8.5/10S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 24/03/2007
Notre verdict : 8.5/10 - Tous aux abriiiiis ! (Fiche technique)

Tags : chernobyl shadow video stalker zone test jeux

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Dans le film éponyme de Andreï Tarkovski, le Stalker (1979) était une espèce d'accompagnateur mystérieux pour touriste en quête de "La Chambre", partie d'une zone interdite dans laquelle n'importe quel voeu pouvait prendre forme. Irradié sans nul doute par quelques résidus de cette réalisation de science-fiction à la photographie épatante, le FPS / Jeu de Rôle des développeurs ukrainiens de GSC Game World a mis du temps avant que son Ombre, en provenance du désastre de Tchernobyl, n'atteigne nos frontières. Aujourd'hui, les nombreuses bouches d'égout qui avaient désigné le projet de vaporware 2006 (autrement dit : logiciel qui ne verra jamais le jour) sont sûrement en train de s'étouffer avec leur langue avariée. Nous ne prendrons pas le temps de nous recueillir sur leur tombe, la présente chronique ayant d'autres mutants à ratatiner...

"Les étendues radioactives de la Zone représentent des dangers inconnus du monde extérieur. Là où la mutation est monnaie courante, comment juger de ce qui est normal ? Là où la science est distordue, comment juger de ce qui est vrai ? La survie est le tout être vivant sur ce territoire désacralisé, mais chaque homme, chaque femme, chaque créature doit choisir son propre moyen de survie. En tant que Stalker, vous vous réveillerez sans aucun souvenir de votre passé et avec peu d'espoir sur votre avenir. Il vous faudra survivre, mais après ? Cèderez-vous à l'envie de tuer Strelok, une silhouette dont la présence fantomatique rôde dans votre subconscient ? Dénicherez-vous les précieux artefacts, transformés par la Zone en objets uniques, désirables et souvent dangereux ? Ou découvrirez-vous autre chose... ce pourquoi l'homme a créé l'enfer ?"


Half Life 2, Doom III, Prey, Dark Messiah. De prime abord, l'on serait tenté de dire que S.T.A.L.K.E.R. peinerait à soutenir la comparaison visuelle avec ses congénères précédents. Mais pour un jeu dont le lointain développement commençait à dater, le résultat est plus que respectable si bien qu'une configuration musclée ne sera pas un luxe pour gérer au mieux la sélection de très belles textures appliquées à des modélisations minutieuses et détaillées, ou l'éclairage dynamique, les FX (l'effet "psi" ; le camouflage façon Predator !) et sa profondeur de champs étendue. Sans atteindre toutefois l'amplitude totalement ouverte des terres d'un Oblivion, et malgré différents endroits indépendants et confinés derrière des kilomètres de barbelés, le level design de S.T.A.L.K.E.R. s'est appliqué à construire de sombres, dérangeants, vastes et complexes secteurs - dont certains directement calqués sur le véritable contexte de Tchernobyl. Du coup, un parfum d'authenticité mêlé à la sensation de liberté de mouvement parvient à se tailler la part belle au milieu de copieux bouts de chemin : suivre la route principale à la recherche d'affrontements ou longer les frontières pour éviter un maximum d'embrouilles ; faire du rentre-dedans en forçant l'entrée principale d'un édifice ou trouver subrepticement (grâce aux indicateurs de furtivité visuel et sonore) la faille architecturale afin de surprendre ses occupants ; attendre patiemment que tout le monde ait été bouffé par la faune sauvage... Les approches tactiques n'ont d'égales que la variété des personnalités engagées dans le périple. Ces options salutaires et propices à titiller les dilemmes ne sont pas sans rappeler celles offertes par l'excellent Deus Ex, FPS de référence et mâtiné, lui aussi, de divers éléments emprunts des jeux de rôle.

