9.5/10Apollo Justice : Ace Attorney - Test

/ Critique - écrit par Islara, le 21/11/2008
Notre verdict : 9.5/10 - Le Phoenix renaît toujours de ses cendres. (Fiche technique)

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L'élève vient dépasser le maître par des nouveautés majeures et convaincantes. Apollo Justice détrône Trials and Tribulations pour devenir le meilleur des Phoenix Wright.

Avertissement : bien que par souci de respecter le lecteur nous évitions en général les « spoilers », compte-tenu de la date de sortie du jeu et dans le seul but de permettre une réelle discussion sur celui-ci, de nombreux spoilers (mais pas toute l'histoire non plus) figurent dans cette chronique.

Le retour fracassant de Phoenix
Le retour fracassant de Phoenix
Voilà une bien belle surprise ! Ceux qui ont eu la patience ou la possibilité de jouer à
Phœnix Wright Ace Attorney : Trials and Tribulations avaient peut-être refermé leur DS sur une grande nostalgie, pensant voir pour la dernière fois celui qui avait accompagné leur vie de joueurs depuis 3 ans. Peut-être avaient-ils pensé que ce nouveau petit blanc bec (ou plutôt rouge-bec) dénommé Apollo Justice n'était qu'un ersatz juste destiné à poursuivre une série qui marchait bien. Mais feu notre héros Phœnix porte bien son nom et c'est avec un premier procès fracassant de questions, de mystères et de coup de théâtre que Phœnix Wright renaît de ses cendres et fait immédiatement son retour. Déroulé sur un scénario ultra-rythmé, pour une fois très éloigné du classique tutorial, et profitant du fait qu'il ne s'inscrit que sur une audience, ce premier dossier nous apprend que Phœnix s'est fait radier du barreau il y a 7 ans pour une sombre histoire de preuve falsifiée, qu'il a une fille de 15 ans, qu'il s'est reconverti dans le poker professionnel, et qu'en l'occurrence, il est l'accusé du procès ! Rien que ça et sans que l'on nous apporte la moindre explication supplémentaire. Il faut être honnête : on ne s'attendait pas du tout à un retour aussi immédiat de Phœnix, et encore moins que l'histoire soit du début à la fin centrée sur lui. Rien ne laissait présager sa renaissance, que ce soit les images ou les bandes-annonces, et rien que pour cette surprise aussi détonante qu'agréable, le jeu Phœnix Wright 4, euh, pardon, Apollo Justice vaut son pesant d'or.

Le suspense est alors bien installé et l'on se voit plongé dans l'affaire suivante. Elle a des apparences classiques : un meurtre, des nouveaux personnages, la rencontre avec le nouveau procureur qui succède à Godot, Fransiska et Benjamin, 2 phases d'enquête, 2 phases d'audience. Les énigmes sont même plutôt trop faciles, l'affaire est en définitive vite cernée et on devine rapidement (chose rare) qui est l'assassin. Certains joueurs ont pu être indifférents à une telle banalité en se délectant des anecdotes plus farfelues que jamais, de la terrible et géniale mélodie du clan Kitaki, et en s'esclaffant devant les insolites crimes de vol de culotte et de stand à nouilles, d'autres l'ont regretté.

Mais cette banalité n'était qu'apparence trompeuse pour mieux surprendre le joueur car, en réalité, très habilement, progressivement, le puzzle se remplit, morceau par morceau, procès par procès et distille le poison qui constituera les fondations de l'épique dernier procès. Nul fan ne peut ignorer le parallèle avec le schéma gagnant de Trials and Tribulations qui a certainement inspiré Apollo Justice. Qui l'eut cru qu'encore une fois "The drama feverishly races to its conclusion and the past and the present blend to paint the truth" ? Qui s'attendait encore à une telle intensité ? A autant de drames et de tristesse ? Qui eut cru que Apollo Justice viendrait rejoindre Trials and Tribulations au rang des meilleurs épisodes ?


Quand l'élève dépasse le maître...

Le bracelet ? Un leurre...
Le bracelet ? Un leurre...
L'idée née d'Apollo Justice va plus loin, beaucoup plus loin, et l'élève vient dépasser le maître en lui rendant sa place. Ici les 2 procès intermédiaires ont toute leur utilité, Phœnix y reste bien présent et construit lentement mais sûrement sa dernière et monumentale affaire. Et alors, deuxième coup de massue, après avoir refait un procès du passé comme dans le 3ème opus, on découvre avec émerveillement la véritable nouveauté du système de jeu d'Apollo Justice. La recherche de tics nerveux avec ce fameux nouveau bracelet n'était qu'un leurre, un leurre plutôt sympathique même si pas vraiment exceptionnel, mais un simple leurre. Pour la première fois, comme dans la série Myst, nous n'incarnons plus un des personnages du jeu, nous nous incarnons nous-même, la personne derrière sa DS. Apollo Justice devient un jeu à la 1ère personne. Sous l'œil bienveillant de Phœnix qui s'adresse directement à nous, nous nous voyons offrir un bel écran ultra-moderne, du Mason System industrie, sous forme de tableau de contrôle. Déroulé sur fond noir avec des lettres d'or ou bleu translucide, qui tournoient en 3 dimensions sur des sons robotisés, ce tableau aux allures science-fiction qui nous permet de voyager du passé au présent, nous plonge dans un cyber-univers fascinant. Tant pour son esthétisme que par la grande nouveauté et l'originalité qu'il introduit, ce nouveau système avait tout pour séduire. En prime, il nous permet de retrouver les verrous-psyché que nous avions avec une certaine nostalgie perdus (mais c'était logique, jamais Apollo n'a fréquenté les Mey, il ne pouvait disposer du Magatama). L'innovation sera toujours la meilleure des qualités dans la création vidéo-ludique, et l'on doit bien admettre que sur ce point Capcom a fait très fort : passer via un tableau de contrôle du passé au présent, débloquer de la sorte de nouveaux lieux d'enquête, se voir dialoguer avec le Phœnix du futur, non seulement c'est une énorme surprise, mais surtout le jeu en devient plus intense.

