9.5/10Bayonetta - Test

/ Critique - écrit par Mandark, le 07/01/2010
Notre verdict : 9.5/10 - Big bijou (Fiche technique)

Tags : bayonetta switch test nintendo wii premier xbox

La claque Bayonetta est enfin là, et comme promis elle fait bien mal. La preuve par 4 flingues et un arsenal dément que le nouveau beat them all du créateur de Devil May Cry se pose bien comme la nouvelle référence du genre. Wanna touch me?

Il y a bien longtemps, les Lumens, représentants les forces de la lumière, et les Umbras, détenteurs des forces des ténèbres, coexistaient. Mais un jour, il y a 500 ans de cela, cet équilibre fut rompu.

« Il y a 20 ans, une mystérieuse femme se réveillait d’un cercueil immergé au fond des eaux troubles d’un lac. Incapable de se souvenir de son passé ou bien même de son nom, un seul souvenir de son origine oubliée était gravé en elle : le terrifiant « pouvoir des sorcières » capable d’invoquer de féroces démons et d’annihiler les serviteurs du paradis ». Voilà, à peu de choses près le postulat de départ de Bayonetta, le dernier jeu estampillé PlatinumGames et surtout le dernier fruit de l’imagination fertile de Kamiya Hideki.

Victoire par chaos !

Ma sorcière bien aimée
Ma sorcière bien aimée
Kamiya Hideki est un monsieur surprenant. Résolument porté sur l’action pure et dure, il commence sa carrière sous l’égide de Mikami Shinji en prenant à la demande de ce dernier les commandes de Resident Evil 2. Résultat ? La franchise train fantôme prend des airs de gros actionner, à tel point que Mikami, carrément pas content du résultat reverra personnellement la copie de A à Z pour livrer la version que l’on connait aujourd’hui. Pas rancunier pour autant, il s’adjoint de nouveau les services de Kamiya pour développer le quatrième épisode de la saga, désireux qu’il est de dépoussiérer le gameplay de sa série d’horreur. Mais là encore le naturel « débridé » du trublion va prendre le dessus. Plutôt que de le freiner, Mikami va ce coup-ci lui laisser totalement les coudées franches. Ce qui devait alors devenir
Resident Evil 4 se transforme en un jeu qui allait marquer d’une grosse pierre blanche l’industrie du jeu vidéo et devenir le maître-étalon du beat them all survolté pour les années à venir. Devil May Cry était né et avec lui le héros ultime selon Kamiya, Dante, immédiatement bombardé personnage le plus classe du jeu vidéo. S’ensuit la création de Clover Studio par Capcom regroupant à sa tête le trio Kamiya Hideki-Mikami Shinji-Inaba Atsushi qui donnera naissance à d’autres « coups de maître » tels God Hand, Killer 7, la série des Viewtiful Joe et Okami (à noter que ces deux derniers sont directement l’œuvre de Kamiya) avant de se voir définitivement fermé par la maison mère en 2007 pour cause de non rentabilité. Hélas, pour l’industrie du jeu comme pour beaucoup d’autres médias, originalité et savoir-faire ne sont pas forcément synonyme de succès commercial. La suite on la connaît puisque la fine équipe partira fonder PlatinumGames sous la houlette de Sega avec 4 titres sur son planning, Madworld, Bayonetta, Infinite Space (à venir sur DS courant mars) et un quatrième jeu, Vanquish, dont on ne sait pour l’instant pas grand chose si ce n’est qu’il est dirigé par Mikami.

Un sens certain de la démesure
Un sens certain de la démesure
Si j’insiste autant sur la personne de Kamiya, c’est que l’on ne peut parler de Bayonetta sans tenir compte du parcours et des obsessions du bonhomme. Sans Kamiya et sa conception du héros ultime comme fantasme de grand gamin émerveillé, Dante n’existerait pas, Viewtiful Joe non plus, et le jeu vidéo d’action ne ressemblerait pas à ce qu’il est aujourd’hui, tant l’empreinte laissée par ses créations sur le travail de ses successeurs dans le domaine est profonde (il n’y a qu’à jouer à God Of War et Ninja Gaiden pour s’en rendre compte)

Et avec Bayonetta il propose rien moins que le beat them all ultime, non pas en révolutionnant le genre, mais en le transcendant pour l’amener à un niveau de plaisir bourrin et de technicité jamais vu jusqu’ici. Rien que pendant les premières secondes de jeu où l’on doit directement affronter une horde d’anges furieux alors qu’une voix off raconte le début de l’histoire, on prend immédiatement conscience du fait qu’aucun cadeau ne nous sera fait et qu’on est pas venu pour gonfler des ballons. Bref, que la tâche qui nous attend est pour le moins ardue, seulement on n’imagine pas encore à quel point.

