ok. Ce n’est pas juste d’être aussi intransigeant. À défaut de variété dans sa “quantité”, le soft de BioWare demeure un jeu à l’esthétisme raffiné et aux ambiances prenantes. Mais quand même…
À n’en pas douter, les personnages non joueurs rencontrés au fil du temps ont été modélisés et animés par des doigts magiques. Leurs postures d’arrêt sont toujours un petit peu raides ; leurs regards, portés quelquefois dans le vide. Cependant, Mass Effect parvient à insuffler à son bestiaire du caractère et atteint un nouveau cap de réalisme. À la manière des compagnons de Star Wars : Knights of the Old Republic, vos acolytes n’hésitent d’ailleurs pas à se manifester dès que vos actions et paroles ne sont pas en harmonie avec leur croyance. À ce propos, les phases de dialogues ont fait l’objet d’un traitement particulier. En principe, dans un jeu de rôle, ils prennent une place capitale, sont presque aussi bavards que n’importe quel point’n click. L’inconvénient est qu’ils finissent par picoter les yeux ou lasser les impatients. Mais pour Mass Effect, les programmeurs ont fait en sorte de les rendre interactif. L’astuce est de synthétiser les répliques du personnage principal par un mot-clé ou une phrase courte assez explicite pour refléter la réflexion qu’elle cache. De plus, l’interlocuteur n’a pas déjà fini sa phrase qu’on nous propose déjà de possibles répliques à lui riposter ! Pour peu que l’on soit rapide, les dialogues s’enchaînent donc sans blanc. Suivant la position cardinale des textes sélectionnés sur la “roue de conversation”, les dialogues approfondissent plus ou moins le débat, offrent de nouvelles répliques en fonction du niveau de talent en Charme et Intimidation, orientent les jauges de conciliation ou de pragmatisme – les équivalents de la Force et du côté Obscur. Sur le papier, les alternatives proposées par ce système de dialogue sophistiqué donnent l’impression que le court de l’histoire peut être altéré. En pratique, les choix moraux que l’on fait agissent effectivement sur le déroulement de la trame principale. Il convient même d’approfondir certains dialogues pour débloquer des quêtes annexes et révéler le profil d’une relation.
Fidèle au genre, les phases d’affrontement en temps réels sont copieuses et idéales pour acquérir des points d’expérience. Le système de gestion (HUD tactique) est bien pensé : en un pouik plus ou moins prolongé sur la barre d’espace, le jeu passe en pause, laissant le loisir au joueur d’indiquer une zone de couverture, de commander l’attitude de ses alliés (Ghost Recon: Advanced Warfighter inside), de cibler n’importe quel matériel ou organisme, de changer d’armes, d’utiliser ses pouvoirs biotiques… L’orchestration de tous ces éléments est rapide, simple, efficace. Un régal. Problème : les champs de bataille, en plus d’être redondant au cours des terra incognita des quêtes annexes, ne sont pas toujours très palpitants. En cause : l’intelligence artificielle en moyenne imbécile des ennemis ou des deux compagnons (incontrôlables) constituant votre garde personnelle – sur les six en réserve. Les uns ont un degré de réactivité proche de la nouille trop cuite. Les autres, sous l’impulsion des ordres donnés par Shepard, ne savent pas toujours où donner de la tête, restent plantés à glander sous le feu de l’adversaire. Ajoutez à ces bévues irritantes un attirail militaire où les armes de corps à corps sont inconnues au bataillon et dans lequel l’éventail d’équipements disponibles est réduit – probablement l’un des plus avares de l’histoire du rpg. Bien sûr, de nombreux et variés MODS rafraîchissent les trois ou quatre misérables armes à distance de base. Mais même une fois customisés, les flingues et fusils ne changent pas d’apparence. Dommage.
Vous l’aurez sans doute remarqué : tout au long de cette chronique, Star Wars : Knights of the Old Republic s’interpose souvent entre les lignes comme une référence inévitable. Il faut reconnaître que Kotor a marqué les joueurs sur de nombreux points. Mass Effect s’en inspire indéniablement – du moins, en ce qui concerne ses mécanismes et son gameplay, sans toutefois aller aussi loin dans sa diversité. En revanche, le nouveau-né de BioWare est à ce jour ce qu’il se fait de mieux visuellement dans le genre. La bande-son est excellente, le design élégant typé SF des années 70, savoureux. Le principe de dialogue est abouti - le meilleur qu'il m'ait été donné d'utiliser depuis longtemps. L’arrière-plan complexe et mature qu’il évoque serait d’ailleurs idéal pour façonner une saga, ce que l’annonce d’une trilogie à son égard semble confirmer. Mais dans l’absolu, le joueur exigeant aurait préféré une aventure unique plus touffue - allégée des inévitables passages bourrins au profit d'approches intelligentes et diplomatiques, des quêtes secondaires moins bâclées, des mini-jeux autres que l’ouverture classique de serrure électronique. Pour toutes ces raisons, Mass Effect est certes un jeu qui claque et avec lequel le joueur ressort émerveillé… mais pas suffisamment pour faire oublier les références exceptionnelles qui l’ont précédé.
/!\ connexion Internet et carte graphique gérant le shader 3.0 indispensables