Le soupçon de RPG dans S.T.A.L.K.E.R., justement, est timide. Pas de points de compétences répartissables à l'horizon. Les quelques particularités sont déterminées par le choix d'artefacts aux propriétés diverses et trouvés (parmi une flopée) dans une nature farcie d'anomalies dangereuses. Ces items originaux sont applicables sur les cinq emplacements de votre ceinture et ont pour conséquence de modifier la résistance physique de votre avatar face aux agressions extérieures (endurance, radiation, coup et blessure...). Les plus rares (à trouver) ont un impact concret sur votre défense. Les autres, parce qu'elles apportent petit bonus et grands malus, sont généralement accessoires d'autant que la limitation de poids de votre inventaire (au-delà de 60kg, impossible de bouger) n'est pas propice à leur utilisation. Le niveau de réputation en fonction de ses actes auprès des factions, la fouille des cadavres, la gestion de son matériel, les aléas de la fatigue et de la faim, le marchandage et le PDA en guise de journal de bord (très prolixe) sont autant d'apports agréables issus du jeu de rôle qui viendront augmenter les plaisirs variés du jeu. Le système de génération aléatoire de missions secondaires, quant à lui et dans le principe, aurait pu être prometteur, laissant entrevoir une durée de vie presque illimitée. Mais au bout du compte - comme on pouvait s'y attendre - entre les récoltes ou vols d'items, les assassinats d'individus ou exterminations de monstres, les défenses ou attaques d'un point stratégique, ces innombrables quêtes sont désincarnées et tournent rapidement en rond. Certaines d'entre elles s'enclenchent automatiquement (bug ou script ?), toutes sont limitées dans le temps et nécessitent fréquemment d'interminables aller / retour fastidieux.


Pour donner vie à leur environnement, GSC Game World a mis au point leur programme de simulation d'activités (prenant en compte le cycle jour / nuit) des personnages non joueurs (pnj) : le A-Life, petit frère du Radiant AI d'Oblivion (en moins développé). Leurs habitudes respectives restent en effet sommaires (roupillon, guitare, patrouille, exploration) et les dialogues que l'on engage avec eux, dépourvus d'interactivité et toujours un peu les mêmes passée la découverte. Une existence pas des plus folichonnes, donc, mais il faut reconnaître que l'espérance de vie d'un Stalker - quel que soit son rang - est très courte. Hormis trois ou quatre enclaves sécurisées, personne n'est à l'abri de la Grande Faucheuse (vous, en l'occurrence, mais pas seulement). Bandits, Stalker et Militaires se frittent périodiquement la bobine. L'on peut rester spectateur de ces affrontements, ou prendre part à la fête, sachant qu'un camp peut très bien passer d'une main à l'autre du jour au lendemain. Sans compter les guerres de factions ! A ce propos, l'intelligence artificielle des combattants est remarquable. Médaille d'or aux chiens mutants qui, après avoir hurlé à la mort, se rassemblent en meute pour attaquer de manière imprévisible... les sales bêtes ! Aussi, quel que soit le niveau de difficulté sélectionné en début de partie, les premiers pas dans la Zone risquent de décourager les novices du genre et les plus confirmés. Par la suite, avec l'apport d'un attirail militaire percutant (l'un des plus fournis à ce jour dans un jeu vidéo) et de combinaisons résistantes, la balance s'équilibre. Mais avant de se sentir à l'aise (bon courage) et parer à toutes éventualités (idem), il va falloir serrer les dents et prendre son mal en patience. Survivre dans la Zone n'est décidément pas une sinécure...

Tour à tour Scavenger le Charognard, Trespasser l'Intru, Adventurer Sales Draps, Loner Tout Seul, Killer The Ichi, Explorer l'Indiscret, Robber le Larron : voici les différentes facettes possibles qui révèlent les initiales d'un S.T.A.L.K.E.R. digne de ce nom. Pour peu que l'on soit attentif, la trame principale s'en tire avec les honneurs grâce à son mécanisme SF classique - incontournable quête de l'identité - bourré de rebondissements sympathiques et ponctué de brillantes cinématiques transitoires... jusqu'à ses sept dénouements éventuels. De quoi tenir en haleine plusieurs heures et succiter le replay. Mais plus que tout, le soft jouit d'un background d'envergure (dépourvu de présence féminine tout de même) et d'ambiances frappantes et maîtrisées dont les ramifications rappelleront le meilleur de la saga post-apocalyptique Fallout ou les passages horrifiques de F.E.A.R. Le visuel empli de désolations, la bande-son surprenante et le sentiment d'insécurité permanente suffisent à faire de S.T.A.L.K.E.R. une expérience déroutante, immersive. Tout n'est pas exempt de défauts (quelques bugs d'affichage, 10 Go necessaires à l'installation), il va s'en dire, mais difficile de cracher sur les sérieux atouts qui sont à ses côtés.


Visuels : Copyright © 2007 THQ et GSC Game World