Darkness Vs light
Darkness Vs light
S’affranchissant du moindre réalisme et de la moindre logique scénaristique sur le plan de l’intrigue (l’histoire n’est ouvertement qu’un prétexte pour laisser libre cours à un énorme délire visuel soutenu par une direction artistique glamour/gothique unique en son genre) et choisissant sans retenue la voie de la démesure, du douzième degré et de la référence décomplexée à son travail, à celui de ses compères (sont cités pêle-mêle via des clins d’œil textuels, visuels et sonores Resident Evil 4, Madworld ou Okami) et même à Sega (Hang On, Outrun, Space Harrier), Kamiya s’affaire comme un diable à repousser les limites du « toujours plus », et à aucun moment cette générosité ne pèse sur l'estomac; au contraire on en redemande! Toujours plus d’action, avec un système de combat qui propulse le genre vers de nouvelles sphères ; toujours plus de décors baroques et barrés, comme cette interminable autoroute ou cette ville éclatée en plusieurs morceaux dans l’espace dans laquelle il faudra se déplacer en faisant fi des notions de haut et de bas au milieu d’une mer d’anges ; toujours plus de « classe attitude » avec une héroïne cool et majestueuse qui locke ses ennemis à l’aide d’une bouche pulpeuse et fait voler les barrières en éclat d’un baiser envoyé du bout des lèvres.

A vaincre sans péril on triomphe sans gloire.

Car avant toute chose il faut prendre en compte le point fort du jeu, Bayonetta elle même! Outrageusement sexy, un brin perverse, ultra charismatique et fière de l’être jusqu’à abuser de poses provocantes et lascives à la moindre occasion, elle est aux dires de son créateur « la femme absolue », ou en tout cas l’idée qu’il s’en fait. Après le héros ultime, Kamiya nous présente donc sa vision de la femme idéale, capable comme Dante avant elle de tenir tout un univers sur ses épaules et de nous faire détester les anges. Certains esprits pudibonds ne manqueront pas de crier à l’objectification de la femme à la vue de cette créature subversive, une sucette perpétuellement au coin des lèvres (je te vois sourire, ami lecteur) et dont la tenue de cuir moulante est en fait sa chevelure qu’elle transforme à son gré en invocations démoniaques pour mieux éparpiller ses adversaires tout en laissant apercevoir furtivement son corps dénudé. Mais cette « accusation » ne peut tenir la route deux secondes tant la belle manie l’érotisme discret et le second degré avec Treat me gently !
Treat me gently !
classe et humour, que ce soit en torturant les émissaires de la lumière à grands coups de guillotine ou en les envoyant avec force coups de bottes périr dans une vierge de fer, toujours avec une petite phrase bien sentie et en prenant la pose. Tout à la fois sale gamine et grande dame, Bayonetta impressionne gravement. Elle est « too much », inatteignable, fascinante et de mémoire de joueur on n’avait pas vu une telle personnalité depuis…

Et comment rester de marbre à la vue de ses pirouettes et face à sa maîtrise d’un arsenal proprement démentiel qu’il est possible de combiner suivant un bon nombre de possibilités (sans parler des armes de l’ennemi qu’elle pourra aussi utiliser après leur avoir botté le train). Compte tenu du fait qu’elle est létalement équipée à chaque membre, faites donc le calcul dès lors que l’éventail des armes proposé comporte des flingues, des fusils à canons sciés, un fouet, un katana, des griffes de puissance, des hallebardes, des masses d’armes, des tronçonneuses et même des patins à glace mortels (sans oublier que chacun de ces ustensiles a ses propres combos spécifiques pour bien varier les plaisirs). Et Bayonetta étant avant tout une sorcière c’est naturellement qu’elle pourra aussi faire appel aux forces occultes pour invoquer divers instruments de torture et autres entités venues du fond des enfers pour conclure un combat avec un finish bien sanglant et forcément jouissif.