Là où auparavant, la puissance de Phœnix Wright résidait seulement dans un scénario très solide à la difficulté bien dosée et un humour décapant, ce qui permettait de lui pardonner ses graphismes figés, sa linéarité et la passivité du joueur, il parade aujourd'hui avec ses nouveaux atouts, et brille encore et toujours par une intrigue exceptionnelle qui dépasse celle de son prédécesseur pourtant qualifié de « meilleur » de la série.


...Phoenix Wright devient un nouveau mythe.

Apollo Justice : Ace Attorney - Test
...qui cache bien des secrets tragiques
Des points faibles il y a ? Peut-être, d'un point de vue subjectif. Oui, Apollo Justice reste dans l'ombre de Phœnix. Oui, on peut trouver Vérité être une pâle copie de Maya, version magie. Oui le jeu reste assez dirigiste et les phases d'enquête un peu lassantes. Oui, les énigmes sont horriblement faciles. Oui, il y a toujours des fautes d'orthographes. Oui, les nouveaux personnages n'ont pas l'envergure des anciens et les anciens qui reviennent ne sont pas les plus emblématiques. Oui, l'écran tactile reste peu utile et les graphismes restent fixes. Mais après tout, ne sommes-nous pas contents de retrouver Phœnix et d'avoir en réalité une vraie suite à la série ? Vérité n'a-t-elle pas sa propre histoire tout aussi tragique que celle de Maya ? Le Mason System ne donne-t-il pas soudainement une plus grande liberté d'action et de mouvements ? Le jeu ne se corse-t-il pas petit à petit et surtout à la 4ème affaire ? La progressivité dans le niveau de difficulté n'est-il pas une bonne chose pour le public un peu plus jeune ou les joueurs moins affûtés à la logique ? Ne fallait-il pas du sang neuf pour relancer la série ? Ne fallait-il pas garder quelques atouts pour les prochains épisodes ? N'est-ce pas volontaire, pour respecter l'esprit de la série de conserver cette fixité et de n'utiliser l'écran tactile que de façon anecdotique ? N'a-t-on pas grandement amélioré la qualité des images (la différence est saisissante quand on enchaîne Trials and Tribulations et Apollo Justice) et n'a-t-on pas inclus de très belles vidéos ?


Une nouveauté : les vidéos.
Une nouveauté parmi bien
d'autres : les vidéos.
On ne sait plus où donner de la tête tant il y a de choses à louer ! La mignonne et trop craquante petite Vérité de 8 puis 15 ans, qui vient par sa candeur sortir Phœnix du désespoir ! Son incroyable et hilarant Monsieur Chapeau qui commet un attentat en plein milieu d'audience ! Ces vidéos judicieusement introduites de ci de là ! Cette atmosphère si tragique, qui nous touche en plein cœur, autour de la manipulation d'une petite fille recluse, de l'orphelinat d'une autre, de l'amnésie d'une mère et de la destruction de la carrière de Phœnix, notre cher Phœnix tombé dans un piège diabolique ! Ces graphismes retravaillés et tellement plus beaux et nets ! Ce Mason System et son voyage aux portes de la science-fiction ! Ces musiques toutes revues et corrigées avec un retour aux sources lors d'une phase d'audience, pour notre plus grand plaisir !

Le jeu se paie même le luxe de poser une réflexion sur le rôle de la loi, sur la pertinence d'un système de jury dans la procédure pénale, sur l'égo déplacé et démesuré de certains avocats, heureusement compensé par l'humilité et la conscience professionnelle des autres.

Phœnix porte bien son nom. Il renaît toujours de ses cendres et à plus d'un titre. Ce 4ème Phoenix Wright transforme la série. Celle-ci est plus qu'un jeu vidéo désormais. Entre le roman policier tragi-comique, l'animation et le film, elle est devenue pour nous un mythe et elle doit rester dans l'histoire du jeu vidéo comme une référence. Pour cet aboutissement épique, et pour l'ensemble de la série, je donne mon coup de cœur et je remercie l'ensemble des créateurs de Phoenix pour les moments d'émotion exceptionnels qu'ils m'ont offerts.