Attention, cheveux méchants !
Attention, cheveux méchants !
Kamiya se lâche comme jamais pour offrir au joueur un maelström ininterrompu de violence stylistique avec à sa base un gameplay à tiroirs bougrement intelligent. Pour commencer il faut savoir que Bayonetta est un jeu extrêmement difficile, voire sans pitié mais qui a la classe de se mettre au diapason de tous, que l’on soit un pro ou non du pad, bien que sous conditions. Explication. Si on choisit de s’attaquer à la bête en mode facile, la moindre pression sur un bouton permettra d’obtenir des combos à décrocher la mâchoire mais le classement final ne sera pas pris en compte au niveau mondial et on se privera du plaisir de la variété des combos. Passer en mode normal corse méchamment l’affaire. Les ennemis hyper agressifs et les bosses (prononcez "bossiz") de tailles démesurées imposent une vigilance de tous les instants et de bien connaître quelques combos clés parmi l’hallucinante liste proposée (et que l’on pourra encore étoffer en achetant d’autres mouvements dévastateurs). Et en mode difficile voire au-delà, il s’agira de maîtriser ces mêmes combos à la perfection pour espérer survivre plus de trente secondes. Le bon point c’est que mourir n’est pas rédhibitoire, dans le sens où les check points sont nombreux et que l’on pourra recommencer à l’infini en cas de défaite. Le hic c’est qu’à la fin de chaque niveau le jeu vous renverra à la gueule un score bien humiliant sanctionné par une récompense qui vous fera baisser le visage en signe de honte (et ce sera encore pire si vous ne vous êtes pas battu de façon « classieuse »), ceci évidemment dans le but de vous pousser à vous surpasser au chapitre suivant ou de recommencer les précédents pour tenter de regagner un peu de votre panache perdu. Du coup, en perpétuelle exigence par rapport à soi-même on ne lâche plus la manette. Et c’est là qu’on prend la mesure de la véritable idée de génie du système de combat, le « witch time » : lorsqu’on esquive un coup à la dernière seconde le temps se fige soudain pour tous les ennemis permettant à la belle sorcière de leur mettre tranquillement misère pendant un court laps de temps. Mieux encore, si l’on a enclenché un enchaînement et que l’on doit le casser pour échapper à un coup soudain, il sera possible de le continuer comme si de rien n’était une fois l’esquive effectuée. Cette subtilité, une fois maîtrisée, se révèle en fait être la pierre angulaire de toute stratégie jusqu’à ce que chaque adversaire terrassé éclate en une multitude d’anneaux sortis tout droit de chez Sonic (et que l’on pourra ensuite échanger contre des items, des accessoires ou de nouvelles capacités pour le personnage et ses armes). Chaque chapitre se You wanna touch me ?
You wanna touch me ?
conclu par un mini game, une sorte de phase de shoot façon fête foraine qui rappelle sans cesse au joueur qu’il est là pour passer du bon temps avant tout, ceci avant de repartir fiévreusement à l’assaut d’un nouveau moment de bravoure, souvent présenté par une cinématique propre à faire passer les prouesses visuelles de Matrix pour une réunion de grabataires un dimanche soir au fin fond de la plus paumée des maisons de retraite.

Ajoutez à cela une splendeur visuelle de chaque instant, une bande son mélangeant habilement jazz lounge, électro et musique céleste (et la fameuse reprise du « Fly me to the moon » de Sinatra, par Helena Noguerra !), divers modes de difficulté à débloquer, dont un new game +, une durée de vie oscillant entre 10 et 15 heures de jeu suivant votre niveau mais toujours sur un rythme qui ne retombe jamais (rhâââ…et ces maudits QTE au moment où on s’y attend le moins !), durée qui passe à l’aise le cap de la cinquantaine d’heures si on souhaite obtenir tout ce que le jeu a à offrir, et vous comprendrez que Bayonetta se place aisément comme la nouvelle référence en matière de beat them all, loin au dessus de la concurrence, pour peu bien sûr qu’on ne jure pas que par les mastards musculeux qui sont habituellement les chantres de ce type de jeux.

Girl Power
Girl Power
Un petit mot pour finir sur l’inévitable polémique version Xboite/portage PS3. Oui, il est indéniable que le jeu est plus beau, plus fluide sur la console de Crosoft, et pour cause c’est pour ce support que le jeu a initialement été conçu. Mais le résultat sur le monolithe de Sony, même si il est un cran en dessous, n’a cependant rien de honteux contrairement à ce qu’on peut entendre dire ça et là. Un peu plus terne il est vrai, mais je n’ai en aucun cas constaté le moindre de ces soi-disant ralentissements tant décriés lors des phases de fight. Alors si vous avez une 360 n’hésitez pas et choisissez cette version de préférence, mais si vous avez la PS3 ne passez pas à côté de ce jeu qui décolle grave la rétine pour une sordide histoire de fan-boys qui jouent à qui pisse le plus loin, vous rateriez une des plus grosses bombes de ces dernières années, et une des premières claques de cette année 2010 qui s’annonce décidément riche en softs de qualité, foi de moi !

PS: Bayonetta est aussi dispo dans une très belle version collector classieusement appelée "Climax Edition" et qui contient en plus un mini artbook de 32 pages et une sélection de musiques du jeu, le tout enveloppé dans un boîtier bien sugoi.

Update: Depuis la mise à jour du jeu sur le PSN le 28 janvier dernier, l'écart entre les versions Xboite et PS3 s'est considérablement rétrécit. Ainsi le jeu est maintenant nettement plus coloré et fin qu'avant sur la bécane de Sony et franchement plus très loin visuellement de son homologue sur la machine de Crosoft. Et surtout, les temps de chargement ont été revus à la baisse (de l'ordre de 2 à 3 fois moins long, quand même) de par la possibilité d'installer le soft sur le disque dur de la PS3. Sega prend soin de ses joueurs, et ça fait zizir !